Une innovation québécoise au service de l’efficacité énergétique
Le reportage de Claude Bernatchez
Photo : Radio-Canada / Steve Breton
- Claude Bernatchez
EN MODE SOLUTIONS – Plutôt que d'évacuer directement dans les égouts la chaleur contenue dans les eaux domestiques usées d’un édifice à logements, une entreprise de Québec la revalorise et réduit de 23 % la consommation énergétique de l’ensemble d’un bâtiment.
David Pineault, le président fondateur de RegenEau, admire avec fierté le fruit de son travail des six dernières années.
C’est à Cap-Rouge, dans le sous-sol d’un des immeubles du complexe Galiléo, qu’il a installé sa première micro-usine vers laquelle est dirigée l'eau des 100 logements qui s’écoule des douches, des lavabos, des toilettes et des électroménagers.
L’énergie contenue dans l’eau n’est pas de grande qualité, mais elle est disponible en grande quantité.
On se branche à la toute fin du système d'égout du bâtiment [...]. Cette énergie qui n’était pas de très bonne qualité, on parle d'environ 25 °C, va être disponible pour être recyclée à haute température.
Le système de production d'eau chaude par recyclage de chaleur des eaux usées de RegenEau
Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy
Avant de se retrouver dans les égouts de la ville, l’eau usée est filtrée et débarrassée de ses matières solides. Elle est transférée dans les bassins du système d’où l’énergie est récupérée à l’aide d'un échangeur et d’une thermopompe. On ne fait pas juste un échange de chaleur pour puiser cette énergie
, nous explique le président de RegenEau. On vient la capter et la valoriser à haute température grâce à une thermopompe
, précise-t-il. Cette énergie récupérée contribue à chauffer l’eau dont auront besoin les résidents en cours de journée.
Réduire la demande quand ça compte
Préoccupée par les fortes demandes en période de pointe, Hydro-Québec s'intéresse aux technologies qui permettent de déplacer la consommation d’électricité pendant la journée. Le système de RegenEau nécessite trois fois moins d’électricité le matin et à l’heure du souper quand la demande en eau chaude est grande.
Le système de récupération et de chauffage de l'eau de RegenEau permet de limiter la demande en électricité en période de pointe.
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Puisque l’énergie doit être stockée pour maximiser l’utilisation de la thermopompe, il est possible de déplacer la consommation d’énergie, dit David Pineault. On vient stocker l'énergie au courant de la nuit, puis elle est disponible pour être livrée le matin [ou en début de soirée].
Jessica Parsons est l’ingénieure responsable des projets chez Bild immobilier. Elle croit que l’investissement pourra être amorti en moins de 5 ans. Un retour sur investissement qui est très bon
, dit-elle.
Jessica Parsons, ingénieure responsable du développement de projets chez Bild immobilier
Photo : Radio-Canada / Steve Breton
Hydro-Québec a financé une partie de la première installation du système dans une des unités du complexe Galiléo.
On vise à atteindre 75 % de réduction de la consommation énergétique, associée à la consommation d'eau chaude domestique [...]. Ça représente 23 % de moins sur notre facture d'électricité. C'est énorme.
À Cap-Rouge, RegenEau a été intégré à un projet de construction d'habitations neuves déjà en marche. On ne vient pas trop affecter les processus de construction
, précise David Pineault. On est en mesure de s’intégrer sans amener trop de surcoûts associés à l'installation.
Un peu plus de 100 logements sont alimentés en eau chaude par le système de récupération de chaleur de RegenEau.
Photo : Radio-Canada
Pour implanter un système d'eau chaude centralisée, il faut que ce soit simple pour le promoteur
, précise Jessica Parsons. Ce qui est intéressant avec RegenEau, c'est que c'est un simple clé en main.
On a un rôle d'influence [...]. Et en soutenant des entreprises en démarrage comme RegenEau, ça permet de développer de plus en plus des solutions créatives qui nous permettent de construire des bâtiments écoresponsables.
D’autres installations à venir
Dans sa petite usine de Saint-Nicolas, RegenEau planifie son expansion. Dix autres systèmes seront installés d'ici la fin de l’année dans des immeubles en construction. Un autre sera aussi intégré dans un édifice à logements existant.
Le président de l'entreprise voit grand pour son innovation qui pourrait trouver sa place là où les volumes d'eau usée sont importants, comme dans les hôtels ou les résidences pour personnes âgées.
David Pineault souhaite que l'innovation québécoise contribue à la décarbonation de l’économie. On ne peut pas se limiter à dire : "je vais attendre que le manufacturier aux États-Unis nous fasse une machine adaptée au climat canadien".
Notre petit marché n’est pas attrayant pour nos voisins du sud, croit-il. Il faut des gens locaux qui décident d'apporter un changement constructif.
- Claude Bernatchez