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Maurice d'Agaune

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Maurice d’Agaune
Image illustrative de l’article Maurice d'Agaune
Saint Maurice en tenue de soldat, sculpture (v. 1245), cathédrale de Magdebourg.
Saint, centurion, martyr
Naissance IIIe siècle
Thèbes, province romaine d'Égypte
Décès v. 286-287 
Agaune (Acaunum), Alpes Graiae et Poeninae
Vénéré par Église catholique, Église orthodoxe
Fête 22 septembre

Maurice d'Agaune, ou saint Maurice, et ses compagnons coptes venus de Thèbes (soldats thébains), martyrs du Valais, sont des chrétiens morts pour leur foi sous l'empereur Dioclétien au début du IVe siècle (vers 303).

Le récit de leur martyre est, en partie seulement, altéré de légende. Celle-ci est née de l'invention de corps de martyrs, de la tradition de saint Maurice d'Apamée importée peut-être par le moine Jean Cassien, mais aussi du souvenir encore vivant de la legio Felix[1]. Cependant la thèse de l’École des chartes de Jean-Marie Theurillat a précisé les évènements historiques en les dégageant du merveilleux dont la piété les avait enjolivés ; une meilleure connaissance du remaniement des structures de l’armée romaine à la fin du IIIe siècle a fait tomber les objections historiques et techniques, et surtout les fouilles archéologiques entreprises au pied du rocher d’Agaune « ont pleinement confirmé l’existence et le rôle de l’ensemble funéraire édifié par saint Théodore pour recueillir les restes des martyrs entre 370 et 380[2]. »

Saint Maurice est fêté le 22 septembre[3] ou parfois le 27 décembre par confusion avec Maurice d'Apamée.

Évènements historiques et diffusion du culte

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Rencontre entre Saint Érasme et saint Maurice (à droite en armure). Huile sur bois de Matthias Grünewald, v. 1520–1524, Alte Pinakothek de Munich.

Pendant la persécution de Dioclétien, les soldats de la légion thébaine, venus d’Égypte, auraient reçu l’ordre de tuer[4] tous les habitants près d'Octodure (Martigny) au nord des Alpes, qui avaient été convertis au christianisme par saint Materne. Maurice et les soldats de sa légion refusèrent d'obéir à cet ordre et furent condamnés à mort.

Selon une autre version, peut-être mieux attestée, les troupes romaines étaient envoyées par Dioclétien pour réprimer en Gaule une révolte de bagaudes (entre 286 et 304). Faisant étape à Agaune[5], leur commandant, Maximien Hercule, césar de Dioclétien, décida d'organiser à Octodure, la ville proche, un sacrifice à Jupiter. Maurice et ses compagnons refusèrent d'y participer. Furieux, Maximien fit décimer la Légion thébaine sans entamer sa résolution. Une nouvelle décimation n'ayant pas eu davantage de résultat, il fit exécuter la totalité de cette troupe.

Le massacre de la légion thébaine prend place parmi les récits hagiographiques de martyre chrétien.

Selon une tradition légendaire, après la mort de Longin, la Sainte Lance aurait été transférée en Égypte, atteignant Thèbes[6], où saint Maurice l'aurait redécouverte. À la disparition de Maurice, la relique serait tombée dans les mains des empereurs romains païens qui ne lui accordent aucune attention jusqu'à ce que l'empereur Constantin, converti au christianisme, marque l'étendue de sa nouvelle Rome, Constantinople, en traçant ses limites avec la pointe de la lance. La lance devient ainsi un symbole de pouvoir dans le Saint Empire[7].

Saint Sigismond, souverain du royaume des Burgondes et plus tard le premier roi chrétien canonisé au nord des Alpes, fonde le monastère de Saint-Maurice d'Agaune qu'il dote puis, le , y inaugure la louange perpétuelle du martyr. Dans les siècles qui suivent, la noblesse du royaume de Bourgogne (actuellement : Suisse Romande, Franche-Comté, Lyonnais, Savoie, Dauphiné, Provence) mais aussi du Saint Empire (depuis Henri IV) adoptent le culte de saint Maurice[4]. Le culte de saint Maurice en Occident s’est répandu dans un grand nombre de paroisses rurales de Savoie, du Piémont et de Suisse où une cinquantaine de paroisses lui sont dédiées, particulièrement dans le canton de Fribourg. En France, 70 communes portent son nom et plus de 500 paroisses sont placées sous sa protection. On le vénère à Cologne, Halle et Magdebourg, mais aussi à Cracovie en Pologne et à Riga en Lettonie[8].

Le récit d'Eucher de Lyon

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Le martyre de saint Maurice, tableau maniériste représentant le saint barbu[9]. Le Greco, 1580.

« Il y avait à cette époque une légion de soldats, de 6 500 hommes, qu'on appelait les Thébains. Ces guerriers, valeureux au combat, mais plus valeureux encore dans leur foi, étaient arrivés des provinces orientales pour venir en aide à Maximien. Comme bien d'autres soldats, ils reçurent l'ordre d'arrêter des chrétiens. Ils furent toutefois les seuls qui osèrent refuser d'obéir. Lorsque cela fut rapporté à Maximien, qui se trouvait alors dans la région d'Octodurum (Martigny aujourd'hui), il entra dans une terrible colère. Il donna l'ordre de passer au fil de l'épée un homme sur dix de la légion, afin d'inculquer aux autres le respect de ses ordres.

Les survivants, contraints de poursuivre la persécution des chrétiens, persistèrent dans leur refus. Maximien entra dans une colère plus grande encore et fit à nouveau exécuter un homme sur dix. Ceux qui restaient devaient encore accomplir l'odieux travail de persécution. Mais les soldats s'encouragèrent mutuellement à demeurer inflexibles. Celui qui incitait le plus à rester fidèle à sa foi, c'était le futur saint Maurice qui, d'après la tradition, commandait la légion. Secondé par deux officiers, Exupère et Candide, il encourageait chacun de ses exhortations. Maximien comprit que leur cœur resterait fermement attaché à la foi du Christ, il abandonna tout espoir de les faire changer d'avis. Il donna alors l'ordre de les exécuter tous. Ainsi furent-ils tous ensemble passés au fil de l'épée. Ils déposèrent les armes sans discussion ni résistance, se livrèrent aux persécuteurs et tendirent le cou aux bourreaux. »

— Eucher de Lyon.

Iconographie

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Assemblée de l'Ordre du croissant sous le patronage de saint Maurice. Peinture de Giovanni Bellini, XVe s.
Saint Maurice (détail) par Matthias Grünewald.
Saint-Maurice (détail). Vitrail par Józef Mehoffer, 1898-1899, cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg.

Saint Maurice est le saint patron de la Savoie[15],[16], du Saint-Empire romain germanique[4], des chasseurs alpins, des gardes suisses, des teinturiers et des malades de la goutte[17], ainsi que de nombreuses unités de l’armée française : il est ainsi le saint patron de l'infanterie et de la guilde des Têtes noires.

Devenu depuis le XIe siècle un saint pas seulement militaire mais essentiellement impérial et germanique, pas moins de 700 églises lui sont dédiées[18], telles à Angers, la cathédrale du diocèse où ses compagnons et lui sont représentés sur la façade, bon nombre d'églises en Pays de Savoie, ou encore la basilique Saint-Maurice d'Épinal[8]. Il est par ailleurs le saint patron de cette ville et de son hôpital entre 1693 et 1968[19].

Héraldique

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Ainsi, sa tête tranchée par les Romains à la suite d'une désobéissance fut dès le Haut Moyen Âge un symbole héraldique, d’abord dans les Alpes et puis repris bien au-delà. La tête de Maure se serait ainsi imposée comme emblème en Sardaigne (4 têtes) et en Corse à la suite de la domination du roi d’Aragon[20],[21].

Il y a un débat historiographique sur cette mise en perspective d'un lien entre Saint Maurice et ces drapeaux. La domination ayant été de courte durée, il est possible que l’ajout soit postérieur[22], d'autant plus qu'il n'y a pas de rapport entre Saint Maurice en Valais et le royaume d'Aragon, alors que ce dernier était un acteur de la Reconquista. Il n'y aurait donc probablement pas de rapport héraldique entre la Corse et la Sardaigne, et les Alpes[23],[24].

Il faut toutefois remarquer qu'en héraldique, les saints et leur têtes sont représentés de face, hiératiquement suivant la tradition des icônes et tableaux religieux avant la Renaissance. L'héraldique étant un art médiéval conservateur, il est peu probable que les têtes tranchées de profil représentées sans auréoles puissent être celle d'un quelconque saint, à la différence des blasons de la ville de Büderich et celle de Sandau (représentés ci-dessous). Notamment pour les îles méditerranéennes, les têtes de Maures semblent venir des captures des pirates mauresques (Maghrébins) musulmans qui rançonnaient et esclavageaient les voyageurs européens jusqu'à la destruction de leur base d'Alger en 1830. Une autre tradition du drapeau de la Corse fait remonter cette tête au roi Maure décapité en 816 par Colonna. En plaçant une telle tête dans son blason, la Corse indiquait ainsi sa victoire et donc son indépendance de l’assujettissement des Maures. À l'origine, ces têtes de maures étaient représentées avec le bandeau sur les yeux, et c'est au XVIIIe siècle qu'il fut relevé.

Par ailleurs, la graphie héraldique n'étant pas fixe (seul sa description est fixe, son expression visuelle est laissée libre à l'artiste), il faudrait vérifier si les têtes de noirs représentés dans certains blasons tels que celui de Coburg, Mandach et Krauthem, sont bien des têtes de noirs qui se désignaient sous le nom latin nègre, ou des têtes d'Africain du Nord qui se désignaient sous le nom de Maure. Il y aurait donc deux meubles héraldiques différent avec probable glissement de l'un vers l'autre.

Quant à saint Maurice, il s'agirait encore d'un troisième élément héraldique qui est somme toute traditionnellement représenté dans tout son corps, car rien dans son hagiographie n'indique qu'il fut décapité, et dont la tête est toujours auréolée, car c'est un saint martyr.


Bibliographie

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  • Denis Van Berchem, Le martyre de la légion thébaine : Essai sur la formation d’une légende, Bâle, Reinhardt, , 64 p. (présentation en ligne)
  • Esther Dehoux, aints guerriers : Georges, Guillaume, Maurice et Michel dans la France médiévale (XIe – XIIIe siècles), Rennes, PUR, .
  • Louis Dupraz, Les Passions de S. Maurice d'Agaune : essai sur l'historicité de la tradition et contribution à l'étude de l'armée pré-dioclétienne (260-286) et des canonisations tardives de la fin du IVe siècle, Fribourg, Éditions universitaires, coll. « Studia Friburgensia », , 679 p. (présentation en ligne)
  • Jean Prieur et Hyacinthe Vulliez, Saints et saintes de Savoie, La Fontaine de Siloé, , 191 p. (ISBN 978-2-84206-465-5, lire en ligne).
  • Eva Kovács, « Le chef de saint Maurice à la cathédrale de Vienne (France) », Cahiers de civilisation médiévale, vol. 7e année, no 25,‎ , p. 19-26 (DOI 10.3406/ccmed.1964.1295)
  • Christian Regat, « Un Égyptien et un Irakien à l'origine de la foi des Savoyards », Hommes et Migrations « Émigrés savoyards, immigrés en Savoie », no 1166,‎ , p. 6-9 (DOI 10.3406/homig.1993.2028)

Postérité

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Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Albert Dufourcq et Françoise Monfrin, Étude sur les Gesta martyrum romains, De Boccard, , p. 26.
  2. Regat 1993, p. 8-9.
  3. Date de l'inauguration, le 22 septembre 1515, de l'abbaye territoriale de Saint-Maurice d'Agaune.
  4. a b et c « Autour de saint Maurice : Politique, société et construction identitaire », sur digi-archives.org (Fondation des Archives historiques de l'Abbaye de Saint-Maurice) (consulté le ).
  5. Le mot latin Acaunum est devenu Agaune en français. Il est issu d'un vocable gaulois signifiant « rocher pointu ». Le site abritait un poste de douane romain, où l'on prélevait une taxe sur toutes les marchandises qui franchissaient cette cluse à l'entrée de la vallée du Rhône.
  6. Avant l'an 286.
  7. (en) Jerry E. Smith et George Piccard, Secrets of the Holy Lance, Adventures Unlimited Press, , p. 105.
  8. a b et c Regat 1993, p. 8.
  9. Au premier plan, un tronc d'arbre coupé symbolise leur future mort. À côté rampe un serpent près d'une roche grise sur laquelle se détache un papier blanc portant le nom de l'artiste inscrit en grec. Maurice vêtu de bleu et de pourpre, entouré de ses compagnons et de son page tenant son casque, attend le martyre avec résignation. En arrière-plan, les soldats de la légion thébaine serpentent en procession. El Greco ne peint pas la scène en Suisse, mais dans la province de Tolède avec ses « cigarrales », ces grandes maisons de campagne sur les collines, entourées d'arbres fruitiers.
  10. Regat 1993, p. 7.
  11. Louis Réau, Iconographie de l'art chrétien, Presses universitaires de France, , p. 937
  12. « Orelle. Découverte de l’histoire de l’église Saint-Maurice en musique », sur www.ledauphine.com (consulté le )
  13. Chanoine Maurice Ribordy, « La paroisse de Bourg-Saint-Pierre et ses prieurs », Annales Valoisiennes, 1953, p. 318.
  14. Édouard Aubert, Trésor de l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune décrit et dessiné, A. Morel, , p. 161.
  15. Prieur et Vulliez 1999, p. 181-182.
  16. Conférence de Christian Regat aux Amis du Val de Thônes, le 2 décembre 2011, « Saint Maurice et les foires de la Saint-Maurice » (lire en ligne).
  17. Rosa Giorgi, Le Petit livre des saints, Larousse, (ISBN 2-03-582665-9).
  18. (de) G. Suckale Redlefsen, Mauritius : der heilige mohr, Menil Foundation, , p. 35.
  19. Sébastien Kuhn, « Savez-vous qu’Épinal avait déjà accueilli un nouvel hôpital en 1629 ? », sur Vosges Matin, (consulté le ).
  20. Thierry OTTAVIANI, La Corse pour les Nuls poche, EDI8, , 396 pages, « Les symboles de l’île »
  21. Patrice de La Condamine, Histoire en drapeaux et blasons - Cinq Pays Pyrénéens, éditions Les Enclaves Libres.
  22. Pierre Antonetti, Le drapeau à tête de Maure : études d'histoire corse, La Marge, , p. 12.
  23. Michel Collectivité de Corse et Marie-Eugénie Poli-Mordiconi, E figure di a Corsica: symboles, emblèmes et allégories [exposition, Corte, Musée de la Corse, 1er août 2018-30 mars 2019], Albiana Museu di a Corsica Jean-Charles Colonna, (ISBN 978-2-8241-0914-5 et 978-2-909703-61-9)
  24. Michel Vergé-Franceschi, Aux origines de la tête de Maure: un roi, un esclave, un corsaire ou un saint ?, Albiana, (ISBN 978-2-8241-1304-3)
  25. « Un Mystère lancinant », sur 24heures.ch via Wikiwix (consulté le ).
  26. « Création - Le mystère d'Agaune », sur Ensemble Vocal de Saint-Maurice, (consulté le ).