Bioindicateur
Un bioindicateur (ou bio-indicateur) est un indicateur constitué par une espèce végétale, fongique ou animale ou par un groupe d'espèces (groupe éco-sociologique) ou groupement végétal dont la présence ou l'état renseigne sur certaines caractéristiques écologiques (c'est-à-dire physico-chimiques, pédologiques, microclimatiques, biologiques ou fonctionnelles) de l'environnement ou sur l'incidence de certaines pratiques.
Une espèce-sentinelle, appelée aussi sentinelle écologique, réagit rapidement aux changements de condition du milieu. En raison de ce caractère bio-indicateur sensible, cette espèce est souvent choisie pour des études de biosurveillance (diagnostic environnemental, suivi écologique des milieux, notamment comme moyen d'alerte d'une dégradation mésologique)[1].
Histoire de la bioindication
L'idée selon laquelle la qualité du paysage et la richesse en certaines espèces végétales ou animales indique une qualité globale de l'environnement n'est pas nouvelle. J. Perrève, ancien procureur du roi et juge, écrivait en 1845 : « La nature a planté sur tous les sites du globe les végétaux propres à la nourriture de ses habitants ; et de la richesse du règne végétal dépendent privativement toutes les existences animales[2] ». Il établissait clairement un lien de dépendance de la faune à la flore.
L'utilisation rationnelle et scientifique de la bioindication est cependant plus récente, avec notamment la bioévaluation environnementale (suivi de l'état de l'environnement, ou de l'efficacité de mesures compensatoires ou restauratoires).
Les premières méthodes de bioindication, au sens "classique" utilisé aujourd'hui, ont été conçues pour suivre la qualité des écosystèmes aquatiques. En 1902, un premier indice de bioindication basé sur l’affinité ou l’intolérance des êtres vivants vis-à-vis de la pollution organique est conçu : l’indice saprobie de Kolkwitz et Marson[3].
Appliquée initialement aux protozoaires, la méthode est élargie dans les années 60 aux diatomées, algues unicellulaires, sensibles à divers types de pollution. C’est au Cemagref (devenu Irstea puis INRAE), et plus particulièrement à Michel Coste[4], que l’on doit l’indice biologique diatomées (IBD) et l’indice de polluosensibilité spécifique (IPS) mis au point dans les années 80. Ces indices sont avec l’IBGN les plus utilisés en France.[3]
L’IBGN ou indice biologique global normalisé s’applique aux invertébrés d’eau douce. Il est issu des travaux menés sur les indices biotiques en Grande-Bretagne dans les années 60. Les travaux menés au CTGREF (ancêtre du Cemagref) par Verneaux et al. en 1982 sont à l’origine de l’indice biologique de qualité générale (IBG), puis de sa normalisation en 1982.
Cet indice s’appuie sur la réponse globale des communautés à un ensemble de pressions : pollution organique, altérations morphologiques et hydrologiques, et contamination toxique. Une note de 1 à 20 est attribuée en fonction de l’absence de taxons indicateurs (principalement ) et de la richesse taxonomique globale.
L’indice IBGN a ensuite évolué grâce aux travaux menés conjointement par l’université de Metz et le Cemagref . "Un nouveau protocole d’échantillonnage a été conçu, puis appliqué aux stations de référence et de surveillance dans le cadre de la mise en œuvre de la DCE", explique Jean-Gabriel Wasson. "En retour, les données recueillies ont permis de mettre au point, un nouvel indice invertébré intégrant à la fois des informations sur la biodiversité et la structure fonctionnelle"[3].
Principes : de l'individu à l'écosystème
Le principe au sens large du terme se réfère à "la capacité d’organismes ou d’un ensemble d’organismes à révéler par leur présence, leur absence ou leur comportement démographiques les caractéristiques et l’évolution d’un milieu" (Blandin, 1986). Les effets du milieu et de son évolution sur le vivant doivent être mesurables via l'observation de divers degrés d'altérations morphologiques, comportementales, tissulaires ou physiologiques (croissance et reproduction), conduisant dans les cas extrêmes à la mort de ces individus ou à la disparition d'une population[5].
A leur manière, les jardiniers et les agriculteurs ont recours à des techniques simples de bioindication pour établir un diagnostic de leurs parcelles. Ainsi, la présence d’orties ou de lombrics indiquent respectivement des sols riches en nitrates ou en matières organiques.
En effet, chaque espèce ou groupe d'espèces possède un biotope primaire. On sait par exemple que :
- le mouron des oiseaux pousse plutôt sur des sols équilibrés, alors que l'ambroisie prolifère sur des sols déstructurés ou salés (puisque son biotope primaire est constitué de régions arides où le sol est déstructuré et où le sel remonte souvent) ;
- les lichens sont des bioindicateurs efficaces de certaines pollutions de l'air en forêt ou en ville. D'autres indicateurs chercheront à mesurer les effets sur la biodiversité de la gestion (ou non gestion) des milieux naturels[6] ;
- la petite oseille (Rumex acetosella) indique des sols très pauvres en argile et en humus, très secs, très peu fertiles alors que la grande oseille (Rumex acetosa) indique des sols équilibrés, très fertiles[7]
Les biologistes et les écologues sont aussi de grands utilisateurs des méthodes de bioindication. Les inventaires floristiques réalisés dans les forêts ou les prairies sont couplés à des analyses du milieu afin de comprendre le fonctionnement de l’écosystème. Il en est de même dans les cours d’eau où la qualité de l’eau et de l’habitat détermine en interaction, la richesse de la faune et de la flore.
Aujourd’hui, les méthodes de bioindication appliquées à des niveaux d’organisation biologique allant de la molécule à la communauté, permettent d’appréhender la qualité globale des milieux en réponse à toute une gamme d’impacts : contamination toxique, modifications physiques de l’habitat, variation du régime hydraulique, eutrophisation, changement global du climat, etc. Véritables "baromètres vivants" de la qualité des milieux, les indicateurs biologiques sont devenus des outils incontournables pour gérer et suivre l’état des écosystèmes[3].
Propriétés d’un bon bioindicateur
- Il doit être suffisamment (normalement ou anormalement) répandu sur le territoire concerné, y être relativement abondant et si possible facilement détectable.
- Sauf dans le cas où l'on veut mesurer la mobilité d'espèces, il doit être le plus sédentaire possible pour refléter les conditions locales.
- Il doit avoir une taille rendant possible l’étude de ses différents tissus et de leurs composantes (muscles, os, organes dans le cas d'un animal…).
- Il doit tolérer les contaminants avec des effets sub-létaux.
- Il doit survivre hors du milieu naturel et tolérer différentes conditions de laboratoires (pH, température…).
- Une relation entre la concentration en contaminants dans le milieu externe et la concentration dans l’organisme doit exister.
Certains bioindicateurs sont aussi des biointégrateurs ; ils peuvent être doublement utiles dans le cadre de programmes de biosurveillance.
Bioindicateurs écologiques
Les espèces bioindicatrices peuvent livrer des informations sur l'écosystème[8]. Ainsi par exemple la présence de carabes, de diplopodes et de staphylins indique un microclimat édaphique[9]. Dans la forêt de Fontainebleau la faible présence d'espèces épigées est caractéristique des clairières récentes et s'explique par des apports de litière insuffisants. Certaines espèces sont des bioindicatrices de gisements métallifères, comme Buchnera cupricola, qui résiste à de très fortes concentrations de cuivre[10] (voir métallophytes).
Bioindicateurs de perturbation
Les espèces bioindicatrices permettent également de diagnostiquer des modifications environnementales liées à l'activité humaine. On distingue les bioindications de phénomènes anthropiques (la diminution de la population de lombrics à la suite de labours profonds)[11] ; les bioindications de pollution de l'air (la diminution du nombre d'araignées, par exemple, dans les zones où retombent des fumées industrielles) ; et les bioindications biotoxicologiques (un exemple historique connu étant la mort de milliers de grèbes dans un lac de Californie, Clear Lake, à la suite d'un épandage de DDD dans les années 1940-1950)[12].
Définition
La bio-surveillance relative à la qualité de l'air est l'utilisation d'organismes sensibles à un polluant donné présentant des effets visibles macroscopiquement ou microscopiquement, afin d'évaluer la qualité de l'air. Celle-ci fournit une information semi-quantitative sur la contamination atmosphérique et permet d'apprécier directement les impacts environnementaux des polluants.
L'observation d'organismes bioindicateurs complète généralement les dispositifs de mesures automatiques ou orientent les choix de molécules à analyser.
Exemples
- Les lichens (organismes résultant d'une symbiose algue-champignon) se développent sur divers substrats (sol, écorces, toits, pierres, etc.). Ils réagissent à des doses très faibles de certains polluants (acides notamment), bien avant les animaux et bien avant que les pierres des monuments ne soient dégradées. Chaque espèce de lichen résiste à un taux spécifique de pollution. Quelques espèces profitent d'un enrichissement de l'air en azote. L'observation de populations de lichens permet ainsi de suivre l'évolution de certaines pollutions au fil du temps. En forêt, la disparition des lichens peut indiquer des taux élevés de dioxyde de soufre, la présence de fongicides dans la pluie, ou de polluants à base de soufre et d'azote.
- Les bryophytes (mousses), qui sont des accumulateurs de métaux ou radionucléides, sont utilisés pour la biosurveillance des retombées métalliques ou radioactives en Europe, et pour étudier les niveaux dits de « fond », avec en France le dispositif BRAMM (Biosurveillance des retombées atmosphériques métalliques par les mousses), qui cartographie sur 15 ans au moins les évolutions de teneurs en éléments métalliques et azote en France métropolitaine, en milieu rural et forestier. Quatre campagnes (1996, 2000, 2006 et 2011) ont été menées, sur près de 500 sites de collecte[14]. Une lacune de données pour le nord du pays est due à la régression des mousses utilisées par le protocole. Ce travail complète le réseau Atmo français de surveillance de l'air et s'inscrit dans le dispositif MERA (MEsure des Retombées Atmosphériques) qui est la part française du réseau européen EMEP (suivi des pollutions atmosphériques longue distance et trans-frontières). Il s'inscrit aussi dans un programme européen de suivi des métaux dans les mousses (UNECE-LRTAP) Programme International Concerté (PIC) relatif aux « effets de la pollution atmosphérique sur la végétation naturelle et les cultures » de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies dans le cadre de la Convention de Genève[15].
- Le trèfle et le tabac permettent de qualifier et quantifier la teneur de l'air en ozone.
- Les Pétunias peuvent servir de bioindicateurs de la quantité d'hydrocarbure dans l'air.[réf. souhaitée]
- L'abeille est utilisée depuis peu et a fait ses preuves en tant que bioindicateur. Elle butine, se pose sur le sol et boit de l'eau, ce qui lui confère le rôle de témoin de la qualité environnementale globale. Une étude récente sur l'utilisation de l’abeille pour caractériser le niveau de contamination de l’environnement par les xénobiotiques a montré que les abeilles peuvent être utilisées pour caractériser le niveau de contamination de l’environnement et en particulier pour les métaux lourds, les HAP et les PCB. Elles ont également été utilisées lors d'accidents industriels, par exemple lors de l'accident de Tchernobyl, pour détecter la présence de radio-isotopes.
Bio-surveillance de la qualité de l'eau
Définition
La bio-surveillance relative à la qualité de l'eau désigne l'utilisation du vivant (organisme ou ensemble d'organismes à tous les niveaux d'organisation biologique moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, tissulaire, morphologique et écologique) pour surveiller l'évolution, des modifications, des altérations, ou la stabilité de la qualité de l'eau[16].
Bio-surveillance passive et bio-surveillance active
La bio-surveillance passive s'appuie sur l’utilisation d’organismes autochtones. Elle est la première démarche à avoir vu le jour, notamment en milieu marin, avec le Mussel Watch Program en Amérique du Nord dans les années 80. Ce réseau de surveillance bénéficie aujourd’hui de plus de 30 ans d’expérience Toutefois cette approche présente deux contraintes majeurs. Elle impose la présence de l’organisme modèle sur les sites d’étude. De plus, plusieurs facteurs (variabilité du temps d'exposition, histoire de vie de l’organisme modèle, l'âge et la taille des organismes prélevés, leur statut reproducteur) impactent le niveau de contamination mesuré et par conséquent compliquent la comparaison et l’interprétation des résultats de la surveillance[17].
La bio-surveillance active consiste en la transplantation d’espèces dans les milieux aquatiques. Développée plus récemment au début des années 2000, cette approche peut être appliquée même si les stations d'étude sont dépourvues d'organismes autochtones. Elle s'appuie sur l'encagement d’organismes calibrés et provenant d’une unique population source. Cette approche permet de contrôler divers facteurs de confusion abiotiques (temps d’exposition, qualité et quantité de nourriture) et biotiques (origine, taille, sexe, cycle de reproduction, historique d’exposition). Des programmes de biosurveillance active ont été mis en œuvre dans le milieu marin ( le réseau Rinbio)[18].
Plus récemment, une telle approche a été menée sur une grande échelle dans les eaux continentales grâce aux travaux menés sur une espèce de crustacé sentinelle, Gammarus fossarum, par les équipes d'écotoxicologie et de chimie d'INRAE avec le soutien de l’Office français de la biodiversité et des Agences de l’eau. Elle permet de qualifier le niveau de contamination biodisponible du milieu pour plus d’une centaine de substances chimiques et d’identifier les substances les plus problématiques. Elle est aujourd’hui, normalisée (AFNOR, XP T90-721), reconnue et utilisée par l’ensemble des agences de l’eau pour la surveillance chimique de masses d’eau[17]. Mise en place à l’échelle nationale depuis 2018, elle représente en mars 2021 plus de 1300 déploiements.
Exemples
Pour la biosurveillance des eaux douces[19], les amphibiens, les odonates et les invertébrés benthiques (dont les assemblages d'oligochètes[20]) sont couramment utilisés pour la bio-évaluation de la qualité des zones humides ou des eaux et sédiments.
Certains invertébrés benthiques sont de très bons bioindicateurs de la qualité des eaux douces et peuvent aussi spécifiquement être étudiés pour l'évaluation des concentrations en différents métaux, métalloïdes ou de certains polluants organiques (voir par exemple degré saprobie). Il est alors important de déterminer la voie d’entrée du contaminant dans l’organisme. Les individus peuvent absorber les toxines à partir de l’eau directement via leurs branchies et/ou à travers l’alimentation par l’ingestion de proies. L’importance relative d’une voie d’entrée varie selon les espèces et les contaminants étudiés et peut être obtenue en soumettant le bioindicateur à différents traitements de présence du contaminant dans l’eau ou les aliments seulement. Le pH du milieu a aussi une grande importance, l'acidification facilitant par exemple la circulation des métaux.
Dans un organisme, certains organes tels que les reins ou le foie ou le squelette bioaccumulent différentiellement les métaux lourds ou d'autres polluants (chez les poissons notamment). Les métaux pénétrant dans un organisme peuvent être absorbés par des métalloprotéines qui détoxifient les milieux cellulaires. Elles sont produites en présence du contaminant et sont à la base du mécanisme de régulation. Les lysosomes et les granules cellulaires peuvent aussi servir à séquestrer ces métaux. Les mécanismes varient selon les bioindicateurs et les contaminants étudiés. Les plus récentes études permettent de connaître la partition subcellulaire des métaux dans un tissu particulier (foie, branchies, intestins), autant de données qui apportent des informations sur la nature des polluants d'un milieu et sur la durée et le degré d'exposition à ces polluants pour les espèces d'un écosystème donné. La présence de mutations, plaies, parasitoses ou dégénérescences apportent des informations complémentaires qui intéressent aussi l'écotoxicologue et l'écologue.
Les mollusques sont aussi largement utilisés comme bioindicateurs, que ce soit pour les milieux d'eau douce ou les milieux marins côtiers. La structure de leur population, leur physiologie, leur comportement et les niveaux d'accumulation de différents contaminants dans leurs tissus peuvent donner des informations très importantes sur l'état de santé d'un milieu et son niveau de contamination. Ils sont particulièrement utiles car ils sont sessiles et donc caractéristiques du lieu où on les trouve ou on les implante. Parmi les applications les plus connues, on peut citer l'imposex, le Mussel Watch Programme américain et plus récemment le réseau Rinbio[18] qui sont de bons exemples de ce qu'on peut retrouver aujourd'hui dans différents pays.
Des travaux scientifiques menés à la fin des années 1990 ont montré les potentialités du biofilm microbien pour évaluer la qualité écotoxicologique et fonctionnelle des cours d’eau exposés à des micropolluants. Ces biofilms, agrégats de bactéries, d’algues et de champignons se développent sur les supports immergés. Ils jouent un rôle prépondérant dans l’écosystème : ils produisent de la matière organique par photosynthèse, ce qui en fait l’un des premiers maillons de la chaîne alimentaire, dégradent la matière organique et recyclent les nutriments. Exposée à une substance toxique, la communauté naturelle d’organismes vivants voit sa structure évoluer au cours du temps : parmi les organismes qui la composent, les plus sensibles à cette substance disparaissent au profit des plus résistants. Cette différence de sensibilité, mesurée via des essais doses‑réponses utilisant divers tests biologiques tels que l’activité respiratoire ou l’activité photosynthétique, renseigne sur le degré de pollution des milieux dans lesquels les différentes communautés ont été prélevées[21].
Différences entre espèces bioindicatrices et espèces-sentinelles
Ces notions parfois confondues présentent deux différences liées au niveau d'organisation biologique étudié et aux objectifs poursuivis dans leur utilisation. D'une part, les espèces bioindicatrices renseignent sur les modifications de l'écosystème par leur présence, leur absence et leur abondance, c'est-à-dire par leur dynamique de population, alors que les espèces sentinelles renseignent sur ces mêmes modifications par des changements au niveau moléculaire, cellulaire, physiologique ou comportemental[8],[22], qui révèlent leur exposition à des substances polluants (dans le premier cas l'étude se situe au niveau populationnel du nombre d'individus, dans le deuxième cas, elle se situe au niveau individuel - tissulaire, morphologique). D'autre part, les espèces bioindicatrices sont utilisées pour connaître un écosystème, et non pas seulement pour mesurer les effets de la pollution ; en revanche, les espèces sentinelles sont mobilisées dans le cadre de l'écotoxicologie pour la surveillance environnementale[8].
Des animaux peuvent être utilisés en épidémiologie pour anticiper les épizooties[23]. Les animaux utilisés peuvent être captifs ou sauvages[23] et les espèces utilisées doivent satisfaire plusieurs critères pour être utilisables[23]:
- facilité de prélèvement,
- faible variabilité des réponses immunitaires,
- tolérance aux espèces vectrices,
- détectabilité du pathogène avant que les populations à protéger ne soient en danger,
- dans le cas des espèces captives, non contribution à la propagation du pathogène,
- dans le cas des espèces sauvages, sédentarité.
Il est également possible d'effectuer des analyses sur les cadavres d'oiseaux[23].
Cette technique est dotée d'une bonne sensibilité. Ainsi dans le cas de la fièvre du Nil occidental, les sites de sentinelles captives de Camargue ont pu détecter l'activité du virus responsable en 2001 et 2002 alors que celui-ci n'a pas affecté de populations à risque et en 2004, son activité a pu être anticipée avant qu'il n'affecte de chevaux[23].
L'être humain comme bioindicateur
L’homme, le spermatozoïde, la fertilité humaine, la durée moyenne de vie, le taux de cancers (et leur nature) ou le taux d'autres maladies peuvent faire partie des batteries d'indicateurs évaluant l'état de l'environnement.
Ce sont les « intégrateurs naturels » les plus objectifs d'un état environnemental et donc des impacts des activités humaines combinés à d’éventuels aléas « bio-géo-climatiques » naturels, ce qui les rend éventuellement plus facilement contestables. L'avantage est qu'ils traduisent une réalité biologique. Ils peuvent confirmer ou infirmer les indices de performance. L'inconvénient est qu'ils sont parfois frustrants pour l’utilisateur, car s’ils mettent en évidence un problème et ses symptômes, ils n'en désignent pas avec certitude (avant expérience de confirmation) les causes (souvent multiples).
Les bioindicateurs ne sont pas une agrégation d’indicateurs mesurés. Ils intègrent naturellement l’extrême complexité, les synergies et les inerties propres aux écosystèmes.
De nombreux acteurs susceptibles d’être responsables d'une dégradation environnementale nieront donc aisément leur responsabilité. La bioindication est cependant utile ou nécessaire à de nombreux protocoles d'évaluation et parfois à l’application du principe de précaution.
La Commission européenne en 2007, après quatre ans de discussions sur le thème « Santé-Environnement », a validé un projet pilote de biosurveillance chez l'homme.
Vers une normalisation des protocoles, des matériels et des rendus
Après un stade de recherche et de validation scientifiques, le développement de l'utilisation de la bioindication par les AASQA et par les réseaux de vigilance de l'environnement par les industriels, les services de l'état, et le fait qu'elle utilise du matériel vivant pour obtenir des informations (qualitatives et parfois quantitatives) sur l'état de l'environnement amènent les acteurs à produire des protocoles de plus en plus normalisés afin qu'ils soient utiles pour tous, y compris dans des domaines plus récemment explorés tels que la qualité de l'air intérieur, la santé environnementale (biosurveillance humaine) ou l'usage pédagogique de la bioindication.
Pour l'eau, en Europe, le cadre minimal est celui de la DCE, décliné en 2010 en France par un arrêté[24] qui a précisé les méthodes et critères d'évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface.
La bioindication a fait l'objet d'avancées synthétisés en 2013 par l'ONEMA dans un guide publié en 2013[25]. Les règles d'évaluation de qualité de l'eau fixées en [24] ne s'appliquent qu'au premier cycle d'évaluation de la DCE (2010-2015)[25]. Elles vont ensuite évoluer pour le deuxième cycle DCE (2016- 2021) avec une intercalibration et une meilleure pertinence et « DCE-compatibilité » des méthodes de bioindication en intégrant les progrès de la connaissances des impacts et pressions anthropiques sur la ressource[25].
Il existe aussi de nombreux guides destinés à harmoniser le diagnostic environnemental (dont par exemple sur les procédures d'échantillonnage des plantes[26].
Bioindication et milieux rudéraux
La phytosociologie s'est d'abord attachée à décrire et nommer les associations végétales caractéristiques des habitats naturels, offrant un cadre à la bioindication par les végétaux. Puis faisant le constat qu'il manquait un équivalent pour les plantes alimentaires et médicinales, le botaniste français Gérard Ducerf a entrepris de lister et décrire les plantes bioindicatrices des champs et prairies, pour aider les agriculteurs (ou jardiniers) à évaluer l'état et les caractéristiques de leurs sols, l'histoire de ces sols et leurs besoins et potentialités agroécologiques ; ou encore les conditions de levées de dormance des graines, à partir de l'observation des plantes qui y vivent spontanément[27].
Voir aussi
Articles connexes
- Phytosociologie
- Observatoire de l'environnement
- Observatoire national de la biodiversité
- Indicateur, Indicateur de biodiversité
- Perturbateur endocrinien
- Indice poisson rivière
- Réseau de bioindication de l'ozone par le tabac dans le Nord-Pas de Calais
- imposex
- Polémoflore
Liens externes
- Dossier sur l'évaluation du risque toxique dans les rivières (Irstea)
- Dossier technique sur l'évaluation des risques toxiques dans les milieux Aquatiques (revue Sciences Eaux & Territoires)
- Feuilles de tabac comme bioindicateur de pollution de l'air (Document APPA Nord/Pas-de-calais).
- Les indicateurs de biodiversité en France
Bibliographie
- J.P. Garrec et Van Haluwyn, C. (2002), Bio-surveillance végétale de la qualité de l'air, Tec & Doc, 116 p.
- Hess G.R., Bartel R.A., Leidner A.K., Rosenfeld K.M., Rubino M.J., Snider S.B. & Ricketts T.H. (2006). Effectiveness of Biodiversity Indicators Varies with Extent, Grain, and Region. Biological Conservation, 132, 448-457
- Levrel, Harold, Quels indicateurs pour la gestion de la biodiversité ; Institut français de la biodiversité], Oct. 2007 (PDF, 99pages).
- I. Roy et L. Hare, (1998), Eastward range extension in Canada of the alderfly Sialis Velata, and the potential of the genus as a contaminant monitor, Entomological News 109 (4) : 285-287.
- Borgmann, U. Nowierski, M., Grapentine L.C. et Dixon, D.G. (2004), Assessing the cause of impacts on benthic organisms near Rouyn-Noranda, Quebec, Environmental Pollution 129 : 39-48.
- Van Haluwyn, Chantal, Lerond, M. ; Guide des lichens (pour le diagnostic écholichénique de la qualité de l'air), Ch.Van Haluwyn, M. Lerond (deux spécialistes de la bioindication), Ed LeChevallier, Paris, 1993.
- Hunsaker C.T., 1993. New concepts in environmental monitoring: the question of indicators. The science of total environment. Supplement, pp. 77–95
- ONEMA (2013), Bioindication, des outils pour évaluer l'état écologique des milieux ; synthèse des contributions scientifiques apportées à Paris aux journées des 19 et , avec plus de 200 scientifiques et gestionnaires des milieux aquatiques invités à faire le point sur la biodindication (pour la France métropolitaine), et synthèse des discussions qui en ont découlé en 2012 dans le groupe de travail DCE - Eaux de surface continentales (DCE-ESC) (présentation de l'ouvrage), PDF, 31 p.
- Gérard Ducerf, L'encyclopédie des Plantes bio-indicatrices : Guide de diagnostic des sols Volumes 1, 2 et 3, Editions Promonature, (ISBN 978-2-9519258-7-8).
Notes et références
- Antoine Da Lage et Georges Métailié, Dictionnaire de Biogéographie végétale, CNRS Éditions, , p. 147
- J. Perrève (1845), Traité des délits et des peines de chasse dans les forêts de l'état, les propriétés de la liste civile, des communes, des établissements publics et des particuliers, chez P. A. Manceron, 1845 - 464 pages - 464 pages
- Arbeille S. et Wasson J.G., « Comment vont les écosystèmes ? Les bioindicateurs nous répondent. », SPOT la lettre interne du Cemagref, (lire en ligne)
- Coste Michel et al., « Présentation de l'IBD 2006, de ses performances comparées avec l'IBD normalisé AFNOR 2000 et avec l'IPS, perspectives », HAL INRAE, (lire en ligne)
- Gwenaël Vourc'h et al., Les zoonoses : Ces maladies qui nous lient aux animaux, Éditions Quæ, coll. « EnjeuxScience », (ISBN 978-2-7592-3270-3, lire en ligne), Comment se prémunir des zoonoses et vivre avec, « Les animaux sentinelles », p. 125, accès libre.
- « Quels indicateurs pour la gestion de la biodiversité ? », Cahier de l'IFB, octobre 2007.
- Les plantes bio-indicatrices.
- Jean-Louis Rivière, « Les animaux sentinelles », Courrier de l'Environnement de l'INRA, n°20 (lire en ligne)
- Jean-Michel Gobat, Michel Aragno et Willy Matthey, Le sol vivant: bases de pédologie, biologie des sols, PPUR Presses polytechniques, (ISBN 978-2-88074-718-3, lire en ligne)
- (en) Jean-Michel Gobat, Michel Aragno et Willy Matthey, The Living Soil: Fundamentals of Soil Science and Soil Biology, Science Publishers, (ISBN 978-1-57808-210-0, lire en ligne)
- Jean-Michel Gobat, Michel Aragno et Willy Matthey, Le sol vivant: bases de pédologie, biologie des sols, PPUR Presses polytechniques, (ISBN 978-2-88074-718-3, lire en ligne)
- Jean-Michel Gobat, Michel Aragno et Willy Matthey, Le sol vivant: bases de pédologie, biologie des sols, PPUR Presses polytechniques, (ISBN 978-2-88074-718-3, lire en ligne)
- J.P. Garrec et Van Haluwyn, C. (2002), Biosurveillance végétale de la qualité de l'air, Tec & Doc, 116 p.
- Description du programme BRAMM/PIC, mis à jour 2011, consulté le 17/06/2012.
- ADEME, BRAMM/PIC Introduction
- « L'évaluation du risque toxique dans les milieux aquatiques », Sciences Eaux & Territoires, , p. 55 (lire en ligne)
- Geffard O. et al, « La biosurveillance active pour le suivi de l'état chimique des cours d’eau continentaux », Sciences Eaux & Territoires,
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- Pesce S. et al., « Les communautés microbiennes benthiques pour le diagnostic de l’impact de la contamination par les micropolluants sur la qualité écologique et fonctionnelle des cours d’eau », Sciences Eaux & Territoires,
- « Effets de la contamination chimique : des organismes en danger ? », sur Seine-aval.fr
- Dominique J. Bicout et al., Le virus du Nil occidental, Quæ, coll. « Synthèses », , 239 p. (ISBN 978-2-7592-1968-1, lire en ligne), chap. 3 (« Les oiseaux, hôtes naturels du virus »), p. 60-62, disponible en accès libre.
- MEEDDM, France (2010) Arrêté du 25 janvier 2010 relatif aux méthodes et critères d’évaluation de l’état écologique, de l’état chimique et du potentiel écologique des eaux de surface pris en application des articles R. 212-10, R. 212-11 et R. 212-18 du code de l'environnement
- Yorick Reyjol (Onema, DAST), Vassilis Spyratos (MEDDE, DEB) & Laurent Basilico (Journaliste) (2013) Guide : Bioindication : des outils pour évaluer l’état écologique des milieux aquatiques ; Perspectives en vue du 2e cycle DCE – Eaux de surface continentales Synthèse des journées « DCE et bioindication » du séminaire « Méthodes d’évaluation de l’état des eaux – Situation et perspectives dans le contexte de la directive cadre sur l’eau », Paris 19 et 20 avril 2011, complétée des réflexions du groupe de travail DCE-ESC durant l’année 2012
- Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS). Guide d’échantillonnage des plantes dans le cadre des diagnostics environnementaux. Seconde édition. 2014.
- Ducerf G, Encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales (en 3 volumes) ; éditions PROMONATURE ; voir aussi la Vidéo Plantes Bio-Indicatrices - Gérard Ducerf (sur You Tube); mis en ligne le 14 décembre 2018 : Vers de terre Production