Une campagne décalée pour dire non au projet de réglementation des vitrines
Douze fédérations de commerce signent une campagne nationale s’opposant à la réglementation des vitrines voulue par l’article 7 de la Loi Climat et résilience, actuellement en examen à l’Assemblée. Arguments pour défendre l’outil majeur de communication des commerçants vers les consommateurs que représentent, notamment, les panneaux numériques.
Daniel Bicard
\ 12h11
Daniel Bicard
Second degré et érudition artistique ont été convoqués par les 12 fédérations signant une campagne nationale pour défendre la modernisation et la numérisation des commerces. Ceci, au top départ de l’examen de la Loi Climat et résilience, qui débute ce lundi 29 mars, à l’Assemblée nationale. Et dont l’article 7 veut drastiquement réglementer les vitrines des commerçants au désespoir desdites fédérations. Pour faire pression sur les députés et les exhorter à renoncer au fatal article, pour sensibiliser aussi le public et interpeller les clients, le message prend le parti de l’humour, avec pour référence, le célèbre tableau de Magritte montrant une pipe en même temps que l’intitulé « Ceci n’est pas une pipe ». Cette œuvre - dont on connait moins le titre « la trahison des images » - est réinterprétée en montrant un café, un cintre, un livre, un slip… évidemment sous-titrés «ceci n’est pas… » un café, un cintre, un livre, etc. Et en plus gros de l’avis CECI EST UN PANNEAU NUMERIQUE !. Suivi de cette explication «il permet de moderniser nos commerces, de communiquer auprès de nos clients et de conserver l’attractivité de nos centres-villes face à l’accélération du e-commerce ». Cette campagne sera diffusée par l’ensemble des fédérations et proposée aux réseaux nationaux d’affichage numérique. Et également visible chez 2000 buralistes.
«Un acte politique inenvisageable et injustifié »
Le communiqué des fédérations présente le projet de réglementation des vitrines des commerçants comme « un acte politique inenvisageable et injustifié. 90 % des 594 000 commerçants de proximité sont concernés par cet article avec à la clé un danger majeur pour leur attractivité et leur pérennité. Une atteinte majeure à un outil de communication des commerçants vers les consommateurs et demain des réglementations différentes dans chaque agglomération ». Et d’enfoncer le clou, «cette mesure est disproportionnée et dangereuse pour des commerçants physiques déjà fragilisés par les confinements, la crise économique à venir et les adaptations des modes de consommation. Elle va à l’encontre de l’appel du gouvernement à la numérisation des commerces, à la simplification administrative et des ambitions des politiques publiques de revitalisation du commerce de centre-ville ».
Arguments chiffrés
Selon les signataires, « l’article 7 ne se justifie par aucun objectif environnemental, ni aucune perspective liée au développement durable ». A l’opposé des idées reçues, les mobiliers numériques seraient « moins ‘‘ carbonés’’ que les mobiliers print rapportés à leur poids économique. En terme de consommation énergétique comparée, une étude réalisée en novembre 2020 par le cabinet KPMG démontre que les vitrines digitales et le parc d’écrans numériques publicitaires extérieurs français sont environ 3 à 4 fois moins énergivores que le secteur de la publicité digitale et de la télévision ». Enfin, l’inutilité de cette nouvelle réglementation serait encore prouvée par le fait que « la baisse des consommations énergétiques des commerces et locaux commerciaux est déjà engagée du fait des réglementations actuelles : loi Grenelle II (2010), loi ELAN (2018) qui prévoient une réduction d’au moins 40 % d’ici 2030 des consommations des bâtiments affectés au commerce, arrêté de 2018 relatif à l’extinction nocturne des vitrines ».
Quels dégâts collatéraux ?
La proposition est perçue comme néfaste pour l’attractivité des centres-villes. Car «l’adoption de cette mesure va causer des dégâts collatéraux, à plusieurs titres :
- Un impact négatif pour la dynamisation des centres-villes et les plans de revitalisation à plusieurs milliards d’euros engagés par le gouvernement (plan national Action Coeur de ville).
- Un transfert des budgets des marques annonceurs des supports digitaux en ville et en vitrines vers les médias concurrents (TV, Search et réseaux sociaux) et donc une perte de revenus complémentaires pour les commerçants locaux, en particulier pour le secteur des cafés-restaurants, le plus touché par les fermetures administratives actuelle.
- Une contradiction avec les incitations à la digitalisation des commerces de proximité (exemple de la région Ile-de-France qui subventionne l’achat des écrans vitrines via ses chèques numériques).
De l’information d’utilité publique
Ceci quand «au contraire, l’affichage numérique renforce le lien entre les activités d’affichage numérique, les tissus économiques locaux et la nécessaire revitalisation des centres-villes. L’affichage en vitrine est, en effet, essentiellement utilisé par des annonceurs locaux issus du tissu économique de la zone de chalandise dans laquelle le support est installé. Le commerçant qui héberge le support, contribue, non seulement à l’animation commerciale en ville au bénéfice des commerçants, mais il participe à une information d’utilité publique en raison des contenus qu’il véhicule : promotion certes, mais également éditorial et information sur des évènements (spectacles, marchés de Noël, braderies), activités citoyennes (collecte de sang, actions caritatives, etc.) ». La mesure est dite « disproportionnée et discriminatoire ». « La vitrine est par nature l’outil de communication principal du point de vente, de son attractivité. Il n’est pas acceptable de l’amputer. En l’état le projet de loi constitue une atteinte disproportionnée aux droits constitutionnels des commerçants pour ce qui concerne l’intérieur de leur vitrine : droit de propriété, liberté d’entreprendre et liberté d’expression. Il remet en cause des situations légalement acquises et ne respecte pas le principe d’égalité ». En plus « seules les vitrines des commerçants de proximité sont touchées par cette réglementation. Ce projet de loi écarte tous les autres supports de publicité digitale (internet et réseaux sociaux, écrans des gares / métro et des aéroports...) ».
Des dispositifs publicitaires soumis à la prérogative des maires.
Autre grief : l’article 7 vise à soumettre les dispositifs publicitaires lumineux et enseignes lumineuses au sein des vitrines de magasins à la prérogative des maires. « Il précise d’ailleurs que le maire pourra imposer aux commerçants jusqu’à l’emplacement des dispositifs. De ce fait, il remet en cause le bon sens et la liberté de commercer dans un contexte où les intentions de certaines municipalités visent une interdiction déguisée ». Parmi les fédérations signataires figurent Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé ; L’Alliance du Commerce ; la Fédération du commerce Coopératif et Associé (FCA) ; la Fédération des Associations de Commerçants et Artisans Parisiens (FACAP), la Confédération des commerçants de France (CDF) et les Vitrines de France.