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Constitutions espagnoles

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L'histoire des constitutions en Espagne est le reflet des convulsions politiques qu'a connues le pays au cours des XIXe et XXe siècles et montre les tensions sociales et politiques qui existent et ont existé dans le pays.

Détail du Monument aux Cortes de Cadix

Statut de Bayonne de 1808

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La crise de l'ancien régime espagnol était devenue aiguë en 1808 à la suite du soulèvement d'Aranjuez contre Manuel Godoy et contre le roi Charles IV d'Espagne lui-même. Ce dernier a abdiqué en faveur de son fils Ferdinand VII d'Espagne mais avant qu'il n'ait pu s'installer au pouvoir, Napoléon (qui occupait alors l'Espagne) convoqua à Bayonne une assemblée de notables espagnols à qui il présenta un texte de constitution, qui fut promulgué le .

Ce texte faisait de l'Espagne une monarchie héréditaire dans lequel le monarque était au centre du pouvoir politique mais avait l'obligation de respecter les droits des citoyens, inscrits dans le texte.

Il a découlé de ce texte un contexte complexe, une politique dictée hors du territoire national et influencée de l'intérieur par les pro-français (appelés afrancesados). Dans la mesure où il n'a pas été élaboré par les représentants de la nation espagnole, le texte n'est pas considéré comme une constitution mais comme charte octroyée. En effet, ce projet de statut fut présenté par Napoléon à 65 députés espagnols qui n'ont pu délibérer que sur son contenu. Il n'existait pas de volonté préalable d'élaborer un texte constitutionnel : un texte a été imposé aux députés espagnols et ce texte a été approuvé par des Cortes se réunissant en territoire français.

Ce statut commence par la définition confessionnelle de l'État avant de traiter tout ce qui a rapport à la couronne et, dans les titres suivants il aborde l'organisation institutionnelle et termine par la reconnaissance assez désordonnée de certains droits et libertés. Même s'il établit un ensemble d'institutions, il n'est pas correct de dire que le statut mette en place une séparation des pouvoirs : les attributions du monarque étaient très larges, les Cortes étaient structurées en fonction des ordres sociaux (noblesse, haut clergé et peuple) ; en outre le Sénat et les Cortes elles-mêmes n'avaient pas assez de pouvoir pour faire appliquer les compétences qui leur avaient été attribuées.

En ce qui concerne les droits et les libertés, il faut souligner le fort caractère confessionnel que le Statut confère à l'Espagne. L'article premier stipule en effet que La religion catholique, apostolique et romaine sera, en Espagne et dans toutes les possessions espagnoles, la religion du roi et de la Nation, et aucune autre ne sera permise.

Dans le dernier titre, le texte prévoit une série de droits et de libertés. L'influence de la Révolution française a été très importante : le statut met en place les débuts du libéralisme bourgeois, ce qui a impliqué des avancées par rapport à la situation antérieure :

  • Suppression des douanes intérieures
  • Inviolabilité du domicile
  • Liberté personnelle
  • Droit du prévenu et du détenu
  • Abolition de la torture (en relation avec l'importance portée à l'intégrité physique et morale)

La couronne

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Le statut prévoyait un rôle dominant pour le monarque, même si son statut personnel et ses prérogatives n'étaient pas clairement énoncés. Néanmoins, la description du fonctionnement des institutions indique l'étendue des pouvoirs du roi. L'importance des pouvoirs du monarque est aussi révélée par l'emplacement de leur description dans le texte (second juste après la religion) et le fait que quatre des treize titres leur soient consacrés.

Le Parlement n'a pas réellement fonctionné. il était structuré en trois ordres, ce qui montre une grande influence de l'Ancien Régime, ce qui est en contradiction avec les principes inspirés de la révolution. Le statut ne confère pas explicitement aux Cortes le rôle législatif, ce rôle leur est dévolu tacitement par certains articles.

Le Gouvernement et l'administration

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Le statut ne prévoyait pas de Gouvernement. Il consacre néanmoins un titre aux ministres : il en fixe le nombre (entre 7 et 9) et les charge de l'exécution des lois et des ordres du roi. Le statut règlemente aussi l'administration des finances (qui doit soutenir la suppression des douanes intérieures) et prévoit la séparation du Trésor public de celui de la couronne. Le statut prévoit aussi une Cour des comptes chargée d'examiner et d'approuver les comptes.

Le Conseil d'État

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Cet organe regroupait des fonctions disséminés sous l'Ancien Régime et mettait fin à la polysynodie dans laquelle les fonctions normatives se confondaient avec d'autres fonctions exécutives et judiciaires. Le Conseil d'État avait la faculté d'examiner et d'étendre les projets de lois civiles et criminelles ainsi que les règlements généraux de l'Administration. Il ne faut pas le confondre avec le Conseil d'État espagnol actuel, qui est purement consultatif.

Pouvoir judiciaire

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Le pouvoir judiciaire avait une importance cruciale. Il était censé être indépendant, même si le roi en nommait tous les juges. Il était organisé en plusieurs instances auxquelles les citoyens pouvaient faire appel. La publicité des procès criminels a été mise en place et il était prévu de créer un code unique pour les lois civiles et criminelles et un code de commerce pour l'Espagne et les Indes afin de pouvoir mettre de l'ordre dans le chaos normatif qui régnait alors.

Constitution espagnole de 1812

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Le départ de Ferdinand VII et l'invasion française avaient provoqué une vacance du pouvoir en 1808. La guerre avait commencé et la capitulation du monarque face à Napoléon avaient accentué la sensation de vide. Face à la déliquescence de l'administration, la résistance se structure au travers des Juntes provinciales et locales qui représentent alors un vrai pouvoir parallèle, ce qui fera passer la légitimité politique du monarque au peuple.

Face à cette pluralité de centres de pouvoir, une Junte centrale est créée avec pour mission de convoquer des Cortes qui deviendraient constituantes et qui ne seraient pas divisées en fonction des ordres. Les Cortes de Cadix se forment le et approuvent le jour-même un décret contenant les principes basiques de la nouvelle constitution : séparation des pouvoirs et souveraineté nationale.

Ces Cortes étaient composées de courants politiques divers, même si elles étaient fortement marquées par le libéralisme. Des représentants des courants absolutiste et réactionnaire étaient présents ainsi que des députés réformateurs ou radicaux. Certains députés conservateurs ont même publié le Manifeste de los Persas qui demandait à Ferdinand VII de supprimer la constitution à son retour au pouvoir. Il en résulte que la constitution de 1812 est un compromis entre les options libérale et absolutiste.

Caractéristiques de la constitution de 1812

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  • La constitution a joué un rôle important en tant que symbole du constitutionalisme au XIXe siècle : elle a été la bannière du libéralisme espagnol pendant des décennies face à l'absolutisme.
  • Malgré son aspect symbolique, la constitution n'a été en vigueur que peu de temps (6 ans) et de façon discontinue
  • Cette constitution souffre de son grand nombre d'articles (384) ce qui en fait la constitution avec le plus d'articles. De plus, elle réglemente certains thèmes de façon exhaustive (par exemple le système électoral qui constitue pratiquement une loi électorale au sein de la Constitution). Cela est dû d'une part au fait que ceux qui ont créé la constitution craignaient les réactions du monarque face à un texte qui limitait son pouvoir et d'autre part au rationalisme qui dominait alors.
  • Ce manque de confiance était visible dans les articles qui réglaient la réforme de la Constitution et qui la rendaient très rigide : par exemple, l'article 375 stipulait que la Constitution ne pouvait être réformée qu'après avoir été appliquée en totalité pendant 8 ans.
  • Cette constitution s'est inspirée de la tradition des anciennes lois fondamentales du royaume (même si ceux qui l'ont écrit voulaient une rupture avec les principes de l'ancien régime) mais surtout du Statut de Bayonne de la Constitution française de 1791 et de la Constitution américaine de 1787.

Principes inspirateurs

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  • La souveraineté nationale est reconnue dans l’article 3 qui indique que, dans la mesure où la souveraineté appartient par essence à la nation, elle lui appartient exclusivement. Ce principe avait déjà été reconnu par le Décret de 1810 qui prévoyait que l'ancienne unité entre le roi et l'État était rompue puisque la Constitution reconnaissait un nouveau sujet, la Nation.
  • La séparation des pouvoirs, avec certaines particularités car si les trois pouvoirs habituels (exécutif, législatif, judiciaire) étaient présents, il ne s'agissait pas d'une simple division mais d’une séparation stricte, les trois pouvoirs disposant tout juste de canaux de communication entre eux. Le seul cas où une timide collaboration était prévue entre le Parlement et le roi était celui de l’exercice de la puissance législative.
  • La représentativité : rupture avec l’ancien mandat impératif. Puisque les députés sont les repentants de la nation, ils sont donc indépendants de ceux qui les ont élus.

Droits et devoirs des citoyens

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La constitution n'a pas de section spécifique concernant les différents droits, ceux-ci se trouvent disséminés tout au long du texte. Selon l’article 12 (« la religion de la nation espagnole est et sera perpétuellement la religion Catholique Apostolique et Romaine et la nation la protège par des lois sages et justes et interdit la pratique de toute autre ») est confessionnel et strictement confessionnel puisqu'il impose une religion et interdit les autres. Il s'agit donc, à « sensu contrario », de la négation de la liberté religieuse.

Les droits reconnus et disséminés dans le texte reprennent les droits individuels bourgeois inspirés de la Révolution française. Ainsi, l’article 4 parle de la liberté civile, de la propriété et des autres « droits légitimes » (clause non restrictive). L'égalité est énoncée de façon moins emphatique que dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le texte évoque l'existence d'une seule loi pour tous, quelle que soit sa position sociale. Le suffrage actif est reconnu, ainsi que la liberté d'expression (sauf en ce qui concerne les textes religieux).

Cette constitution énonce entre autres choses des garanties sur l'emprisonnement et les procédures judiciaires : interdiction de la torture, inviolabilité de la personne et du domicile, habeas corpus et droit d’être informé. Un titre est consacré à l'éducation publique, donnant ainsi de l'importance à l'enseignement et reconnaissant le droit à un enseignement public pour tous les citoyens.

Institutions politiques

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Le parlement était unicaméral afin d’éviter une intermédiation entre les représentants du peuple et de souverain, évitant ainsi une seconde chambre aristocratique dont les membres seraient choisis par le roi. Le processus d'élection est réglé dans tous ses détails et se fait au suffrage indirect à quatre niveaux : le premier est quasi universel (hommes majeurs) pour ensuite se réduire niveau après niveau jusqu'à devenir un suffrage censitaire passif.

La législature était de deux ans et la convocation du Parlement était automatique et ne dépendait pas d'une volonté royale : le Parlement se réunissait chaque année durant trois mois, et des sessions extraordinaires étaient prévues. De plus, il existait une Députation permanente qui veillait sur les pouvoirs de la Chambre lorsque celle-ci n'était pas réunie.

Les sessions étaient publiques, sauf si le Parlement décidait du contraire. Les députés avaient le pouvoir de créer leurs règles d'organisation et de fonctionnement interne. Les députés jouissaient de l'inviolabilité en ce qui concerne leurs opinions et dans l'exercice de leurs fonctions et de l'immunité criminelle en matière d'affaires criminelles pour ceux qui devaient être jugés par un Tribunal des Cortes.

Le Parlement exerçait le pouvoir législatif conjointement avec le roi, puisque l'initiative des lois relevait à la fois du souverain et de chacun des députés. Le parlement avait également un pouvoir financier puisqu'il fixait les dépenses de l’Administration et approuvait la répartition des impôts.

Le roi et le Conseil d’État

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La personne du roi était désignée comme un organe constitutionnel qui avait des pouvoirs limités (pouvoir constitué) dans la mesure où il partageait le pouvoir politique avec d'autres institutions (surtout avec les Cortes). L’article 172 met en avant un grand nombre de domaines dans lesquels il ne peut pas intervenir. De par ses fonctions, il lui appartient de mettre en avant le pouvoir législatif grâce à deux instruments :

  1. l'initiative législative
  2. la sanction et la promulgation des lois ainsi que la possibilité d'interjeter un véto suspensif temporaire sous certaines conditions.

Le pouvoir exécutif incombe au roi qui a compétence pour diriger la politique intérieure et extérieure de la nation, l'exercice de la fonction exécutive, du pouvoir réglementaire (dans les domaines non attribués aux Cortes) et de la défense. Ces fonctions sont similaires à celles qu'exerce le Gouvernement espagnol aujourd'hui. La personne du roi est inviolable et n'est pas sujette à la responsabilité dans la mesure où il a ratifié la constitution. La Constitution prévoyait l'existence d’un Conseil d’État dont les membres seraient nommés par le roi sur position des Cortes et assisteraient le roi sans avoir de fonctions juridictionnelles (à l’inverse de ce qui était prévu par le Statut de Bayonne). Leurs opinions n'étaient que consultatives.

Secrétaires d'État et de Bureau

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Ils sont nommés et révoqués par le roi et leur charge est incompatible avec celle de député (de par la séparation rigide des pouvoirs). Le Gouvernement n'est pas un organe inscrit dans la Constitution mais il est mis en place en pratique : il s'agit de l'ensemble des secrétaires et il est présidé par le roi et, à la suite du décret de 1824, par le président du Conseil des ministres en l’absence du monarque. Le président du Conseil des ministres était considéré comme le primus inter pares (premier d’entre ses pairs), qui dirigeait les sessions en l’absence de la personne du roi.

Organisation territoriale

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La constitution prévoyait l'organisation en comarques et en provinces, avec un début de décentralisation administrative. Le gouvernement s'organise en députations provinciales et en municipalités. Le Jefe Superior (chef supérieur), nommé par le roi était chargé du pouvoir politique dans les provinces et de la présidence des municipalités (là où elles existaient). Il s'agit d'une exception au principe électif, d’une interférence du pouvoir central dans les institutions locales qui préfigure la mise en place du gouverneur civil.

Statut royal de 1834

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Par décret du , Ferdinand VII abroge la constitution de 1812 et toutes ses dispositions. À partir de cette date, toutes les dispositions de l’Ancien Régime absolutiste furent rétablies (avec, selon ce qu'affirment certains auteurs, la promesse de rédiger une nouvelle constitution). Après la mort de Ferdinand VII en 1833, les commandes l'État étaient aux mains des libéraux. Le testament du roi désignait Isabelle II comme successeur et nommait son épouse, Marie-Christine de Bourbon comme « reine-gouverneur » (régente). Pendant la maladie de la monarque et face aux prétentions carlistes, la couronne s'est alliée aux libéraux en accordant une large amnistie et se lance dans un réformisme modéré qui se heurte à l'opposition carliste (en partie pour des motifs socio-économiques et pour la question des fors).

La volonté d'ouvrir le système politique à la participation des libéraux modérés s’est faite grâce à l'élaboration d'une règle (Statut) à vocation transitoire. À la suite de l'échec de la réforme de Cea Bermúdez, la régente charge, en 1834, Martínez de la Rosa de former un gouvernement. De la Rosa sera, avec Nicolas María Garelly (es) et Javier de Burgos, l'auteur du Statut royal, qui sera ratifié le 10 avril de cette même année.

Caractéristiques du Statut royal

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  1. Il s'agit d'une règle qui fait le lien entre l'Ancien Régime et le début de l'État libéral. Il prévoit un renforcement du pouvoir du roi presque jusqu'à l’absolutisme en se fondant sur les lois traditionnelles du Royaume pour convoquer les Cortes générales.
  2. Ce n'est pas une constitution au sens strict, mais plutôt une « Charte octroyée » car il n’y a pas de pouvoir constituant et le qualificatif « royal » indique son origine. Le fait qu'il s'agisse d'une Charte octroyée implique que le monarque, en vertu de ses pouvoirs de souverain, se dégage de certains pouvoirs qu'il transfère à d'autres organes[1].
  3. Le texte, très bref (50 articles contre 384 pour la constitution de 1812) est incomplet : il ne fixe aucun droit pour les citoyens et se contente de régler les relations entre les Cortes et le roi, sans toutefois contenir un quelconque titre spécifique dédié au roi, à la régence ou aux ministres. Ces sujets ne sont traités qu'au travers de références isolées disséminées tout au long du texte.

Principes inspirateurs

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  1. S'agissant d'une Charte octroyée, la souveraineté appartient au roi, même si le texte reconnait des attributions limitées aux Cortes. On peut même parler de souveraineté partagée, même si la personne du roi ne fait face à aucune limitation importante de ses pouvoirs puisqu'il dispose du pouvoir exécutif et de la plus grande partie des ressorts législatifs (initiative législative et droit de véto).
  2. Il ne met pas en place de séparation des pouvoirs et ne mentionne pas le pouvoir judiciaire. Le pouvoir législatif est en position de dépendance et le pouvoir exécutif, incarné par le roi, est en position de suprématie et peu interférer dans l'activité des Cortes. Dans tous les cas, la collaboration entre pouvoir exécutif et législatif était prévue, comme le montrent les pouvoirs qu'avait le roi sur les Cortes (convocation, suspension, dissolution) et le fait que la charge de ministre n'était pas incompatible avec celle de parlementaire.
  3. Il s'agit d'une « constitution flexible » dans la mesure où aucune clause spécifique ne régissait sa réforme, qui pouvait donc être menée à bien par le biais d'une procédure législative ordinaire.
  4. le Statut instaure un régime de type oligarchique : le corps électoral n'atteignait pas les 1 % de la population. L'idée était de maintenir les privilèges de la couronne et d'une minorité.

Organes institutionnels

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Les Cortes sont bicamérales (elles ne redeviendront unicamérales qu'en 1931) et sont formées de l'ordre des Pairs (Estamento de Procéres), la Chambre haute et de l'ordre des Procuradores, c'est-à-dire des députés (Estamento de Procuradores), la chambre basse. Il s'agit de réminiscences de l’Ancien Régime : les pairs sont des aristocrates et se divisent entre les grands d'Espagne et ceux choisis par le roi. Il s'agissait d’une charge à vie et le nombre de pairs n'était pas déterminé, ce qui permettait à la Monarchie d'obtenir une majorité suffisante. Les procurateurs étaient en principe élus, mais un revenu élevé était exigé pour voter et être élu (suffrage censitaire).

Le statut ne définissait pas de système électoral et s'en remettait à des lois postérieures traitant de divers points. La première de ces lois (1834) instaurait le suffrage indirect et censitaire et la seconde (1836), un système d'élection directe ainsi qu'un suffrage censitaire et capacitaire. Les Cortes étaient à mi-chemin entre une assemblée consultative et législative. Elles ne pouvaient pas établir leurs propres règles puisque le règlement de chacune des deux chambres devait être approuvé par la reine-gouverneur avant l'accord du Conseil de gouvernement et des ministres. De plus, le Statut prévoyait des ingérences constantes du roi dans le fonctionnement des Cortes, ce qui était un obstacle au principe d'autonomie parlementaire et qui réduisait le Parlement à un simple rôle d'organisme consultatif et de collaboration pour le monarque.

Les lois devaient obtenir l'approbation des deux chambres et devaient ensuite être sanctionnées par le roi, ce qui implique implicitement la possibilité pour celui-ci d'imposer un veto absolu. Les Cortes n'étaient pas convoquées automatiquement, puisque c'était le roi qui les convoquait, les suspendait ou les dissolvait.

Le Statut lui attribuait un ensemble exorbitant de pouvoirs :

  1. Monopole de l'initiative législative
  2. Il convoquait, suspendait et dissolvait le Parlement
  3. Il sanctionnait les lois, avec la possibilité d'exercer un droit de véto
  4. Il nommait les pairs en nombre illimité
  5. Il choisissait le président et le vice-président des ordres.
  6. Il nommait et destituait le président du Conseil des ministres et les membres du Cabinet

Le Gouvernement

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Un des points importants du Statut est sans doute la « constitutionnalisation », dans plusieurs passages du texte, de la fonction de président du Conseil des ministres. Néanmoins, le terme Gouvernement n'est utilisé qu'occasionnellement dans le texte, il est plutôt fait référence au Conseil des ministres. De même, la dénomination de ministre s'impose face à celle de secrétaire d'État et du Bureau. Le texte marque la naissance d’un début de système parlementaire puisqu'il fallait obtenir la double confiance (du roi et des Cortes) pour gouverner et de par l'apparition de ce qu'on appelait « question de cabinet » ou « question de confiance »

Constitution espagnole de 1837

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Le système du statut royal est resté en vigueur jusqu'en 1836, lorsque la garde royale du palais royal de La Granja a imposé à la régente le rétablissement de la Constitution de 1812 et la convocation de Cortes constituantes.

La déclaration de souveraineté nationale, des droits des citoyens ainsi que la séparation des pouvoirs présents dans le texte de 1812 furent conservés, le système électoral fut en revanche modifié.

Constitution espagnole de 1845

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À la suite de l'abdication de la reine-gouverneur en faveur de Baldomero Espartero, le Sénat fut dissous et la majorité de Isabelle II proclamée. De nouvelles Cortes constituantes sont alors convoquées pour réformer la Constitution.

Le texte issu de cette réforme n'est pas une simple réforme du texte précédent puisqu'il confie le contrôle des droits des citoyens à des lois postérieures, qui s'avèreront très restrictives. Dans la partie organique, ce texte augmente fortement les pouvoirs du roi. Le christianisme catholique demeure la religion officielle de l’État.

Projet constitutionnel de 1852

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À la suite de la révolution de 1848, le conservateur Bravo Murillo, qui était alors président du Conseil des ministres durant la Décennie Modérée a élaboré en 1852 un projet constitutionnel dont l'objectif était de revenir à des règles absolutistes propres à l'Ancien Régime ou au Statut royal de 1834. L'opposition à ce texte constitutionnel fut tel qu’il ne fut pas retenu.

Constitution non-promulguée de 1856

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Cette constitution, écrite par le Gouvernement, n'était en fait que la Constitution de 1845 à laquelle on avait ajouté un acte additionnel dans lequel quelques principes progressifs étaient reconnus.

Constitution espagnole de 1869

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Après que la Cour se fut enfuie en France, le pouvoir suprême fut confié au général Serrano, qui convoqua des Cortes Constituantes qui mirent au point un nouveau texte constitutionnel.

Cette constitution était une constitution démocratique qui resta en vigueur jusqu’en 1871. La souveraineté était nationale (c'est-à-dire qu’elle appartenait au peuple) et le pouvoir était divisé : le pouvoir législatif était détenu par les Cortes, le pouvoir exécutif résidait dans le roi et le pouvoir judiciaire dans les tribunaux. La religion catholique demeurait la religion officielle de l'État mais le texte garantissait dans son article 21 l’exercice de toutes les autres, en privé ou en public. Le suffrage universel masculin fut établi.

Projet de Constitution fédérale de 1873

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Ce texte, élaboré sous la Première République espagnole et qui ne fut jamais promulgué, définissait l'Espagne comme une république fédérale composée de dix-sept États, qui seraient dotés de leur propre Constitution et qui possèderaient des organes législatifs, exécutifs et judiciaires selon un système de répartition des compétences entre la Fédération et les États membres.

Néanmoins, l'impossibilité d'arriver à un accord pour organiser le fonctionnement des États au sein de la Fédération a empêché ce projet d’être mené à son terme.

Constitution espagnole de 1876

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À la suite de la dissolution de la Première République par le général Pavía, aucun groupe politique ne fut capable de proposer une forme stable de gouvernement. Dans cette situation, Alphonse XII s'est adressé aux Espagnols depuis l’Angleterre où il était exilé pour leur proposer de gouverner sous le régime de la monarchie libérale.

Constitution espagnole de 1931

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Couverture de la Constitution de 1931

La Constitution de 1931 est née d'élections municipales et de l'abandon du trône par Alphonse XIII qui a suivi. Pour la première fois, une constitution espagnole introduit quelques-unes des innovations du constitutionnalisme contemporain, comme l'abandon de la guerre comme moyen de résoudre les conflits internationaux ou la mise en place, à partir des théories de Kelsen d’'un Tribunal constitutionnel, appelé Tribunal des garanties constitutionnelles. Elle introduit également pour la première fois la décentralisation de l’État par le biais des communautés autonomes, ce qui préfigure l'organisation territoriale de la Constitution espagnole de 1978.

Les profondes contradictions de la société espagnoles aboutissent à la guerre civile espagnole à la suite de laquelle est instaurée la dictature du général Franco qui entrainera l’abrogation de cette constitution et son remplacement par les Lois fondamentales du royaume qui resteront en vigueur jusqu’à l’approbation de l’actuelle constitution espagnole, en 1978.

Lois fondamentales du Royaume

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On appelle « lois fondamentales du Royaume » l'ensemble de lois mises en place par la structure politico-institutionnelle du modèle d'État mis en place par le général Francisco Franco à la suite de la Guerre civile espagnole. La première fut la charte du travail (Fuero del Trabajo) qui réglementait la vie professionnelle et économique. La loi constitutive des Cortes (Ley Constitutiva de las Cortes) de 1942 transformait les Cortes en instrument de collaboration. Les droits et devoirs des Espagnols étaient fixés dans la charte des Espagnols (Fuero de los Españoles) de 1945. La loi du référendum national (Ley del Referéndum Nacional) de 1945 réglementait le référendum. En vertu de la loi de succession du chef de l'État (Ley de Sucesión en la Jefatura del Estado) de 1947, l'Espagne se définissait comme un royaume. La loi des principes du Mouvement national (Ley de Principios del Movimiento Nacional) de 1958 fixait les principes directeurs de l'organisation judiciaire et la loi organique de l’État (Ley Orgánica del Estado) de 1967 réformait toutes les lois antérieures et fixait les pouvoirs du chef de l'État.

Finalement, la loi pour la réforme politique (Ley para la Reforma Política) de 1976 a été l’instrument qui a permis de mettre en place la transition démocratique espagnole

Constitution espagnole de 1978

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Monument à la Constitution de 1978 à Madrid

Cette constitution est le fruit des négociations menées après la mort de Franco entre les différentes familles politiques issues du franquisme et de l'opposition démocratique.

Elle remet de facto en place la monarchie des Bourbon (disparue en 1931), instaure le parlementarisme et l'État de droit et met en place une organisation territoriale décentralisée.

Chronologie

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La chronologie utilisée est celle de la date de promulgation, qui diffère des périodes d'application qui sont les suivantes :

  • Le Statut de Bayonne de 1808, considéré comme une charte octroyée (car elle fut imposée par Napoléon aux nobles espagnols) a été appliquée de façon limitée dans le temps et dans l'espace, mais elle fut importante car elle a servi de stimulant à ses détracteurs pour la création d'une vraie constitution
  • La Constitution de 1812 a été abrogée en 1814 (et remplacée par le Statut royal), rétablie en 1820, puis de nouveau abrogée en 1823 (durant le Trienio Liberal) et rétablie une dernière fois en 1836. Elle a ensuite été remplacée par la Constitution de 1837.

Notes et références

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  1. Joaquín Tomás Villaroya, Breve historia del constitucionalismo español, Ed. Planeta, Barcelona, 1976