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Menalamba

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Les champs de l'Imerina, près de la capitale Antananarivo.

Le mouvement menalamba est un mouvement politique insurrectionnel né en Imerina, à Madagascar, région où se trouve la capitale Antananarivo (aussi appelée Tananarive), au centre du pays. Ce mouvement est en opposition à la colonisation française et à la classe politique merina convertie au protestantisme. Déclenchée fin 1895, peu après la prise de Tananarive, elle se heurte à la répression commandée par le général Gallieni et se termine en 1897 avec l'abdication de la monarchie et l'annexion de l'île.


Avant l'insurrection

L'affaiblissement de l'Imerina

L'héritage de Radama 1er (1817-1828)

Le pays est gouverné par le roi Radama 1er de 1810 jusqu'à sa mort, en 1828[1]. C'est à cause de ce roi que dès 1817, il y a une présence britannique dans la région. En effet, Radama 1er accepte la présence de missionnaires britanniques dans la province[1], en plus de signer un traité avec la Grande-Bretagne qui interdit l'exportation d'esclaves à partir de Madagascar[2]. Lors du règne de Radama 1er, l'Imerina semble avoir été gouvernée comme une cité-État. Les soldats du roi se trouvent à être des paysans, qui doivent servir dans l'île, sur les ordres du roi. D'autres paysans doivent s'acquitter de corvées un peu partout dans l'île, non rémunérées, ce qui désavantage grandement l'Imerina sur son développement économique : le travail rémunéré, caractéristique d'un État autonome, est impossible[3].

Le règne de Ranavalona 1re (1828-1861)

La reine Ranavalona 1re.

L'imerina dirigé par la reine Ranavalona 1re marque le début de la formation d'une élite politique au sein de la région. Les fiefs sont désormais des propriétés privés pour les riches et la noblesse devient une caste de plus en plus fermée[3]. Son règne se caractérise par un fort rejet des pratiques religieuses attribuées aux missionnaires. Elle s'inquiète de voir l'identité malgache tomber aux mains des commerçants et des missionnaires britanniques. Elle interdit le christianisme en 1835 et n'hésite pas à exécuter plusieurs de ses sujets malgaches convertis au christianisme [4]. Malgré ce rejet catégorique de la présence européenne dans le but de renforcer son royaume, le royaume se fragilise, notamment à cause des nombreuses expéditions guerrières, des tueries et des rivalités[4]. Que ce soit Ranavalona 1re ou Radama 1er, les deux souverains ont en commun l'objectif d'avoir tenté de faire de Madagascar un État national[5]. Toutefois, malgré leurs ambitions, les plus puissants souverains contrôlent seulement le deux tiers de l'île[6], ce qui rend la gouvernance totale du royaume difficile. Il y a une opposition du pouvoir central et périphérique, ce qui rend la domination des campagnes difficiles : plus on se trouve loin du centre, plus le pouvoir est limité[7].

Le retour des Européens (1861-1895)

Le roi Radama II , couronné en 1862, rouvre la voie aux Occidentaux.Le roi abolit les droits de la douane, ce qui facilite la présence européenne sur le territoire[8], que ce soit des commerçants ou des missionnaires. Ces derniers bénéficient d'une protection consulaire et ne peuvent être délogés[9]. L'intérêt européen pour Madagascar est la conséquence des visées expansionnistes de la France, en lien direct avec la situation économique des îles avoisinantes. La France et la Grande-Bretagne sont particulièrement intéressées par l'île de la Réunion et l'île Maurice, toutes deux dépendantes de Madagascar pour l'approvisionnement alimentaire[10]. L'île de la Réunion est considérée comme la « tête de pont de l'impérialisme français »[11]. Suite à la dépression économique de l'industrie du sucre à la Réunion, causée par la concurrence américaine et européenne, plusieurs commerçants convoitent les terres à Madagascar, peu coûteuses[11]. Les hommes politiques de la Réunion font appel à des négociants français et à des stratèges militaires, qui reluquent le port septentrional de Diégo-Suarez à Antsiranana, afin de concurrencer l'hégémonie britannique dans l'océan Indien[12]. Les Français cherchent également à établir des droits commerciaux exclusifs à Madagascar, toujours dans un contexte de contestation de l'hégémonie britannique : les français rejettent la doctrine du libre-échange, contrairement à leurs rivaux[13]. C'est donc des enjeux économiques et stratégiques qui expliquent la présence des Français dans Madagascar.

La conversion de la reine Ranavalona II (1869)

La reine Ranavalona II.

L'influence des missionnaires britanniques se fait sentir jusque dans l'organisation monarchique malgache. En effet, suite au décès de Radama II, un an après son couronnement, la reine Rasoherina rompt la charte Lambert en 1855, une charte qui donnait des avantages économiques et politiques à la France[14]. Elle tente de jongler entre indépendance du pays et l'ouverture aux étrangers. Elle épouse son frère, Rainilaiarivony, qui deviendra son Premier ministre et qui restera Premier ministre lors du couronnement de Ranavalona II, en 1869[15]. La reine Ranavalona II épouse aussi Rainilaiarivony et ces derniers se feront baptisés par un pasteur protestant malgache, Andriambelo. Le protestantisme devient alors la religion officielle d'État et la reine expose la Bible lors de son couronnement, rejetant les idoles royales traditionnelles[15]. Cette conversion ne laisse pas le peuple malgache indifférent. En effet, une vague de conversions au protestantisme suit le baptême de la reine, au plus grand dam des français, qui pratiquent le catholicisme[16]. Ces vagues de conversions augmentent les tensions entre les britanniques et les français, en plus de susciter un retour aux traditions chez certains malgaches[16]. Cette rivalité est également la conséquence de l'opposition entre le centre et la périphérie, soit la ville et les campagnes. La classe dirigeante de Madagascar voit son sort lié à celui des français, à cause du lien économique mentionné plus haut, tandis que les classes moyennes, les roturiers, se rallient du côté de l'Angleterre[17].

L'établissement du protectorat français (1885-1895)

La guerre franco-merina (1883-1885)

Alors que la présence de l'Europe est de plus en plus forte dans l'Imerina, les tensions entre les Français et Anglais augmentent de plus en plus. En 1883, la France déclare la guerre à la Grande-Bretagne. Cette guerre est l'aboutissement des rivalités entre les deux puissances impérialistes : les Français veulent faire comprendre aux Britanniques que Madagascar leur appartient[18]. La France est également confrontée à la pression des têtes dirigeantes de l'île de la Réunion pour déclarer la guerre[19]. Cette guerre est remportée par les Français, qui prennent la place de la Grande-Bretagne au niveau des relations politiques avec le gouvernement de merina[18]. La fin de cette guerre marque l'établissement du protectorat français, malgré le désir de certains Français qui résident sur l'île d'établir une politique impérialiste qui pourrait mener à l'annexion de l'île[18]. Malgré la victoire de la France, les missionnaires britanniques, inquiets des nombreux signes qui démontrent une possibilité de révolution chez les locaux, restent dans la capitale de l'île, afin de renforcer la foi religieuse des malgaches[20]. En effet, de plus en plus de tentatives d'attentats et d'assassinats font la une des journaux[21] , ce qui démontre un climat de plus en plus tendu.

La prise d'Antananarivo (1895)

L'établissement du protectorat « fantôme »[22] ne fait qu'affaiblir le gouvernement merina : l'économie est tellement faible que la France s'appuie sur presque rien pour établir le contrôle[23] de l'Imerina. C'est donc dans ce contexte d'affaiblissement économique et d'instabilité sociale que le ministère français des Affaires étrangères commande une expédition à Madagascar afin de rétablir l'ordre. Toutefois, cette expédition est à l'image des campagnes d'expédition européennes, ce qui explique le peu d'équipement des Français[24]. À ce moment, Madagascar est dirigé par la reine Ranavalona III, qui est montée sur le trône peu de temps après le décès de la reine Ranavalona II. Encore une fois, c'est Rainilaiarivony qui l'installe sur le trône et la marie[25]. Par contre, la perte de popularité de Rainilaiarivony donne plus d'agentivité à la reine Ranavalona III qu'à n'importe quel autre ancien souverain de Madagascar[26]. Il faut mentionner qu'une partie de l'oligarchie de merina s'est résignée à la chute du royaume et s'est alliée avec les envahisseurs français[21]. En avril 1895, une bombe explose au palais de la reine et des affiches qui incitent à donner un bon accueil aux Français apparaissent un peu partout[24]. Les chefs des provinces de l'Imerina n'osent pas se battre : ils sont convaincus de la victoire de la France et trahissent leur royaume[27]. La capitale est capturée le 30 septembre 1895[28] et deux jours plus tard, le 1er octobre 1895, un traité est signé et Madagascar devient un protectorat français[29]. Le Premier Ministre Rainilaiarivony est remplacé par une « marionnette », Rainitsimbazafy[30]. Le nouveau secrétaire général du gouvernement se trouve à être l'ancien ministre de l'Intérieur, Rainandriamampandry. Ce changement drastique de gouvernance et la prise de la capitale par les Français terrorise les malgaches qui vivent dans les provinces et amorce le début de l'insurrection.

L'insurrection des Menalamba (1895-1898)

Deux mois plus tard, l'insurrection éclate dans la périphérie de l'Imerina[31]. Il est difficile de déterminer qui sont le ou les leaders de l'insurrection. En effet, selon le gouvernement Français établi à Madagascar, les têtes dirigeantes de la révolte sont des anciens membres de l'élite merina[32] . Toutefois, les noms de deux chefs rebelles qui semble se distinguer des autres insurgés apparaissent dans de nombreuses sources. Il s'agit de Rabezavana et de Rabozaka, qui font partie de la confédération du nord[33]. Mena signifie la couleur rouge, tandis que lamba désigne un morceau de vêtement[31]. La véritable raison du déclenchement de l'insurrection dépend du courant historiographique. Alors que l'histoire traditionnelle interprète la révolte comme une réaction à la présence européenne sur le territoire malgache, les thèses révisionnistes démontrent que l'insurrection n'est que le résultat de la faiblesse du gouvernement Merina depuis le début du XIXème siècle[34].

Premières révoltes (fin 1895 - début 1896)

Dans son rapport de pacification, le général français Gallieni, qui mènera la pacification de Madagascar, attribue les cause de la rébellion à l'échec de la mise en place du protectorat français, comme décrit ci-dessous.

« Il faut en chercher la cause repose dans l'esprit de résistance dont était animée une population plus ou moins consciente de sa nationalité contre un envahisseur dont l'autorité n'avait pas été assez solidement établie et dont les forces paraissaient insuffisantes [35]».

Pour les insurgés, il en était tout autre. Alors que le désordre se fait de plus en plus grand en campagne, les revendications des insurgés deviennent de plus en plus claires. Que ce soit chez des jeunes, des déserteurs, des hors-la-loi ou des anciens prêtres, la population se mobilise[36]. L'expérience de guérilla et les armes des hors-la-loi sont utilisées pour mener l'insurrection[37]. Les anciens réseaux de parenté et de rituels sont sollicités[37]. Il n'y a plus de distinction entre les Français ou les Anglais. L'ennemi est européen et sa religion est chrétienne[36]. L'insurrection se construit sur ce rejet de l'étranger et sur le retour à la religion traditionnelle basée sur l'astrologie[38].

Le Fandroana (22 novembre 1895)

Un village dans l'Imerina.

Le 22 novembre 1895 marque un point tournant pour l'insurrection. Les Johnson, une famille européenne missionnaire établie à Arivonimamo sont brutalement assassinés par des insurgés. Le choix de la date n'est pas anodin : il s'agit du jour du fandroana, bain cérémonial du souverain, dans le calendrier pré-chrétien et ancestral malgache[39]. Beaucoup d'affrontements entre chrétiens et non-chrétiens ont eu lieu à ce moment, mais l'assassinat de la famille Johnson attire l'attention des autorités françaises[40]. C'est l'élément déclencheur : les partisans des religions traditionnelles déclarent la guerre au christianisme et à ceux et celles qui véhiculent cette religion. Ils ne sont pas les seuls à s'insurger : des déserteurs, ou d'anciens paysans qui faisaient les corvées souhaitent se venger du gouvernement malgache dirigé par Rainilaiarivony, gouvernement qui les ont obligé à quitter leurs terres[39]. C'est également vers la fin de 1895 que les deux chefs rebelles du nord, Rabezavana et Rabozaka se concertent et s'allient pour faire face aux déprédations causées par des groupes de déserteurs[41].

L'Alahamady (14 mars 1896)

Toujours dans l'optique du retour à la religion traditionnelle, l'alahamady signifie le premier mois de l'année ainsi que le destin astrologique selon le système divinatoire merina[42]. En 1896, l'alahamady tombe le 14 mars 1896. Bien que conscients des soulèvements, les autorités françaises ne prennent pas au sérieux l'agitation dans les campagnes de l'Imerina[43]. Organisé depuis six mois et même prévu par le service des renseignements, ce soulèvement prend les Français de court : la coalition du nord formée par Rabozaka et Rabezavana est beaucoup plus puissante qu'ils croyaient[44]. Encore une fois, les revendications sont les mêmes, même si elles se précisent de plus en plus : « il faut restaurer les talismans aux dépens du christianisme, soit refuser d'aller à l'école ou d'exécuter les corvées ou encore de faire le service militaire »[45]. Armés lourdement, les insurgés progressent avec comme but la prise de la capitale[45]. Peu de temps après l'alahamady, les menalamba sont tout près de la capitale et brûlent toutes les églises à proximité[44].

Pendant ce temps, les hommes politiques français cherchent à trouver la cause du soulèvement: convaincus que les insurgés ont reçu de l'appui par l'élite merina[46]. C'est un jeune lieutenant du nom de Peltier qui publiera un rapport en mai 1896 qui soutient la thèse du complot entre la reine et des hommes politiques[46]. Cette supposition n'est pas retenue par les autorités françaises, qui agissent drastiquement suite à la stagnation des événements. Le 20 juin 1896, la Chambre des députés vote une nouvelle loi et cette dernière est effective en août. Madagascar est désormais une colonie française. Un gouvernement militaire est mis en place afin de procéder à l'annexion de la ville[47].

La pacification de l'île (1897-1898)

L'arrivée de Gallieni (fin 1896)

Le général Joseph Gallieni.

Au moment de l'annexion de l'île, la situation est prise sous contrôle par le général Joseph Simon Gallieni. Ce dernier arrive dans la capitale en septembre 1896. Rapidement, il désigna deux coupables pour cesser l'insurrection. Il s'agit du prince Ratsimamanga pour faire peur aux nobles et de Rainandriamampandry pour faire peur à l'oligarchie merina[48] . Ces derniers seront exécutés en octobre 1896[48] et ces exécutions auront l'effet escompté : les habitants malgaches sont terrorisés. Rainandriamampandry est étroitement associé à la religion protestante : son exécution fait réagir les missionnaires protestants britanniques encore présents sur l'île[49]. Peu de temps après, en 1897, Gallieni abolit la monarchie en février 1897, ce qui cause l'exil de la reine et de plusieurs autres membres de la monarchie ainsi que l'abolition de l'esclavage[50]. Pendant ce temps, l'état de santé des insurgés se détériore fortement : entre 50 000 et 100 000 Malgaches sont décédés dû à la maladie pendant la saison des pluies[51]. Toutefois, les tensions religieuses entre catholiques et protestants ne cessent d'augmenter, surtout après les exécutions. Gallieni est convaincu qu'en rendant les communautés villageoises propriétaires d'églises, les tensions diminueraient[52].

La montée du catholicisme (1897)

Dans de nombreuses campagnes malgaches, le catholicisme gagne de la popularité : selon eux, le catholicisme serait le seul moyen d'instaurer « une autonomie locale sous la tutelle bienveillante du nouveau gouvernement colonial »[53]. Les insurgés continuent de frapper : des missionnaires français sont assassinés en mai 1897, peu de temps après que Gallieni ait annoncé la pacification de l'île[54]. Les tensions diminuèrent entre les protestants et les catholiques lorsque certaines zones de mission furent transférées à des protestants français. Il en va de même pour la répartition de certaines corvées dans les églises et dans les écoles[55]. Les églises protestantes finissent par être démantelées par Gallieni, malgré la haine qu'il reçut de riches familles protestantes[56].

Bibliographie

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Références

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  30. Ellis, Stephen, (1953- ...).,, Rajaonah, Faranirina V., et Impr. Corlet), L'insurrection des Menalamba une révolte à Madagascar, 1895-1899, Afrika-Studiecentrum, (ISBN 2865377962 et 9782865377961, OCLC 708351677, lire en ligne), p. 103
  31. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées :9
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