18 mai, 2021

AU CHILI, LE MOUVEMENT SOCIAL DE 2019 SE RETROUVE DANS LES URNES

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PHOTO MARCELO HERNANDEZ / ATON CHILE / AFP

Souvenez-vous, en 2019 -c’était le monde d’avant-, il y avait des mouvements populaires massifs dans des pays aussi différents que le Chili, le Soudan, le Liban ou le territoire de Hong Kong. Certains ont tourné court, comme au Liban où la crise n’a cessé de s’aggraver ; d’autres ont été réprimés et étouffés comme à Hong Kong.

par Pierre Haski

Mais, sortis de nos champs de vision saturés par la pandémie, certains ont continué leur route. Le Soudan a ainsi connu une transition après des années de dictature, saluée hier à Paris par une réunion internationale destinée à lui apporter des soutiens politiques et financiers.

C’est aussi le cas du Chili, qui, malgré le covid qui l’a durement atteint, a poursuivi un chemin politique remarquable, qui va lui permettre de se défaire définitivement du carcan hérité du général Augusto Pinochet, son dictateur pourtant écarté du pouvoir en 1990, et mort il y a quinze ans.

Le Chili ne cesse de nous surprendre, et les élections à une Assemblée constituante qui se sont déroulées ce weekend ont surpris les Chiliens eux-mêmes.

Il s’agissait d’élire les 155 délégués qui seront chargés de rédiger une nouvelle constitution dans un délai de neuf mois. Il y a certes eu une forte abstention, signe d’un malaise persistant, mais les électeurs, ceux qui se sont déplacés, ont choisi de renverser la table.

Ils ont défait toutes les stratégies politiques. Celle de la droite chilienne, qui s’était unie derrière le Président Sebastian Pinera dans l’espoir de contrôler une minorité de blocage. Il lui fallait le tiers des sièges, elle en a moins de 30%, et le président chilien a reconnu son échec.

Mais si les élus des « deux gauches », modérée et radicale, font leur entrée en masse, ce sont des indépendants qui ont été élus en grand nombre, dans un geste de défi vis-à-vis de la classe politique. De quoi rendre ce processus constitutionnel imprévisible, et qui garantit des débats acharnés. 

Signalons au passage que cette Assemblée avait promis la stricte parité, et que des femmes devront démissionner car elles ont été élues en trop grand nombre, sans doute une première mondiale.

La constitution héritée de Pinochet garantissait un modèle néo-libéral au Chili ; c’est en tous cas ce que lui reprochaient les manifestants de 2019. Le mouvement populaire réclamait une constitution garantissant les droits économiques et sociaux. Le défi sera désormais de la rédiger.

Il est en tous cas heureux pour la démocratie chilienne que de l’atmosphère de confrontation de 2019 soit sorti un processus soutenu jusqu’au sommet de l’État par un président longtemps fustigé par la rue. Ca n’a pas toujours été évident.

Mais le Chili de 2021 n’est plus celui de l’après-Pinochet, qui avait peur de trop secouer l’édifice hérité de la dictature. Les vannes sont ouvertes, dont le symbole est peut-être cette jeune maire élue dimanche à la tête de la capitale, Santiago : Iraci Hassler, 30 ans, communiste et féministe.

Quelle que soit la suite de ce processus complexe, il ne fallait pas rater le franchissement de cette étape décisive : la démocratie se réinvente aux antipodes.

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 IRACÍ HASSLER, NOUVELLE
MAIRE DE SANTIAGO DU CHILI.

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