Jiang hu
Le terme jiang hu (chinois simplifié : 江湖 ; pinyin : ; Wade : chiang¹ hu² ; EFEO : kiang hou ou tsiang hou ; cantonais Jyutping : gong¹ wu⁴), parfois écrit jianghu, signifie en mandarin « fleuve et lac », mais est plus généralement traduit par « rivières et lacs ». Ce terme est utilisé pour désigner, dans la littérature, une société parallèle à la société traditionnelle de la Chine impériale, essentiellement constituée :
- des combattants, artistes martiaux, qui forment la « forêt de la guerre » ou wulin (chinois simplifié : 武林 ; pinyin : ), également appelé « le monde des arts martiaux » :
- des chevaliers errants ou youxia (chinois simplifié : 游侠 ; chinois traditionnel : 遊俠 ; pinyin : ),
- des bandits, formant le domaine des « vertes forêts », lulin (chinois simplifié : 绿林 ; pinyin : ), certains sont des bandits honorables et justiciers (équivalents de Robin des bois), les « chevaliers des vertes forêts » (chinois simplifié : 绿林好汉 ; pinyin : ) ;
- de manière plus générale, des personnes vivant en marge de la société : prostitué(e)s, vagabonds, colporteurs, charlatans, moines errants ;
- de fiefs loin des centres administratifs importants, et gérés de manière féodale.
De manière générale, cette frange de la société est mal vue de la société traditionnelle, car refusant de s'intégrer. Toutefois, certains de ses membres sont tenus en haute estime pour l'aide qu'ils apportent à la population : lutte contre les brigands, contre l'oppresseur. L'importance du jiang hu, et en particulier de sa composante guerrière le wulin, a grandement varié selon les époques ; il prend en général de l'importance dans les périodes troubles :
- des guerriers errants peuvent s'opposer à l’État oppresseur, et peuvent pallier les carences de l'administration centralisée ;
- les fiefs indépendants ne sont pas inquiétés par une administration ayant d'autres préoccupations.
À l'inverse, ses membres sont obligés de passer dans la clandestinité lorsque l’État est fort et cherche à tout maîtriser.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le jiang hu date de la dynastie Zhou (de -1045 à -256). Au début de la dynastie, le système est féodal (chinois simplifié : 封建 ; pinyin : ). Les guerres deviennent de plus en plus fréquentes et ce phénomène entraîne une centralisation du pouvoir. Ce pouvoir commence à s'appuyer sur des fonctionnaires ; c'est à cette époque que naît Confucius (-551, mort en -479).
Le mode de combat change également. Initialement, on a une noblesse chevaleresque, les shi (chinois simplifié : 士 ; pinyin : ), qui a également des fonctions civiles en temps de paix. Leurs attributs sont le char, l'épée, l'arc et la lance ; la guerre est alors une « affaire de spécialistes », le reste des troupes apportant surtout un appui logistique. Dans la période des Royaumes combattants (de -481 à -221), on passe à des affrontements de masse, cavalerie et infanterie armée d'arbalètes, donc à des armées de roturiers commandée par les shi. Les shi sont donc employés comme gestionnaires et non plus comme combattants.
Ces transformations du mode de gouvernement et du mode de combat entraînent une transformation sociale. Certains shi évoluent vers une classe de lettrés, les wenshi (chinois simplifié : 文士 ; pinyin : ) et deviennent fonctionnaires. Ces lettrés deviennent la classe sociale la plus prestigieuse, désignée par la suite simplement par le terme shi dans le système des « quatre occupations » (chinois simplifié : 士农工商 ; pinyin : ). À l'inverse, d'autres, les wushi (chinois simplifié : 武士 ; pinyin : ), restent attaché au code de l'honneur de la chevalerie (chinois simplifié : 武德 ; pinyin : ) et à l'excellence martiale (chinois simplifié : 功夫武术 ; pinyin : ) et sont marginalisés. En effet, alors que le confucianisme prône la prééminence de la société sur l'individu, l'obéissance à celui qui a reçu le « mandat du ciel » (l'empereur), la supériorité de l'érudition wen (chinois simplifié : 文 ; pinyin : ) sur la guerre wu (chinois simplifié : 武 ; pinyin : ) et la piété filiale, les wushi mènent une vie individualiste, dont les valeurs principales sont la liberté, l'indépendance, l'excellence martiale et la camaraderie. Ils sont en cela plus proches du taoïsme qui se développe à la même époque.
Cette frange marginale, les wushi, est à l'origine du jiang hu certains deviennent mercenaires, gardes du corps, ou bien bandits ; d'autre deviennent des youxia, des chevaliers errants.
Les combats lors de l'unification par Qin Shi Huang Di, le tian xia (chinois simplifié : 天下 ; pinyin : ), font des ravages dans les rangs du jiang hu. Une fois la Chine unifiée, l'empereur décrète la confiscation des armes, les survivants se réfugient donc dans la clandestinité. Le despotisme de l'empereur et de son successeur donne lieu à des révoltes, ce qui est l'occasion pour les wushi, chefs de guerre, de prendre leur revanche.
Liu Bang, tombeur de la dynastie Qin et premier empereur Han, est un chef de guerre issu du peuple. L'empire chinois reprend alors une forme féodale avec l'existence d'un certain nombre d’États indépendants. Le matage de la Rébellion des sept États en -154 entraîne une recentralisation des pouvoirs, donc une nouvelle mise en cause du jiang hu, mais l'empire est à nouveau partagé entre seigneurs de guerre à la mort de l'empereur Ling en 189.
Le jiang hu dans les œuvres de fiction
[modifier | modifier le code]Dans la littérature
[modifier | modifier le code]- Au bord de l'eau, roman chinois du XIVe siècle
Au cinéma
[modifier | modifier le code]Le terme « jiang hu » apparaît dans plusieurs titres de film :
- La Voie du Jiang Hu, film de Wong Ching Po (2004)
- Jiang hu: The Triad Zone, film de Dante Lam (2000)
- Le Règne des assassins (劍雨, Jianyu Jianghu), film de Chao-Bin Su et John Woo (2010)
- Xiao ao jiang hu (笑傲江湖)
- The Proud Youth (zh) (笑傲江湖 , Xiao ao jiang hu), film de Chung Sun (1978)
- Swordsman (Xiaoao Jianghu), film de Ching Siu-tung, King Hu, Ann Hui, Andrew Kam et Tsui Hark (1990)
- La Mariée aux cheveux blancs/Jiang Hu, entre passion et gloire (白髮魔女傳), film de Ronny Yu (1993)
- Flaming Brohters (江湖龍虎門, Jiang hu long hu men), film de Joe Cheung (1987)
- Just Call Me Nobody (zh) (大笑江湖, Da Xiao Jiang Hu, film de Yen-ping Chu (2010)
- Les Éternels (江湖儿女), Jiānghú érnǚ, film de Jia Zhangke (2018)
Dans les jeux
[modifier | modifier le code]- Jeux de rôle sur table
- The Celestial Empire (Alephtar Games, 2010), un cadre de campagne pour le Basic Role-Playing
- Qin (Romain d'Huissier, Florrent et Neko, 7e cercle, 2005), et son supplément Shaolin et Wudang (2008)
- Wuxia (Christophe Schreiber et Roland Breuil, Studio Mammouth, 2006)
- Wulin (Nicolas Henry, Game-Fu, mars 2015)[1]
En musique
[modifier | modifier le code]- Yúlè jiānghú (娱乐江湖) est un album du groupe chinois Èrshǒu méigui (Second Hand Rose) (2006)
- Jianbg Hu, the Rhapsody (江湖) est un album de Wakin Chau (周华健) (2013)
Autre
[modifier | modifier le code]- Jiānghú (江湖) est une classe de frégate de la Marine chinoise.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Wulin - Livre de base », sur Game-Fu
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (en) « Jiang Hu », sur My Wuxia