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Loutre de mer

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Répartition géographique

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Description de l'image Seeotter.jpg.

Statut de conservation UICN

( EN )
EN A1ace : En danger
- Dernière révision : 2000

Statut CITES

Sur l'annexe I de la CITES Annexe I , Rév. du 04-02-77

Statut CITES

Sur l'annexe II de la CITES Annexe II , Rév. du 01-07-75
Enhydra lutris nereis uniquement

La loutre de mer (Enhydra lutris, Linnaeus 1758), est une grande loutre (famille des mustélidés) vivant dans le Pacifique Nord, du nord du Japon (île de Hokkaidō) à la Californie, en passant par le Kamtchatka, les Aléoutiennes et l'Alaska. C'est la plus aquatique et la plus massive des loutres, la seule à pouvoir vivre en permanence dans la mer.

La loutre de mer ne doit pas être confondue avec la « loutre marine », Lontra felina, encore appelée chat de mer ou chungungo, qui vit le long des côtes du Pérou et du Chili et qui a besoin d'abris terrestres. Il arrive aussi quelquefois que certaines loutres d'eau douce, comme la loutre européenne, fassent des incursions en mer, mais leur organisme n'est pas adapté à des séjours prolongés.

Les loutres de mer forment la seule espèce du genre Enhydra.

Chassées intensivement à compter de 1741 pour leur fourrure (la plus dense de tous les mammifères avec jusqu'à 170 000 poils par centimètre carré), les populations de loutre de mer ont été considérablement réduites et disparaissant même de nombreuses régions de leur zone de répartition historique. En 1911 on a estimé que leur population mondiale était tombée entre 1 000 et 2 000 individus. Bien que plusieurs sous-espèces soient encore en danger, les loutres marines, qui sont légalement protégées, ont vu leur population fortement augmenter. Les efforts de réintroduction ont également montré des résultats positifs.

Description physique

Les loutres de mer sont les plus lourdes des loutres, mais pas les plus grandes[1].

Avec leurs longs corps profilés, les loutres de mer sont adaptées à la vie en mer, une mer tempérée (Californie) à froide (Alaska, Kamtchatka) dont la température oscille souvent entre 1 et 10° seulement. La loutre a dû développer des adaptations très particulières pour survivre dans un tel milieu, en particulier au niveau de sa fourrure.

Celle-ci varie d'un brun rougeâtre au noir. Particulièrement dense (140 000 à 170 000 poils par centimètre carré), elle isole l'animal et maintient une couche d'air sous les poils, créant une barrière efficace entre l'eau et la peau. Le pelage comporte des poils longs, brillants, épais et résistants : les jarres. Il comporte aussi des poils courts, très denses, plus fins : la bourre. La loutre enduit ses poils avec la sécrétion de glandes cutanées huileuses, qui les imperméabilisent temporairement, et doit régulièrement être réappliquée. Le temps passé à imperméabiliser sa fourrure par la loutre de mer est de plusieurs heures par jour.
Le poil imperméabilisé (surtout la bourre), retient de nombreuses bulles d’air qui assurent l’isolation thermique (la peau reste plus ou moins sèche). Chez les jeunes, la quantité d’air est telle que ceux-ci ne peuvent ni plonger ni couler, ce qui est essentiel dans la mesure ou ils ne savent pas nager à la naissance.

Les loutres ne possèdent pas de couche de graisse isolante comme les autres mammifères marins. L’eau provoquant une perte de chaleur 25 fois plus rapide que l’air, les animaux à sang chaud qui vivent dans l’eau doivent s’isoler, mais aussi produire plus de chaleur. L’isolation est fournie chez la loutre de mer par la fourrure, la production de chaleur par un métabolisme environ deux fois plus élevé que chez un mammifère de même taille. Ce métabolisme explique que la loutre de mer doive manger près de 25% de son poids chaque jour pour maintenir sa température interne de 35° Celsius (10% seulement chez la Loutre européenne, qui passe beaucoup moins de temps dans l’eau).

Autres adaptations à la vie aquatique :

  • les narines et les oreilles se ferment hermétiquement pendant la plongée ;
  • l’apophyse épineuse (les « épines » qui sortent de la colonne vertébrale) est très développée, comme chez d’autres mammifères marins, ce qui offre un meilleur ancrage aux muscles du dos ;
  • la circulation sanguine a la particularité (dite rete mirabile)[2] d’être constituée (sous le derme) par un mélange de petites veines et de petites artères, les veines étant structurées pour bénéficier de la chaleur dégagée par les artères, ce qui réduit les pertes de chaleur ;
  • les poumons sont 2,5 fois plus larges que ceux d’un mammifère de même taille, pour favoriser les plongées (la loutre n’a en effet pas les couches de graisse épaisses des autres mammifères marins, qui leurs servent à l’isolation thermique, mais aussi à stocker de l’oxygène pour les plongées) ;
  • le taux d’hémoglobine est plus important que chez un mammifère terrestre, facilitant le stockage de l’oxygène en plongée ;
  • le sang des loutres de mer a une grande capacité régulatrice qui aide ces animaux à supporter les excès de CO2 accumulés sous la pression durant la plongée ;
  • les naissances peuvent être reportées en cas de climat marin trop perturbé (voir le chapitre reproduction) ;
  • la lèvre supérieure, le nez et le dessus des yeux sont entourés de longues vibrisses (ressemblant aux « moustaches » des chats) qui repèrent les mouvements de l’eau, ce qui permet à l’animal de se diriger et de chasser dans des milieux aquatiques à faible visibilité ;
  • les yeux, les oreilles et les narines sont situés sur le dessus du crâne, comme chez beaucoup d’animaux aquatiques à respiration aérienne, ce qui permet à la loutre de rester dissimulée dans l’eau tout en respirant et en surveillant les alentours ;
  • les pattes avant ont des griffes rétractiles, alors que les pattes - nageoires postérieures sont plus longues, largement aplaties et palmées : ce sont surtout ces dernières qui servent à la propulsion.

Sous chacune des puissantes pattes avant se trouve une poche de peau, employée pour stocker temporairement la nourriture ramassée pendant les plongées au fond, ou les pierres qu’elles utilisent volontiers comme outils.

Les loutres ont une queue assez courte, épaisse et musculeuse, qui leur sert de gouvernail.

Les loutres mâles peuvent atteindre un poids maximum de 45 kilogrammes et une longueur allant jusqu'à 1,5 mètre. La moyenne est cependant plutôt d'une trentaine de kilogrammes pour les mâles. Les femelles sont plus petites (un peu plus d'1 m), avec parfois seulement 70 cm, pour un poids moyen d’environ 23 kg.

Les femelles ont deux mamelles seulement.

Les loutres mènent des vies relativement longues : jusqu'à 23 ans dans la nature[3] (quinze - vingt ans en moyenne).

Comportement et reproduction

Les loutres de mer peuvent être solitaires ou vivre en groupes. Ces animaux sont en général plutôt sociaux, et on a relevé en Alaska des groupes comptant jusqu’à 2 000 individus. En Californie, où la population est moins importante, les groupes font plutôt de 10 à 100 individus. Les groupes sont souvent sexuellement séparés, les groupes de mâles étant en général plus importants que ceux des femelles.

En surface, les loutres de mer nagent souvent sur le dos. On peut supposer qu’il s’agit d’une adaptation à la vie en eau froide. Cette position permet de maintenir le bout du museau et les pattes hors de l’eau. Ces zones du corps sont en effet dépourvues de fourrure (mais ne représentent qu’1% de la surface corporelle). Les loutres passent en posture ventrale quand elles souhaitent nager plus vite, par exemple en situation de fuite. Elles se reposent sur le dos en s'enroulant dans les frondes géantes du kelp, ce qui leur évite de dériver pendant qu'elles mangent ou pendant leur sommeil.

Les forêts de kelp

Fichier:KelpAquariumMed.jpg
Une forêt de kelp à l'aquarium californien de Monterey

Les forêts de kelp sont de véritables forêts d'algues géantes, pouvant faire plusieurs dizaines de mètres de long. Ces algues sont ancrées sur le sol et flottent jusqu'à la surface grâce aux flotteurs qui se trouvent à la base des feuilles. Ces forêts sont un habitat privilégié pour les loutres de mer grâce à l’ancrage qu'elles fournissent (les loutres s'enveloppent dans les feuilles flottant en surface) les protègeants des tempêtes et des courants et grâce à l'abondance de la nourriture qui s'y trouve. Cependant, les loutres de mer ne sont pas strictement inféodées aux forêts de kelp, et certains groupes vivent dans des zones sans kelp.

On a noté que la loutre de mer avait un impact favorable sur l’extension des forêts de kelp : les loutres mangent énormément d’oursins, qui sont des brouteurs de kelp. Là où les loutres reviennent, le kelp se porte mieux et ses forêts se développent, permettant à toutes sortes d’animaux (invertébrés mais aussi poissons) de s’y développer. Là où les loutres sont absentes, les forêts de kelp sont dégradées et plus restreintes[4].

Cette action sur le kelp peut d’ailleurs jouer en faveur des loutres. Les pêcheurs californiens d’ormeaux ont en effet longtemps considéré les loutres comme des concurrentes, car les loutres sont des prédateurs des ormeaux. Bien qu’interdit, les tirs des loutres par ces pêcheurs ne sont donc pas rares. Mais les ormeaux dépendent des forêts de kelp ou ils vivent, forêts que les loutres contribuent à étendre. Les loutres ont donc un impact positif à long terme sur les populations d'ormeaux. Certains espèrent que la découverte de cet impact positif contribuera à détendre l’atmosphère entre pêcheurs californiens et loutres.

Déplacements et recherche de nourriture

La loutre de mer vient à terre là où cela est possible, surtout pour se protéger des tempêtes, mais n'en a pas vraiment besoin, pas même pour la reproduction, qui est largement aquatique, de la conception à la naissance (voir le chapitre reproduction). Près des zones très habitées (comme en Californie), certaines populations de loutres ne viennent jamais ou presque jamais à terre.

Les données contradictoires concernant les déplacements des loutres de mer suggèrent que ceux-ci (ou leur absence) dépendent de la disponibilité des ressources alimentaires. Elles ne bougent généralement que de 1 à 2 km par jour, et ont des territoires qui peuvent dépasser 5 km².

La loutre de mer est un animal diurne. La majeure partie de sa journée est consacrée au toilettage et à la recherche de nourriture.

Le toilettage est essentiel : dépourvue de graisse isolante, la loutre de mer dépend pour sa survie de la protection offerte par sa fourrure. Celle-ci doit être régulièrement nettoyée et graissée (voir le chapitre description physique) pour conserver son efficacité, sous peine d'hypothermie.

La recherche de nourriture est plus intense le matin et le soir (alimentation crépusculaire).

La loutre prélève ses proies sur le fond de la mer. Les plongées sont assez courtes, ne durant généralement pas plus de 90 secondes, mais elles peuvent atteindre 4 ou 5 minutes. La nourriture est largement constituée de coquillages et d'oursins, mais aussi de crabes et de poissons.

Du fait de cette nourriture, qui vit essentiellement sur le fond, la loutre de mer ne vit que dans des zones où la profondeur de l'océan ne dépasse pas quelques dizaines de mètres, très près des côtes. Le record de plongée enregistré est de 97 mètres. Mais les plongées habituelles se limitent à 20 ou 30 mètres. Les quantités de nourriture consommées chaque jour sont importantes, atteignant environ 25% du poids de l'animal (soit une dizaine de kilos pour un gros adulte). Elles permettent de maintenir une température de 35° dans des eaux froides (1 à 10° Celsius).

Flottant sur le dos, les loutres lavent et (au besoin) ouvrent leurs proies avec une roche qu'elles gardent dans leur poche. La roche peut-être utilisée comme enclume : l'animal fait la planche, pose la pierre sur son ventre, et frappe le coquillage dessus. Elle peut aussi être utilisée comme marteau. Les loutres de mer présentent ainsi un exemple rare d'une utilisation d'outil par un mammifère.

Reproduction

Il n'y a pas vraiment de saison de reproduction, mais on note des pointes entre mai et juin dans les populations nordiques, et entre janvier et mars dans les populations méridionales.

Les mâles ont des partenaires féminines multiples, mais sans vie commune. Les mâles et les femelles se rapprochent pendant les chaleurs de la femelle. Les femelles évitent des mâles en dehors de cette période. Durant la période des chaleurs, les mâles défendent leurs territoires ; il n'y a très rarement des combats réels, la plupart des conflits se réglant par intimidation. Les femelles adultes ont des cicatrices caractéristiques de l'habitude qu'ont les mâles de leur tenir la tête entre leurs mâchoires pendant la reproduction.
Quand les mâles et les femelles se font la cour, ils nagent rapidement et plongent ensemble, le mâle faisant des tire-bouchons dans l'eau. Pendant l'accouplement, le mâle mord la femelle sur la nuque, le cou ou le nez, lui laissant des cicatrices.

La gestation est de 4 à 6 mois, bien qu'elle puisse être prolongée de plusieurs jours à une année si l'œuf fertilisé ne s'enfonce pas immédiatement dans la paroi utérine. Pendant cette période de suspension, l'œuf ne se développe pas. Ceci se produit en particulier quand l'agitation de la mer (tempêtes) perturbe l'implantation. Il s'agit sans doute d'une adaptation qui optimise la reproduction et la protection des jeunes dans le milieu rude d'un océan froid aux tempêtes fréquentes.

La gestation finit habituellement par une naissance simple. Les jumeaux sont une rareté, et habituellement seul l'un d'entre eux survit. Les nouveau-nés font 1,5 à 2,3 kg, ont les yeux ouverts et une fourrure déjà épaisse, pour flotter et survivre dans l'eau froide. La grosse taille des petits est toute à fait inhabituelle chez un mustélidé. D'après James Bodkin et Daniel Monson, de l’ Alaska Science Center[5], cette taille importante est une adaptation aux rigueurs de la vie océanique. Ils notent à ce propos que le rapport entre le poids de la mère et celle du petit Enhydra lutris est beaucoup plus proche de celui existant chez les pinnipèdes que chez les mustélidés en général.

Les naissances peuvent se faire à terre avec transport rapide des jeunes vers l'eau, ou directement en mer. Le nombre des naissances en mer serait plus important chez les loutres de Californie (même si on y trouve des naissances terrestres d'après R. J. Jameson)[6] que chez les 2 sous-espèces nordiques.

En cas de décès du petit, la femelle entre souvent en chaleur dans les jours qui suivent, et retombe enceinte presque aussitôt. Les décès des petits étant plus fréquents l'hiver, compte tenu des conditions climatiques, cette particularité assure une naissance à un moment statistiquement plus favorable, c'est à dire le printemps ou l'été.

Les petits peuvent assimiler de la nourriture solide très peu de temps après leur naissance. Ils sont jaune brunâtre, et restent en permanence près de la mère, dont ils sont dépendants six mois ou plus. La mère enseigne aux petits comment chasser, plonger, et se toiletter efficacement. Elle a en général un petit tous les ans ou tous les deux ans. Ceux-ci commencent à plonger vers l'age de 2 mois. Ils restent avec la mère 5 à 8 mois après la naissance[7].

Les mâles atteignent la maturité sexuelle vers 5-6 ans. La plupart des femelles sont sexuellement matures vers trois ou quatre ans, parfois même 2 ans : « Une petite proportion des femelles a son premier petit à 2 ans, environ 50% se reproduisent pour la première fois à l'age de 3 ans, et la plupart des femelles ont eu un petit à l'age de 4 ans »[8].

La destruction de la loutre

En train de dormir

L’habitat de la loutre de mer allait à l’origine du nord du Japon (Hokkaidō) au nord du Mexique (péninsule de Basse-Californie), en suivant la cote nord-asiatique, les îles Aléoutiennes puis la cote pacifique de l’Amérique du Nord.

La population comptait sans doute des centaines de milliers d’individus (un million, selon certaines estimations). Le nombre des sous-espèces est difficile à déterminer, mais il y en a trois aujourd’hui. Eu égard à l’importance de la destruction des populations, il est possible que certaines sous-espèces aient disparues avant d’avoir été décrites.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la Russie a été fortement impliquée dans le commerce de la fourrure de zibeline. Le tsar Pierre le Grand souhaitait développer cette activité économique, et trouver de nouvelles populations à chasser. Les chasseurs russes s’installèrent de plus en plus loin en Sibérie, jusqu’au Kamtchatka, presqu’île riche en zibeline, mais où on trouvait aussi des loutres de mer. En 1741 et 1742, Vitus Bering et Alexei I. Chirikov furent chargés par le gouvernement russe d’explorer le Pacifique nord et de tracer une route maritime vers l’Amérique à partir des nouvelles possessions russes d’Extrême-Orient. Lors de leur hivernage 1741-1742, les équipages récoltèrent des peaux de loutre. En 1742, les survivants de l’expédition (Bering était mort) revinrent en Russie avec 900 peaux de loutres, qui intéressèrent vivement les marchands de fourrure. Rappelons qu’avec près de 170 000 poils par cm², la fourrure de loutre de mer est particulièrement dense et soyeuse. Ce fut le début de la grande chasse.

Les Russes envoyèrent de nombreux bateaux chasser la fourrure de loutre. Après l’épuisement des populations nord-asiatiques de loutres, la prise des îles Aléoutiennes puis de l’Alaska par la Russie fut largement motivée par la volonté d’étendre les territoires de chasse à la loutre, devenue une activité particulièrement rentable.

En 1784, les Russes établirent des comptoirs de traite sur les îles Aléoutiennes et sur la côte de l'Amérique, en Alaska. Des postes côtiers furent construits à Attu, Agattu et Unalaska, dans les îles Aléoutiennes, ainsi que dans l'île de Kodiak, au large de l'embouchure de l'anse Cook (Alaska). Dix-huit mois plus tard, une colonie fut établie sur le continent, en face de l'anse Cook.

Les populations indigènes furent souvent férocement traitées. Des Aléoutes furent réduits en esclavage, et d’autres auraient été pris en otages pour forcer la population indigène à chasser la loutre pour le compte des marchands russes. On comptait environ 25 000 Aléoutes avant l’arrivée des Russes, ils n’étaient plus que 3 892 en 1885[9].

La fourrure de loutre se vendait non seulement en Europe, mais aussi à prix d'or sur les marchés chinois.

En 1776, le capitaine James Cook explora le Pacifique nord pour le compte de la Grande-Bretagne. C’est lors de cette expédition que la fourrure de loutre fut identifiée par les Britanniques comme un commerce à fort potentiel, attirant dès la fin du XVIIIe siècle de nouveaux chasseurs dans la région, en particulier Britanniques, Espagnols puis Américains.

L'Alaska ayant presque totalement été vidé de ses populations de loutres de mer devint peu intéressant pour le gouvernement russe, amenant celui-ci à vendre ce territoire (et les Aléoutiennes) aux États-Unis en 1867.

Vers la fin du XIXe siècle, la chasse cessa d’être rentable. Les populations de loutre avaient presque totalement disparu. La dernière loutre connue de l'état américain de l'Oregon fut ainsi tuée en 1906. Les expéditions de chasse ne pouvaient plus ramener assez de peaux pour se financer.

Certains biologistes pensent que vers 1911, il ne restait plus que 1 000 à 2 000 animaux vivants.

Protection

La pression des marchands de fourrure ayant disparu avec l’intérêt commercial de la chasse, la loutre de mer fut protégée en 1911 par le Traité international sur le Phoque à fourrure, ratifié par les États-Unis, la Russie, le Japon et la Grande-Bretagne, à un moment où beaucoup pensaient qu’elle était déjà condamnée.

Les survivants

Bien que la chasse de loutre ait été officiellement interdite, et que les animaux soient devenus très difficiles à trouver, des braconniers ont continué à les chasser. Les braconniers japonais étaient ainsi sur le point d'éliminer totalement les loutres restantes dans les îles Aléoutiennes (possession américaine depuis 1867) lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La zone fut militarisée par les deux parties. Il y eut une occupation partielle des îles par le Japon et le renforcement de la présence militaire américaine dans le reste de la zone. Du fait de cette militarisation et des dangers liés à l'état de guerre, le braconnage cessa.

Avec le groupe des Aléoutiennes, d’autres petites populations ont survécu de justesse, en particulier en Alaska ou au Kamtchatka. Un groupe a été identifié au large de Carmel, en Californie en 1938, dans une zone où en pensait que les loutres avaient totalement disparu. Une estimation de 1976 considère qu'il devait y avoir une cinquantaine de survivants de E. lutris nereis vers 1914[10]. D'autres estimations parlent de 10 à 30 survivants seulement.

Ces différents survivants ont permis aux 3 sous-espèces de se reconstituer naturellement, colonisant progressivement les zones se trouvant autour d'eux.

Un exemple de recolonisation, celui d'Enhydra lutris nereis, la sous-espèce californienne :

Réintroductions

En plus de la croissance naturelle des populations, des réintroductions couronnées de succès ont été réalisées le long des côtes nord-américaines pour accélérer la recolonisation, en particulier au Sud-Est de l'Alaska, dans l’État de Washington (USA) et en Colombie-Britannique (Canada).

Par exemple, 89 loutres de mer d’Alaska ont été introduites en plusieurs étapes en Colombie-Britannique en 1969 et 1972. Cette petite population a rapidement augmenté, puisqu’elle atteignait déjà 1 500 individus en 1995 (source : ministère de l’environnement du Canada).

Ainsi aussi, 59 loutres des Aléoutiennes ont été implantées en 1969 et 1970 dans les eaux de l’État de Washington (USA). Après un démarrage assez lent (100 animaux en 1987), une enquête de 2001 en recensait 555[11].

Certaines réintroductions, ont par contre échoué, ou ont connu des succès partiels. C'est ainsi qu'une population de la sous-espèce Enhydra lutris nereis a été installée à la fin des années 1980 autour de San Nicolas Island, en face de Los Angeles, un peu au sud de la zone recolonisée naturellement par la loutre de Californie. Le succès a été très partiel, la population peinant à se développer vraiment.

Il y aurait en 2006 environ 100 000 à 150 000 loutres de mer. Elles étaient sans doute des centaines de milliers avant le développement de la chasse industrielle au XVIIIe siècle.

La situation des différentes sous-espèces

Il y a aujourd’hui 3 sous-espèces reconnues (voir Wilson sur l'histoire de la taxonomie de l'espèce - 1991) :

  • La loutre de mer d’Asie (Enhydra lutris lutris ou E. l. gracilis, selon les classifications) est la plus petite. Elle vit sur la côte ouest du Kamtchatka (fédération de Russie) et autour des Îles Kouriles. Elles seraient entre 15 et 20 000 en 2006.
  • La loutre de mer d’Alaska (Enhydra lutris kenyoni ou E. l. lutris , selon les classifications), vit sur les îles aléoutiennes, sur les côtes de l’Alaska. Des groupes ont été réintroduits en Colombie-Britannique (Canada) et dans l'État de Washington (USA). Elles seraient en 2006 une centaine de milliers, surtout présentes en Alaska. La population des Aléoutiennes semble en forte baisse, et le center for biological diversity a demandé en 2000 un statut de protection renforcé[12].
  • La loutre de mer de Californie (Enhydra lutris nereis) est la moins nombreuse. Elle a une taille intermédiaire entre E. l. gracilis et E. l. lutris. À l’origine, on la trouvait sur toutes les côtes du sud-ouest de l’Amérique du Nord. Déjà rare dès 1830, elle était totalement exterminée au début du XXe siècle. Seuls quelques dizaines d’animaux ont survécu près de Carmel en Californie, à mi-chemin entre Los Angeles (au sud) et San Francisco (au nord). Limité à une petite zone autour de Big Sur (Carmel), l'animal s'est progressivement développé jusqu'à coloniser presque tout le territoire entre les deux grandes métropoles californiennes (voir ci-dessus pour une carte de ce développement). Ils seraient en 2006 2 800 animaux sur 400 km de côte.

Il est à noter qu’il existe un problème de nom, puisque certains scientifiques appellent la sous-espèce asiatique Enhydra lutris lutris (et non Enhydra lutris gracilis), et la sous-espèce aléouto-alaskane Enhydra lutris kenyoni (et non Enhydra lutris lutris).

Les loutres sont aujourd’hui présentes dans la quasi-totalité de leur ancienne zone de présence, mais de façon beaucoup moins dense, avec un habitat en taches de léopard. En pratique, seule la moitié des eaux où elles habitaient ont actuellement une présence de loutres, et la sous-espèce de Californie reste fortement menacée.

Aujourd'hui, les différentes populations sont stables ou en régression (selon les zones). Une des hypothèses avancées est celle d'une prédation beaucoup plus forte des orques[13].

Protections légales

Malgré ce retour relatif, la loutre de mer est toujours protégée. Elle l’est au niveau international (la CITES a placé la sous-espèce de Californie (E. lutris nereis) en annexe I : protection maximale, et les 2 autres sous-espèces en annexe II), mais aussi par des lois des pays concernés, comme la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches du Canada ou l'U.S. Marine Mammal Protection Act de 1972 aux États-Unis.

Prédateurs et menaces

Les prédateurs naturels[14] de la loutre sont les orques, les requins, mais aussi certains oiseaux, comme le pygargue (qui s’attaque surtout aux jeunes), voire exceptionnellement des prédateurs terrestres, comme le coyote (quand elles viennent à terre).

Les tempêtes et le manque de nourriture peuvent aussi causer des pertes importantes.

Enfin, dans certaines zones, la pollution et les filets des pêcheurs (prises accidentelles) représentent un risque important. On estime que la marée noire de l’Exxon Valdez, en Alaska en 1989, a tué environ 800 à 5 000 loutres (selon les estimations). On a noté aussi une forte mortalité chez les loutres de Californie du fait de maladies infectieuses ou parasitaires favorisées par la pollution.

Liens externes

wikilien alternatif2

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Loutre de mer.

Modèle:Wikispecies

Référence

  1. La plus grande des loutres est Pteronura brasiliensis, la loutre géante de l’Amazonie, qui peut atteindre 1,8 mètres. Cette loutre est par contre moins grosse que la loutre de mer, qui avec des maximums à 45 kg reste la plus lourde des loutres.
  2. Scholender, 1966 ; Tétry et al., 1974
  3. Source : Nowak, R. 1999. Walker's Mammals of the World. Baltimore and London: Johns Hopkins University Press.
  4. source : Estes, J., D. Duggins. 1995. Sea otters and kelp forests in Alaska: generality and variation in a community ecological paradigm. Ecological Monographs, 65: 75-100.
  5. James Bodkin et Daniel Monson, Alaska Science Center, Anchorage, Alaska. Sea Otter Population Structure and Ecology in Alaska. Article en PDF ici.
  6. R. J. Jameson Evidence of birth of a sea otter on land in central California - 1983
  7. McShane et. al. 1995 ; Estes 1980 ; Nowak 1999 ; Riedman et. al. 1994
  8. James Bodkin et Daniel Monson, Alaska Science Center, Anchorage, Alaska. Sea Otter Population Structure and Ecology in Alaska. Article en PDF ici.
  9. Angie Debo, Histoire des Indiens des États-Unis, page 93
  10. (California Department of Fish and Game - 1976)
  11. Source : Marine Mamal Commission (USA) - Rapport 2002 [PDF].
  12. (en) Demande de protection pour la population des aléoutiennes par le center for biological diversity - Voir aussi l'étude de Doroff, J. A. Estes, M. T. Tinker, D. M. Burn, et T. J. Evans en 2003 : Sea otter population declines in the Aleutian archipelago. Journal of Mammalogy 84:55-64.
  13. Source : Marine Mamal Commission (USA) - Rapport 2002 [PDF].
  14. Sources : Estes, J., N. Smith, J. Palmisano. 1978. Sea otter predation and community organization in the western Aleutian Islands, Alaska. Ecology, 59: 822-833. - Voir aussi : Estes, J., M. Tinker, T. Wiliams, D. Doak. 1998. Killer whale predation on sea otters linking oceanic and nearshore ecosystems. Science, 282: 473-476.

Bibliographie

  • Riedman, M. L., and J. A. Estes. 1990. The sea otter (ENHYDRA LUTRIS): behavior, ecology, and natural history. U.S. Fish and Wildlife Service Biological Report 90(14). 126 pp.