Aller au contenu

« Dodone » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Syngata (discuter | contributions)
Exploration archéologique : mise en forme, liens
 
(30 versions intermédiaires par 12 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{Infobox Localité}}
{{Infobox Localité}}
[[Fichier:Dodona location.svg|thumb|upright=1.5|Localisation du sanctuaire de Dodone]]
[[Fichier:Dodona location.svg|thumb|upright=1.5|Localisation du sanctuaire de Dodone.]]


'''Dodone''' (en [[grec ancien]] {{grec ancien|Δωδώνη|Dôdốnê}}) est un sanctuaire [[Divination dans la Grèce antique|oraculaire]] dédié à [[Zeus]] et à la [[Déesse-Mère]], révérée sous le nom de [[Dioné (mère d'Aphrodite)|Dioné]]. Les [[Religion grecque antique#ἱερός / hierós|prêtres]] et les prêtresses du bosquet sacré interprétaient le bruissement des feuilles de [[chêne]] sous le vent.
'''Dodone''' (en [[grec ancien]] et [[grec moderne]] {{grec ancien|Δωδώνη|Dôdốnê}}) est un sanctuaire [[Divination dans la Grèce antique|oraculaire]] grec dédié à [[Zeus]] et à la [[Déesse-Mère]], révérée sous le nom de [[Dioné (mère d'Aphrodite)|Dioné]]. Les [[Religion grecque antique#ἱερός / hierós|prêtres]] et les prêtresses du bosquet sacré interprétaient le bruissement des feuilles de [[chêne]] sous le vent.


Il est situé en [[Épire]] sur les pentes du mont Tomaros au sud du [[lac Pamvotida]], à {{unité|22|km}} au sud de [[Ioannina]]. C’est le plus vieil oracle grec, d'après [[Hérodote]], remontant peut-être au {{IIe millénaire av. J.-C.}}, et l’un des plus célèbres avec ceux de [[Delphes]] et d’[[Ammon (dieu)|Ammon]]. Étant très à l’écart de la Grèce des [[polis|cités]] ([[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], [[Athènes]], [[Sparte]]{{etc.}}), il pâtit du développement de l’[[oracle de Delphes]] à l'[[époque classique]] mais reste néanmoins important jusqu’à l’époque [[Rome antique|romaine]].
Le sanctuaire est situé en [[Épire]], sur les pentes du mont Tomaros, au sud du [[lac Pamvotida]], à {{unité|22|km}} au sud de [[Ioannina]]. D'après [[Hérodote]], ce serait le plus vieil oracle grec, remontant peut-être au {{IIe millénaire av. J.-C.}}, et l’un des plus célèbres, avec ceux de [[Delphes]] et d’[[Ammon (dieu)|Ammon]]. Se trouvant très à l’écart des [[polis|cités grecques]] ([[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], [[Athènes]], [[Sparte]], {{etc.}}), il pâtit du développement de l’[[oracle de Delphes]] à l'[[époque classique]], mais reste néanmoins important jusqu’à l’époque [[Rome antique|romaine]].


Le mât du navire ''[[Argo (mythologie)|Argo]]'', qui a transporté les [[Argonautes]] à la recherche de la [[Toison d'or]], est réputé construit à partir d'un [[chêne]] de la forêt sacrée de Dodone.
Le mât du navire ''[[Argo (mythologie)|Argo]]'', qui transporta les [[Argonautes]] à la recherche de la [[Toison d'or]], est censé avoir été taillé dans un [[chêne]] de la forêt sacrée de Dodone.


== Les origines légendaires de l’oracle ==
== Les origines légendaires de l’oracle ==
[[Hérodote]] rapporte une tradition sur l’oracle de Dodone, qu'il avait déjà entendue à [[Thèbes (Égypte)|Thèbes]] en [[Égypte]]<ref>{{HérHis}}, II, 55){{sfn|Dakaris|1996|p=6}}</ref> :
[[Hérodote]] rapporte sur l’oracle de Dodone une tradition qu'il avait entendue à [[Thèbes (Égypte)|Thèbes]] en [[Égypte]]<ref>{{HérHis}}, II, 55.</ref>{{,}}{{sfn|Dakaris 1996|p=6|id=d}} :
{{Citation bloc|Les prêtresses des Dodonéens rapportent qu’il s’envola de Thèbes en Égypte deux colombes noires ; que l’une alla en Libye, et l’autre chez eux ; que celle-ci, s’étant perchée sur un chêne, articula d’une voix humaine que les destins voulaient qu’on établît en cet endroit un oracle de Zeus ; que les Dodonéens, regardant cela comme un ordre des dieux, l’exécutèrent ensuite. Ils racontent aussi que la colombe qui s’envola en Libye commanda aux Libyens d’établir l’oracle d'[[Ammon]], qui est aussi un oracle de Jupiter. Voilà ce que me dirent les prêtresses des Dodonéens, dont la plus âgée s'appelait Preuménia ; celle d'après, Timarété ; et la plus jeune, Nicandra. Leur récit était confirmé par le témoignage du reste des Dodonéens, ministres du temple<ref>Extrait de la traduction de [http://2terres.hautesavoie.net/livreseg/herodote/texte/herodot0.htm Larcher (1850), accessible en ligne].<!--À remplacer éventuellement par une traduction plus récente--></ref>.}}
{{Citation bloc|Les prêtresses des Dodonéens rapportent qu’il s’envola de Thèbes en Égypte deux colombes noires ; que l’une alla en Libye, et l’autre chez eux ; que celle-ci, s’étant perchée sur un chêne, articula d’une voix humaine que les destins voulaient qu’on établît en cet endroit un oracle de Zeus ; que les Dodonéens, regardant cela comme un ordre des dieux, l’exécutèrent ensuite. Ils racontent aussi que la colombe qui s’envola en Libye commanda aux Libyens d’établir l’oracle d'[[Ammon]], qui est aussi un oracle de Jupiter. Voilà ce que me dirent les prêtresses des Dodonéens, dont la plus âgée s'appelait Preuménia ; celle d'après, Timarété ; et la plus jeune, Nicandra. Leur récit était confirmé par le témoignage du reste des Dodonéens, ministres du temple<ref>Extrait de la traduction de [http://2terres.hautesavoie.net/livreseg/herodote/texte/herodot0.htm Larcher (1850), accessible en ligne].</ref>.}}


[[Fichier:Dodona valley.png|thumb|left|La vallée de Dodone au temps des premières fouilles (Carapanos 1878, pl.&nbsp;I, détail)]]
[[Fichier:Dodona valley.png|thumb|La vallée de Dodone au temps des premières fouilles (Carapanos 1878, pl.&nbsp;I, détail).]]


Le récit mythologique vaut surtout pour le lien qu’il fait entre les deux grands oracles de Zeus, celui d’Ammon dans l’oasis de Siwah en [[Libye]], et celui de Dodone{{sfn|Dakaris|1996|p=6-9}}. Il semble montrer aussi qu’à l’origine, le service de la divinité est l’apanage de prêtresses, et que l’institution de prêtres est postérieure. On sait en effet par [[Strabon]] que ce sont les prêtresses qui délivraient les réponses de l’oracle, sauf dans le cas où il s’agissait de [[Béotie]]ns. Les prêtresses de Zeus sont les trois ''[[péléiades]]'' (en grec {{grec ancien|αἱ πελειάδες}}, "colombes") nommées par Hérodote, Preuménia, Timarété et Nicandre{{sfn|Dakaris|1996|p=9}}.
Le récit mythologique fait un lien entre les deux grands oracles de Zeus, celui d’Ammon dans l’oasis de Siwah en [[Libye]], et celui de Dodone{{sfn|Dakaris 1996|p=6-9|id=d}}. Il semble aussi montrer qu’à l’origine, le service de la divinité était assuré par des prêtresses et que l’institution des prêtres lui est postérieure. On sait en effet par [[Strabon]] que ce sont les prêtresses qui délivraient les réponses de l’oracle, sauf dans le cas des [[Béotie]]ns. Les prêtresses de Zeus sont les trois ''[[Péléiades]]'' (en grec {{grec ancien|αἱ πελειάδες}}, "colombes") qu'Hérodote nomme Preuménia, Timarété et Nicandre{{sfn|Dakaris 1996|p=9|id=d}}.


Au {{sav|VIII|e}}, à l’époque d’[[Homère]], elles sont rejointes par des prêtres de Zeus, les ''[[Selles (Dodone)|Selles]]'' (en grec {{grec ancien|οἱ Σελλοί}}). Dans l’œuvre d'Homère, Dodone apparaît en effet deux fois dans l'''[[Iliade]]''<ref>Le texte grec des extraits d’Homère provient du [http://www.tlg.uci.edu/demo/browser?uid=0&lang=eng&work=12001&context=31&GreekFont=Unicode&perseus=N&perseus_mirror=&showescs=Y&rawescs=N&unicode=Y&printable=N&betalink=Y&filepos=77850 TLG Canon] ; la traduction française provient de la traduction de Frédéric Mugler pour La Différence, parue en 1989.</ref>{{,}}<ref>Autre lien vers le texte grec : [http://mercure.fltr.ucl.ac.be/Hodoi/concordances/Homere%5Filiade02/texte.htm Hodoi Elektronikai]</ref> :
Au {{sav|VIII|e}} av. J.-C., à l’époque d’[[Homère]], les prêtresses sont rejointes par des prêtres de Zeus, les ''[[Selles (Dodone)|Selles]]'' (en grec {{grec ancien|οἱ Σελλοί}}). Dans l’œuvre d'Homère, Dodone apparaît en effet deux fois dans l'''[[Iliade]]''<ref>Le texte grec des extraits d’Homère provient du [http://www.tlg.uci.edu/demo/browser?uid=0&lang=eng&work=12001&context=31&GreekFont=Unicode&perseus=N&perseus_mirror=&showescs=Y&rawescs=N&unicode=Y&printable=N&betalink=Y&filepos=77850 TLG Canon] ; la traduction française provient de la traduction de Frédéric Mugler pour ''La Différence'', parue en 1989.</ref>{{,}}<ref>Autre lien vers le texte grec : [http://mercure.fltr.ucl.ac.be/Hodoi/concordances/Homere%5Filiade02/texte.htm Hodoi Elektronikai]</ref> :
* Dans le [[Catalogue des vaisseaux]] (II, 749-750) :
* Dans le [[Catalogue des vaisseaux]], ''Iliade'', II, 749-750, on lit :
{{Citation bloc|{{grec ancien|τῷ δ’ Ἐνιῆνες ἕποντο μενεπτόλεμοί τε Περαιβοὶ' / οἳ περὶ Δωδώνην δυσχείμερον οἰκί’ ἔθεντο}}}}
{{Citation bloc|{{grec ancien|τῷ δ’ Ἐνιῆνες ἕποντο μενεπτόλεμοί τε Περαιβοὶ' / οἳ περὶ Δωδώνην δυσχείμερον οἰκί’ ἔθεντο}}}}
{{Citation bloc|(...) commandait les Éniènes, les vaillants Perrhèbes, / qui s’étaient établis dans l’âpre pays de Dodone (...)}}
{{Citation bloc|(...) commandaient les Éniènes, les vaillants Perrhèbes, / qui s’étaient établis dans l’âpre pays de Dodone (...)}}
* Dans la prière qu'[[Achille]] adresse à Zeus alors que [[Patrocle]] s'apprête à affronter [[Hector]] (XVI, 231-235)<ref name="Dakaris 1996, p. 7">{{harvsp|Dakaris|1996|p=7}}.</ref> :
* La prière qu'[[Achille]] adresse à Zeus alors que [[Patrocle]] s'apprête à affronter [[Hector]], dans l’''Iliade'', XVI, 231-235{{sfn|Dakaris 1996|p=7|id=d}}, dit :
{{Citation bloc|{{grec ancien|Ζεῦ ἄνα Δωδωναῖε Πελασγικὲ τηλόθι ναίων / Δωδώνης μεδέων δυσχειμέρου, ἀμφὶ δὲ Σελλοὶ / σοὶ ναίουσ’ ὑποφῆται ἀνιπτόποδες χαμαιεῦναι}}}}
{{Citation bloc|{{grec ancien|Ζεῦ ἄνα Δωδωναῖε Πελασγικὲ τηλόθι ναίων / Δωδώνης μεδέων δυσχειμέρου, ἀμφὶ δὲ Σελλοὶ / σοὶ ναίουσ’ ὑποφῆται ἀνιπτόποδες χαμαιεῦναι}}}}
{{Citation bloc|Zeus tout-puissant, Dodonéen, dieu lointain, Pélasgique, / qui règnes sur Dodone, en ce rude pays des Selles / devins aux pieds jamais lavés, qui couchent sur le sol ! (...)}}
{{Citation bloc|Zeus tout-puissant, Dodonéen, dieu lointain, Pélasgique, / qui règnes sur Dodone, en ce rude pays des Selles / devins aux pieds jamais lavés, qui couchent sur le sol ! (...)}}


Dans l’''[[Odyssée]]'', Homère montre encore [[Ulysse]] s’y rendre pour consulter l’oracle sur les moyens de retourner à [[Ithaque]] (XIV, 327 ; XIX, 296-298) :
Dans l’''[[Odyssée]]'', [[Ulysse]] s’y rend pour consulter l’oracle sur les moyens de retourner à [[Ithaque]] (Chant XIV, 327 ; chant XIX, 296-298) :
{{Citation bloc|{{grec ancien|τὸν δ’ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι, ὄφρα θεοῖο' / ἐκ δρυὸς ὑψικόμοιο Διὸς βουλὴν ἐπακούσαι / ὅππως νοστήσει’ Ἰθάκης ἐς πίονα δῆμον}}}}
{{Citation bloc|{{grec ancien|τὸν δ’ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι, ὄφρα θεοῖο' / ἐκ δρυὸς ὑψικόμοιο Διὸς βουλὴν ἐπακούσαι / ὅππως νοστήσει’ Ἰθάκης ἐς πίονα δῆμον}}}}
{{Citation bloc|(...) il me disait qu’[Ulysse] était allé à Dodone / pour apprendre du grand Chêne la volonté de Zeus / et pour savoir comment il rentrerait dans la terre d'Ithaque (...)}}
{{Citation bloc|(...) il me disait qu’[Ulysse] était allé à Dodone / pour apprendre du grand Chêne la volonté de Zeus / et pour savoir comment il rentrerait dans la terre d'Ithaque (...)}}


Ce sont donc les Selles qui, maintenant un contact rituel permanent avec la terre, interprétaient la parole de Zeus. Celle-ci leur parvenait de plusieurs manières : le bruissement des feuilles du Chêne sacré, le bruit causé par un ou plusieurs chaudrons de bronze (selon les époques, voir ''infra''), et peut-être aussi le vol de colombes, si on interprète ainsi l'étymologie des ''péléiades''<ref name="Dakaris 1996, p. 7"/>.
Ce sont donc les Selles qui, entretenant un contact rituel permanent avec la Terre, interprétaient la parole de Zeus. Celle-ci leur parvenait de plusieurs manières : le bruissement des feuilles d'un chêne sacré, le bruit causé par un ou plusieurs chaudrons de bronze (selon les époques, voir ''infra''), et peut-être aussi un vol de colombes, si l'on interprète ainsi l'étymologie des ''Péléiades''{{sfn|Dakaris 1996|p=7|id=d}}.


== Histoire du sanctuaire ==
== Histoire du sanctuaire ==
[[Fichier:Dodona sanctuary.jpg|thumb|upright=1.5|Sanctuaire de Dodone vu du théâtre]]
[[Fichier:Dodona sanctuary.jpg|thumb|upright=1.5|Sanctuaire de Dodone vu du théâtre.]]


L’archéologie n’a pas encore apporté de réponse satisfaisante sur la date de création du sanctuaire. Aucune trace d’établissement [[néolithique]] n’a pour l’instant été trouvée à Dodone. Les plus anciennes traces archéologiques d’occupation (céramique, épées et couteaux de bronze) datent de l’[[civilisation mycénienne|époque mycénienne]] et ne sont pas antérieures au {{XVe siècle av. J.-C.}}<ref name="Dakaris 1996, p. 7"/> Le culte de Zeus Dodonéen serait arrivé en [[Épire]] avec les [[Thesprotes]] à l’[[Helladique]] récent vers [[1200 av. J.-C.]] Mais il existait alors déjà sur le site un culte [[Divinités grecques chtoniennes|chtonien]] pré-hellénique d’une déesse de l’abondance et de la fertilité liée aux racines du grand chêne. Les deux divinités, le dieu [[Ouranos|ouranien]] du tonnerre et de l’orage, et la divinité chtonienne de la végétation forment ainsi à Dodone un couple révéré sous les noms de Zeus Naïos (littéralement « Zeus résidant ») et Dioné Naïa (la forme féminine du nom Zeus), en relation avec un chêne sacré<ref name="Dakaris 1996, p. 7"/>.
L’archéologie n’a pas permis de dater la fondation du sanctuaire. Aucune trace d’occupation [[néolithique]] n’a été trouvée à Dodone. Les plus anciennes traces relevées (céramiques, épées et couteaux de bronze) datent de l’[[civilisation mycénienne|époque mycénienne]] et ne sont pas antérieures au {{XVe siècle av. J.-C.}}{{sfn|Dakaris 1996|p=7|id=d}}. Le culte de Zeus dodonéen serait arrivé en [[Épire]] avec les [[Thesprotes]] durant l’[[Helladique]] récent, soit vers [[1200 av. J.-C.]], mais il existait alors déjà sur le site un culte [[Divinités grecques chtoniennes|chtonien]] pré-hellénique d’une déesse de l’abondance et de la fertilité liée aux racines du grand chêne. Les deux divinités, le dieu [[Ouranos|ouranien]] du tonnerre et de l’orage et la divinité chtonienne de la végétation, forment ainsi à Dodone un couple vénéré sous les appellations de Zeus Naïos (littéralement « Zeus résidant ») et de Dioné Naïa (la forme féminine du nom Zeus), en relation avec un chêne sacré{{sfn|Dakaris 1996|p=7|id=d}}.


Bien qu’excentré par rapport à la Grèce des [[polis|cités]], l’oracle jouit d’une grande renommée dès le {{sav|VI|e}} : il est régulièrement consulté par les [[Athènes|Athéniens]] qui lui envoient une ambassade annuelle. [[Sophocle]] le mentionne dans les ''[[Les Trachiniennes|Trachiniennes]]''<ref>{{SopTra}}, 1164 et suiv.</ref> et [[Eschyle]] dans ''[[Prométhée enchaîné]]''<ref>{{EscPro}}, 829 et suiv.</ref>. Le roi de [[Lydie]] [[Crésus]]<ref>{{HérHis}}, I, 46. Il s’agit de la célèbre consultation des oracles par Crésus pour déterminer s’il devait faire la guerre à la Perse. La réponse de Zeus Dodonéen n’est pas conservée.</ref> le consulte, de même plus tard, que les [[Sparte|Spartiates]] [[Agésilas II|Agésilas]] et [[Lysandre]]<ref>{{DioBib}}, XIV, 3. Lysandre aurait essayé de corrompre la prêtresse de Zeus pour obtenir une réponse favorable. L'anecdote figure aussi chez [[Plutarque]] (''Vie de Lysandre'') qui précise la devoir à [[Éphore de Cumes]].</ref>.
Bien qu’il soit excentré par rapport à la Grèce des [[polis|cités]], l’oracle jouit d’une grande renommée à partir du {{sav|VI|e}}. Il est régulièrement consulté par les [[Athènes|Athéniens]] qui lui envoient une ambassade annuelle. [[Sophocle]] le mentionne dans les ''[[Les Trachiniennes|Trachiniennes]]''<ref>{{SopTra}}, 1164 et suiv.</ref> et [[Eschyle]] dans ''[[Prométhée enchaîné]]''<ref>{{EscPro}}, 829 et suiv.</ref>. Le roi de [[Lydie]] [[Crésus]]<ref>{{HérHis}}, I, 46. Il s’agit de la célèbre consultation des oracles par Crésus pour déterminer s’il devait faire la guerre aux Perses. La réponse de Zeus Dodonéen n’est pas conservée.</ref> le consulte, de même que plus tard les [[Sparte|Spartiates]] [[Agésilas II|Agésilas]] et [[Lysandre]]<ref>{{DioBib}}, XIV, 3. Lysandre aurait essayé de corrompre la prêtresse de Zeus pour obtenir une réponse favorable. L'anecdote figure aussi chez [[Plutarque]] (''Vie de Lysandre'') qui précise la devoir à [[Éphore de Cumes]].</ref>.


Cette célébrité ne se traduit pas par un programme architectural ambitieux, contrairement à ce qui se passe pour le sanctuaire de [[Delphes]], qui supplante progressivement Dodone comme la source principale des oracles pour les cités grecques. Au {{IVe siècle av. J.-C.}} encore, le sanctuaire semble se réduire à un modeste temple érigé auprès du chêne sacré.
La notoriété de Dodone ne se matérialise pas par un programme architectural ambitieux, contrairement au sanctuaire de [[Delphes]] qui supplante progressivement Dodone en tant que référence principale des oracles grecs. Au {{IVe siècle av. J.-C.}}, le sanctuaire semble se réduire à un modeste temple érigé près du chêne sacré.


L’apogée du sanctuaire correspond à celle du royaume d’Épire sous le règne de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] qui, entre [[-297]] et [[-272]], reconstruit presque tous les édifices de Dodone, sur une échelle monumentale plus en rapport avec son rôle de sanctuaire national épirote : le temple de Zeus, ceux d’[[Héraclès]] et de [[Thémis]] bénéficient de ses largesses, ainsi que les édifices civiques, le ''bouleuterion'' et le prytanée. C’est aussi Pyrrhus qui fait construire le théâtre pour accueillir les concours dramatiques et musicaux accompagnant la fête des ''Naïa'' en l’honneur de la triade constituée par Zeus et ses deux [[parèdre]]s, Dioné et Thémis.
L’apogée du sanctuaire correspond à celle du royaume d’Épire, sous le règne de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] qui, entre 297 et 272 {{av JC}}, reconstruit presque tous les édifices de Dodone, à une échelle monumentale plus en rapport avec son rôle de sanctuaire national : les temples de Zeus, d’[[Héraclès]] et de [[Thémis]] bénéficient de ses largesses, ainsi que des édifices civils comme le ''Bouleutérion'' et le ''Prytanée''. Pyrrhus y fait aussi construire un théâtre, pour accueillir les concours dramatiques et musicaux qui accompagnent la fête des ''Naïa'', en l’honneur de la triade de Zeus et de ses [[parèdre]]s Dioné et Thémis.


[[Fichier:Dodona inscription.png|thumb|upright=1.5|left|Inscription oraculaire sur une lamelle de plomb (Carapanos 1878, pl.&nbsp;XL, 1)]]
[[Fichier:Dodona inscription.png|thumb|upright=1.5|left|Inscription oraculaire sur une lamelle de plomb (Carapanos 1878, pl.&nbsp;XL, 1).]]


La mort soudaine de Pyrrhus à [[Argos (ville)|Argos]] en 272 av. J.-C. et l'affaiblissement du royaume d’Épire qui s’ensuit, pris dans l’étau constitué par ses deux puissants voisins, la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] à l’est et l’[[Étolie]] au sud, entraînent le déclin du sanctuaire. En [[219 av. J.-C.|-219]]-[[218 av. J.-C.|-218]], il est pillé par les [[Ligue étolienne|Étoliens]] sous le commandement de leur nouveau [[stratège]] Dorimaque, qui fait détruire le temple de Zeus, mais épargne, semble-t-il, le Chêne sacré. L’historien romain [[Polybe]]<ref>{{PolHis}}, IV, 67, 3.</ref> est la source indirecte de cette information : il précise que les Étoliens brûlèrent le sanctuaire, sauf la Hiéra Oikia qu’ils démantelèrent. Selon l'archéologue S. Dakaris{{sfn|Dakaris|1996|p=15}}, la différence de traitement s’explique par la volonté de ne pas risquer de brûler le Chêne sacré, ce qui aurait constitué un sacrilège beaucoup plus important. Les fouilles de la ''Hiéra Oikia'' ont montré l'absence de niveau de destruction par incendie à cette époque, ce qui paraît confirmer le témoignage de Polybe de Mégalopolis. Le jeune roi de Macédoine [[Philippe V de Macédoine|Philippe V]], allié des Épirotes, venge le [[sacrilège]] en mettant à sac la capitale fédérale étolienne [[Thermos (Étolie)|Thermos]] l’année suivante (-218). Avec le butin pris sur les [[Étolie]]ns, il fait ensuite reconstruire le sanctuaire de Dodone et y ajoute un [[stade]] pour les jeux annuels. Le sanctuaire ne se relève jamais tout à fait du sac étolien, d’autant plus qu’il est une nouvelle fois détruit un demi-siècle plus tard, cette fois par les [[Rome antique|Romains]], lors de la [[Troisième guerre de Macédoine]] ([[-168]]-[[-167]]) - les fouilles du temple de [[Zeus]] n’ont pas découvert d'éléments permettant de confirmer cette destruction<ref name="Dakaris 1996, p. 16"/>. On retrouve ensuite mention du sanctuaire dans les sources à l’occasion de l’invasion de la Grèce par les armées de [[Mithridate VI]] en [[-88]]. Lorsque [[Auguste|Octave]] séjourne en Épire lors de la guerre contre [[Marc Antoine]] en [[-31]], il fait probablement reconstruire en partie le sanctuaire que le géographe contemporain [[Strabon]] décrit comme ruiné. C’est aussi à l’époque impériale que le théâtre est transformé en arène. L’empereur [[Hadrien]] visite l’oracle vers [[132]], de même que [[Pausanias le Périégète|Pausanias]]<ref>{{PauDes}}, I, 17, 5.</ref>, peu après. Le festival des Naïa est toujours célébré vers [[240]]<ref name="Dakaris 1996, p. 16">{{harvsp|Dakaris|1996|p=16}}.</ref>.
La mort soudaine de Pyrrhus à [[Argos (ville)|Argos]], en 272 av. J.-C., est suivie de l'affaiblissement du royaume d’Épire, pris en étau par ses deux puissants voisins, la [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] à l’est et l’[[Étolie]] au sud. Cette situation entraîne le déclin du sanctuaire de Dodone. En [[219]]-[[-218|218 av. J.-C.]], il est pillé par les [[Ligue étolienne|Étoliens]] commandés par le [[stratège]] Dorimaque. Celui-ci fait détruire le temple de Zeus, mais semble épargner le chêne sacré. L’historien romain [[Polybe]]<ref>{{PolHis}}, IV, 67, 3.</ref> est la source indirecte de cette information : il précise que les Étoliens brûlent le sanctuaire, sauf la Hiéra Oikia qu’ils démantèlent. Pour l'archéologue S. Dakaris{{sfn|Dakaris 1996|p=15|id=d}}, la différence de traitement s’explique par la volonté de ne pas brûler le chêne sacré, ce qui aurait constitué un sacrilège beaucoup plus grave. Les fouilles de la ''Hiéra Oikia'' montrent l'absence de niveau de destruction par incendie à cette époque, ce qui paraît confirmer le témoignage de Polybe de Mégalopolis.


L'année suivante (218), le jeune roi de Macédoine [[Philippe V de Macédoine|Philippe V]], allié des Épirotes, venge le [[sacrilège]] en mettant à sac la capitale fédérale étolienne [[Thermos (Étolie)|Thermos]]. Avec le butin pris sur les [[Étolie]]ns, il fait ensuite reconstruire le sanctuaire de Dodone et y ajoute un [[stade]] pour les jeux annuels.
La ruine définitive de l’oracle intervient en [[391]] lorsque le Chêne sacré est coupé suite aux édits de [[Théodose Ier|Théodose {{Ier}}]] interdisant les cultes [[paganisme|païens]]. Ce n’est toutefois pas la fin de l’occupation du site : la construction, en partie sur les vestiges du temple d’Héraclès, d’une grande [[Basilique religieuse|basilique]] chrétienne au {{Ve siècle}} témoigne de l’occupation de Dodone dans l’[[Antiquité tardive]], de même que la mention de la ville dans la liste de [[Hiéroclès (géographe)|Hiéroclès]], géographe du {{VIe siècle}}, et la présence de plusieurs [[évêque]]s de Dodone aux [[concile]]s œcuméniques, notamment celui d’[[Concile d'Éphèse|Éphèse]] en [[431]].

Cependant le sanctuaire ne se relèvera jamais tout à fait du sac étolien. Il sera une nouvelle fois détruit un demi-siècle plus tard par les [[Rome antique|Romains]], lors de la [[Troisième guerre de Macédoine]] ([[-168]]-167 {{av JC}}). Les fouilles du temple de [[Zeus]] n’ont pas encore confirmé cette destruction{{sfn|Dakaris 1996|p=16|id=d}}. On retrouve ensuite mention du sanctuaire à l’occasion de l’invasion de la Grèce par les armées de [[Mithridate VI]], en 88 av. J.-C. Lorsque [[Auguste|Octave]] séjourne en Épire, durant la guerre contre [[Marc Antoine]] en 31 {{av JC}}, il fait probablement reconstruire en partie le sanctuaire que le géographe [[Strabon]] décrit comme ruiné. C’est aussi à l’époque impériale que le théâtre est transformé en arène. L’empereur [[Hadrien]] visite l’oracle vers [[132]], ainsi que [[Pausanias le Périégète|Pausanias]]<ref>{{PauDes}}, I, 17, 5.</ref> peu après. Le festival des Naïa est toujours célébré vers [[240]]{{sfn|Dakaris 1996|p=16|id=d}}.

La ruine définitive de l’oracle intervient en [[391]], lorsque le chêne sacré est coupé à la suite des édits de [[Théodose Ier|Théodose {{Ier}}]] qui interdisent les cultes [[paganisme|païens]]. Ce n’est toutefois pas la fin de l’occupation du site : la construction, en partie sur les vestiges du temple d’Héraclès, d’une grande [[Basilique religieuse|basilique]] chrétienne au {{Ve siècle}}, témoigne de l’occupation de Dodone dans l’[[Antiquité tardive]]. La ville est encore mentionnée dans la liste de [[Hiéroclès (géographe)|Hiéroclès]], un géographe du {{VIe siècle}}, et évoquée par la présence de plusieurs [[évêque]]s de Dodone aux [[Concile œcuménique|conciles œcuméniques]], notamment celui d’[[Concile d'Éphèse|Éphèse]] en [[431]].


== Organisation du sanctuaire ==
== Organisation du sanctuaire ==
[[Fichier:Plan Dodona sanctuary-fr.svg|thumb|upright=1.5|Plan du sanctuaire de Dodone (d’après {{lien|fr=Sotirios Dakaris|lang=el|trad=Σωτήριος Δάκαρης}} 1996).]]
{{section à sourcer|date=mai 2017}}
[[Fichier:Plan Dodona sanctuary-fr.svg|thumb|upright=1.5|Plan du sanctuaire de Dodone (d’après Dakaris 1996)]]


Le sanctuaire était clos dès la seconde moitié du {{IVe siècle av. J.-C.}} par une [[muraille|enceinte]] prolongeant dans la vallée les fortifications de l'[[acropole]] (plan, {{numéro}}1). Cette dernière englobe le sommet de la petite colline (altitude : 350&nbsp;m) dominant le site. Construite en [[appareil isodome]], l’acropole était le refuge fortifié de la cité des Dodonéens, garni de 10 tours quadrangulaires, et accessibles par deux entrées, l’une au nord-est, l’autre au sud-est. Elle possédait une citerne pour alimenter les habitants en eau en cas de siège. À partir des angles sud-ouest et sud-est de l’acropole, deux [[courtine]]s descendaient dans la vallée pour enclore l’aire du sanctuaire. Trois portes y étaient percées, dont deux, à l’est et au sud (hors plan), étaient protégées par des tours. La porte ouest (plan {{numéro}}19) dut être déplacée vers l'ouest ({{numéro}}18) lors de la phase d’agrandissement du sanctuaire au début du {{IIIe siècle av. J.-C.}}, pour dégager l’espace suffisant à la construction du [[bouleuterion]] ({{numéro}}4) et du [[prytanée]] ({{numéro}}6). La nouvelle courtine occidentale ({{numéro}}17) les contournait pour venir rejoindre le bâtiment identifié à la maison des prêtres ({{numéro}}5).
Dès la seconde moitié du {{IVe siècle av. J.-C.}}, le sanctuaire est entouré d'une [[muraille|enceinte]] qui prolonge dans la vallée les fortifications de l'[[acropole]] (plan {{numéro}}1) et englobe le sommet de la petite colline (d'altitude 350&nbsp;m) qui domine le site. Construite en [[appareil isodome]], l’acropole était le refuge fortifié de la cité. Protégé par dix tours quadrangulaires, elle était accessible par deux entrées, l’une au nord-est et l’autre au sud-est. Elle possédait une citerne pouvant alimenter les habitants en eau en cas de siège. À partir des angles sud-ouest et sud-est de l’acropole, deux [[courtine]]s descendaient dans la vallée pour inclure le sanctuaire. Trois portes y étaient percées, dont deux à l’est et au sud (hors plan), protégées par des tours. La porte ouest (plan {{numéro}}19) fut déplacée vers l'ouest ({{numéro}}18) lors de l’agrandissement du sanctuaire, au début du {{IIIe siècle av. J.-C.}} On dégageait ainsi un espace suffisant pour la construction du [[Bouleutérion]] ({{numéro}}4) et du [[Prytanée]] ({{numéro}}6). La nouvelle courtine occidentale ({{numéro}}17) les contournait pour rejoindre un bâtiment identifié à la maison des prêtres ({{numéro}}5).


=== Les édifices de culte ===
=== Les édifices de culte ===
Les différents monuments du sanctuaire étaient répartis au pied de la colline dans cet espace fortifié. Au centre se trouvait le [[téménos (religion)|téménos]] de Zeus Dodonéen, la ''Hiéra Oikia'' ({{grec ancien|ἡ Ἱερά Οἰκία}}, « Maison sacrée », plan {{numéro}}11) mentionnée par [[Polybe]] (IV, 67, 3){{sfn|Dakaris|1996|p=13-15}}. La plus ancienne phase monumentale identifiée est un petit temple rectangulaire ({{nobr|20,80 × 19,20 m}}) construit dans la première moitié du {{sav|IV|e}} à côté du chêne sacré, lorsque les [[Molosses (Épire)|Molosses]] prennent le contrôle du sanctuaire [[thesprotes|thesprote]]. Il n’y avait alors pas de clôture, mais le chêne était entouré d’une série de trépieds supportant des chaudrons de bronze en contact les uns avec les autres : lorsque l’on heurtait l’un d’eux, le son était réverbéré par toute la série. C’est ce bruit que les prêtres interprétaient, avec celui du vent dans les feuilles, comme manifestant la volonté de Zeus. Des fragments de chaudron remontant au {{sav|VIII|e}} ont été retrouvés, confirmant cette tradition et l’ancienneté de l'oracle.
Les différents bâtiments du sanctuaire étaient répartis au pied de la colline dans cet espace fortifié. Au centre se trouvait le [[téménos (religion)|téménos]] de Zeus Dodonéen, la ''Hiéra Oikia'' ({{grec ancien|ἡ Ἱερά Οἰκία}}, « Maison sacrée », plan {{numéro}}11) mentionnée par [[Polybe]] (IV, 67, 3){{sfn|Dakaris|1996|p=13-15}}. La plus ancienne construction monumentale identifiée est un petit temple rectangulaire ({{nobr|20,80 × 19,20 m}}), qui fut bâti dans la première moitié du {{sav|IV|e}} à côté du chêne sacré, lorsque les [[Molosses (Épire)|Molosses]] prirent le contrôle du sanctuaire [[thesprotes|thesprote]]. Il n’y avait pas de clôture, mais le chêne était entouré d’une série de trépieds supportant des chaudrons de bronze en contact les uns avec les autres : lorsqu’on heurtait l’un d’entre eux, le son se répercutait sur les autres. C’est ce bruit que les prêtres interprétaient, avec celui du vent dans les feuilles, comme manifestant la volonté de Zeus. Des fragments de chaudrons remontant au {{sav|VIII|e}} ont été retrouvés, confirmant cette tradition et l’ancienneté de l'oracle.


Au milieu du {{sav|IV|e}}, le téménos est matérialisé par un mur de maçonnerie. Les chaudrons ont alors laissé la place à un dispositif plus sophistiqué : au sommet d’une colonne s’élevait une statue de bronze représentant un jeune garçon (une offrande des [[Corcyre|Corcyréens]]) tenant un fouet à trois chaînes d’[[astragale (anatomie)|astragales]]. Le vent agitait ces chaînes contre un chaudron de bronze disposé lui aussi sur une colonne, produisant là encore un son continu, interprété par les prêtres pour répondre aux questions qui leur étaient posées<ref name="Dakaris_p14">{{harvsp|Dakaris|1996|p=14}}.</ref>. Celles-ci étaient transmises sur des lamelles de plomb, dont les fouilles ont mis au jour un grand nombre.
Au milieu du {{sav|IV|e}}, le téménos est matérialisé par un mur en maçonnerie. Les chaudrons laissent alors la place à un dispositif plus élaboré : au sommet d’une colonne, une statue de bronze représentait un jeune garçon (une offrande des [[Corcyre|Corcyréens]]) tenant un fouet à trois chaînes d’[[astragale (anatomie)|astragales]]. Le vent agitait ces chaînes contre un chaudron de bronze disposé lui aussi sur une colonne, produisant là encore un son continu, que les prêtres interprétaient pour répondre aux questions qui leur étaient posées{{sfn|Dakaris 1996|p=14|id=d}}. Celles-ci étaient transmises sur des lamelles de plomb, que les fouilles ont mis au jour en grand nombre.


[[Fichier:Dodona Zeus temenos.jpg|thumb|upright=1.5|left|Téménos de Zeus Dodonéen]]
[[Fichier:Dodona Zeus temenos.jpg|thumb|upright=1.5|left|[[Téménos (religion)|Téménos]] de Zeus Dodonéen.]]


Sous le règne du roi [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]], le mur de clôture est remplacé par un portique ionique sur trois côtés de la cour, en ''pi'', entourant le chêne. En guise d’offrande de reconnaissance au dieu, Pyrrhus fait suspendre sur les colonnades les boucliers [[Rome|romains]] pris lors de sa victoire d’[[Héraclée (Lucanie)|Héraclée]] en [[280 av. J.-C.]]<ref name="Dakaris_p14"/> — le Musée national d’Athènes possède le fragment de l’un de ces boucliers, identifié par un fragment d’inscription. Il réitéra ce geste en [[274 av. J.-C.]] après une victoire sur [[Antigone II Gonatas]], comme l’atteste cette fois une inscription trouvée au bouleuterion.
Sous le règne du roi [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]], le mur de clôture est remplacé par un portique ionique sur trois côtés de la cour, en Π, entourant le chêne. En guise d’offrande de reconnaissance au dieu, Pyrrhus fit suspendre sur les colonnades les boucliers [[Rome|romains]] pris lors de sa victoire d’[[Héraclée (Lucanie)|Héraclée]] en [[280 av. J.-C.]]{{sfn|Dakaris 1996|p=14|id=d}}. Le [[Musée national archéologique d’Athènes]] possède un fragment de ces boucliers, identifié par un fragment d’inscription. Il renouvela ce geste en [[274 av. J.-C.]], après une victoire sur [[Antigone II Gonatas]], comme l’atteste cette fois une inscription trouvée au Bouleutérion.


Après le démantèlement systématique de la ''Hiéra Oikia'' par les [[Ligue étolienne|Étoliens]] en [[219 av. J.-C.]], le [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] font reconstruire le sanctuaire sur une échelle plus grandiose : le temple est un édifice tripartite ([[pronaos]], [[naos]], [[adyton]]) [[tétrastyle]] [[ordre ionique|ionique]]<ref name="Dakaris 1996, p. 16"/>.
Après le démantèlement systématique de la ''Hiéra Oikia'' par les [[Ligue étolienne|Étoliens]] en [[219 av. J.-C.]], les [[Royaume de Macédoine|Macédoniens]] font reconstruire le sanctuaire à une échelle plus grande : le temple est un édifice tripartite ([[pronaos]], [[naos]], [[adyton]]) [[tétrastyle]] [[ordre ionique|ionique]]{{sfn|Dakaris 1996|p=16|id=d}}.


Plusieurs temples secondaires entouraient la ''Hiéra Oikia''. Au Nord-Est, se trouvait le '''premier temple de Dioné''' (plan {{numéro}}13), un petit monument doté d'un pronaos tétrastyle ionique abritant, à l'arrière de la [[Cella (temple romain)|cella]] la statue de la déesse{{sfn|Dakaris|1996|p=18-19}}. On sait de manière indirecte que le temple existait déjà dans la seconde moitié du {{sav|IV|e}} : les [[Athènes|Athéniens]] y envoyaient chaque année une ambassade honorer la statue de Dioné, une pratique qu’[[Olympias]], la mère d'[[Alexandre le Grand]] condamna comme une ingérence dans les affaires du royaume [[Molosses (Épire)|molosse]] d’Épire, qu’elle gouverna entre [[330 av. J.-C.|330]] et [[324 av. J.-C.]] Le sanctuaire est abandonné après sa destruction en [[219 av. J.-C.]] : un '''nouveau temple de Dioné''' est construit une dizaine de mètres plus au Sud (plan {{numéro}}12). Il s’agit d’un petit temple prostyle tétrastyle ionique comprenant un pronaos et une cella{{sfn|Dakaris|1996|p=19}}.
Plusieurs temples secondaires entouraient la ''Hiéra Oikia''. Au nord-est se trouvait le '''premier temple de Dioné''' (plan {{numéro}}13), un petit monument doté d'un [[pronaos]] [[tétrastyle]] ionique qui abritait à l'arrière de la [[Cella (temple romain)|cella]] une statue de la déesse{{sfn|Dakaris 1996|p=18-19|id=d}}. On sait par des sources indirectes que le temple existait déjà dans la seconde moitié du {{sav|IV|e}} : les [[Athènes|Athéniens]] y envoyaient chaque année une ambassade pour honorer la statue de Dioné. Une pratique qu’[[Olympias]], la mère d'[[Alexandre le Grand]], condamna comme une ingérence dans les affaires du royaume [[Molosses (Épire)|molosse]] d’Épire, qu’elle gouverna entre [[330 av. J.-C.|330]] et [[324 av. J.-C.]] Le sanctuaire est abandonné après sa destruction en [[219 av. J.-C.]] Un '''nouveau temple de Dioné''' est construit une dizaine de mètres plus au sud (plan {{numéro}}12). Il s’agit d’un petit temple [[prostyle]] tétrastyle ionique comprenant un pronaos et une ''[[Cella (temple romain)|cella]]''{{sfn|Dakaris 1996|p=19|id=d}}.


Entre ces deux temples et la porte Est de l'enceinte se trouvait le '''temple d’[[Héraclès]]''' (plan {{numéro}}14), élevé sous le règne de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] ([[297 av. J.-C.|297]]-[[272 av. J.-C.]]) en l'honneur du héros considéré comme l’ancêtre mythique de la dynastie des [[Argéades]], la maison royale de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] : celle-ci était alliée à la dynastie [[éacide]] d’Épire depuis le mariage d’Olympias et de [[Philippe II de Macédoine]]. C'est un petit temple tétrastyle [[ordre dorique|dorique]] — le seul du sanctuaire — qui fut détruit en [[219 av. J.-C.]] puis reconstruit en partie avec des matériaux pillés à [[Thermos (Étolie)|Thermos]]. Il fut en partie recouvert par la basilique paléochrétienne dans l’[[Antiquité tardive]]. Le temple a pu être identifié grâce à la découverte d’un [[métope]] représentant Héraclès contre l’[[Hydre de Lerne]], ainsi que par diverses offrandes. Une base d’autel découverte à l'Est du temple lui est probablement associée{{sfn|Dakaris|1996|p=19-20}}.
Entre ces deux temples et la porte Est de l'enceinte se trouvait le '''temple d’[[Héraclès]]''' (plan {{numéro}}14), élevé sous le règne de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] ([[297 av. J.-C.|297]]-[[272 av. J.-C.]]) en l'honneur du héros considéré comme l’ancêtre mythique de la dynastie des [[Argéades]], la maison royale de [[Royaume de Macédoine|Macédoine]] : celle-ci était alliée à la dynastie [[éacide]] d’Épire depuis le mariage d’Olympias et de [[Philippe II de Macédoine]]. C'est un petit temple tétrastyle [[ordre dorique|dorique]] — le seul du sanctuaire — qui fut détruit en [[219 av. J.-C.]], puis reconstruit avec des matériaux pillés à [[Thermos (Étolie)|Thermos]]. Durant l’[[Antiquité tardive]], il fut en partie recouvert par la basilique paléochrétienne. Le temple a été identifié grâce à la découverte d’un [[métope]] qui représentait Héraclès contre l’[[Hydre de Lerne]], ainsi que par diverses offrandes. Une base d’autel découverte à l'est du temple lui est probablement associée{{sfn|Dakaris 1996|p=19-20|id=d}}.


Deux autres temples ont été mis au jour à l’ouest de la Hiéra Oikia : le '''temple de [[Thémis]]''' ({{numéro}}10) est très proche par son plan du nouveau temple de Dioné<ref name="Dakaris 1996, p. 20">{{harvsp|Dakaris|1996|p=20}}.</ref>. L’association cultuelle des deux déesses [[parèdre]]s de Zeus est confirmée par une inscription oraculaire de plomb, datée de la première moitié du {{sav|III|e}}, qui mentionne cette triade qualifiée de dieux naïens.
Deux autres temples ont été mis au jour à l’ouest de la Hiéra Oikia : le '''temple de [[Thémis]]''' ({{numéro}}10), très proche par son plan du nouveau temple de Dioné{{sfn|Dakaris 1996|p=20|id=d}}. L’association cultuelle des deux déesses [[parèdre]]s de Zeus est confirmée par une inscription oraculaire de plomb datée de la première moitié du {{sav|III|e}}, qui mentionne cette triade qualifiée de dieux naïens. Un peu plus loin au sud-ouest, un dernier édifice cultuel ({{numéro}}8) est identifié à un '''temple d’[[Aphrodite]]''' : le culte de cette déesse est attesté à Dodone par une inscription et par des offrandes de petites statuettes d’argile, qui la représentent tenant dans sa main droite une colombe devant sa poitrine. Deux tambours de colonne provenant de ce temple ont été remployés dans l’édifice voisin ({{numéro}}9), de fonction inconnue, à l'époque romaine{{sfn|Dakaris 1996|p=20|id=d}}.


=== Les édifices civils ===
Un peu plus loin au sud-ouest, un dernier édifice cultuel ({{numéro}}8) est identifié à un '''temple d’[[Aphrodite]]''' : le culte de cette déesse est attesté à Dodone par une inscription ainsi que par des offrandes de petites statuettes d’argile la représentant tenant dans sa main droite une colombe devant sa poitrine. Deux tambours de colonne provenant de ce temple ont été remployés dans l’édifice voisin ({{numéro}}9), de fonction inconnue, à l'époque romaine<ref name="Dakaris 1996, p. 20"/>.
[[Fichier:Bouleutérion Dodone.jpg|alt=Bouleutérion de Dodone|vignette|Bouleutérion de Dodone]]
Le plus grand édifice ''intra muros'' du sanctuaire est le [[Bouleutérion]] (plan {{numéro}}4), qui fut construit au début du {{IIIe siècle av. J.-C.}} à côté du théâtre{{sfn|Dakaris 1996|p=20-21|id=d}}. C’est une grande salle rectangulaire ({{nobr|43,60 × 32,35 m}}) précédée en façade d’une [[stoa]] dorique. Le toit de cette imposante construction était supporté par huit colonnes ioniques disposées en trois rangées dans la salle. Il fut toutefois nécessaire de renforcer les murs par quatorze contreforts pour supporter le toit. C’était le lieu de réunion des membres du conseil (''bouleutes'') de la cité des Dodonéens : ils prenaient place sur des bancs de pierre, dont il reste quelques traces en place sur le côté nord. Les orateurs prenaient place dans la partie sud de la pièce, où on a aussi retrouvé en place un [[Autel (architecture)|autel]] dédié à ''Zeus Naïos'' et ''Bouleus'', un élément décisif dans l’identification fonctionnelle du bâtiment. L’auteur de cette dédicace était un certain Charops, fils de Machatas, un [[Thesprotes|Thesprote]] mentionné par [[Plutarque]] pour avoir aidé [[Titus Quinctius Flamininus|Flamininus]] lors de la campagne de [[198 av. J.-C.]] contre [[Philippe V de Macédoine]]{{sfn|Dakaris 1996|p=21|id=d}}.


À l’extérieur du [[Bouleutérion]] et le long de sa façade est, quatre bases gravées de décrets honorifiques de la [[Ligue épirote]] ont été trouvées. L’objet de deux d’entre eux était de récompenser, en leur élevant une statue de bronze, des généraux ayant combattu l’un les [[Illyrie]]ns vers [[230 av. J.-C.]], l’autre les [[Éacides]] au moment de la proclamation de la république épirote (entre [[234 av. J.-C.|234]] et [[168 av. J.-C.]]). Des fragments de ces statues ont été trouvés à proximité.
=== Les édifices civiques ===
Le plus grand édifice ''intra muros'' du sanctuaire est le '''bouleuterion''' (plan {{numéro}}4) construit au début du {{IIIe siècle av. J.-C.}} à côté du théâtre{{sfn|Dakaris|1996|p=20-21}}. C’est une grande salle rectangulaire ({{nobr|43,60 × 32,35 m}}) précédée en façade d’une [[stoa]] dorique. Le toit de cette imposante construction était supporté par huit colonnes ioniques disposées en trois rangées dans la salle. Il fut toutefois nécessaire de renforcer les murs par 14 contreforts pour supporter la pression du toit. C’était le lieu de réunion des membres du conseil (''bouleutes'') de la cité des Dodonéens : ils prenaient place sur des bancs de pierre dont il reste quelques traces en place, sur le côté nord. Les orateurs prenaient place dans la partie sud de la pièce, où on a aussi retrouvé en place un [[Autel (architecture)|autel]] dédié à ''Zeus Naïos'' et ''Bouleus'', un élément décisif dans l’identification fonctionnelle du bâtiment. L’auteur de cette dédicace était un certain Charops fils de Machatas, un [[Thesprotes|Thesprote]] mentionné par [[Plutarque]] pour avoir aidé [[Titus Quinctius Flamininus|Flamininus]] lors de la campagne de [[198 av. J.-C.]] contre Philippe V{{sfn|Dakaris|1996|p=21}}.


L’autre grand édifice civil, le ''[[Prytanée]]'' (plan {{numéro}}6 et 7), se trouvait à quelque distance au sud du ''Bouleuterion'', de l’autre côté de la voie sacrée et de l’ancienne porte ouest des remparts qui fut déplacée pour construire ce monument{{sfn|Dakaris 1996|p=22-28|id=d}}. Dans ce bâtiment se réunissaient les [[prytane]]s et les [[archonte]]s, les magistrats supérieurs de Dodone, et c'est là que les archives de leurs décisions étaient conservées. Le bâtiment, organisé autour d’une cour péristyle, fut agrandi à la fin du {{sav|III|e}} par l’ajout sur son côté nord d’une série de petites pièces carrées. Cet agrandissement fut très probablement rendu nécessaire par l’extension de la [[Ligue épirote]] vers le sud à cette époque. Détruit en [[167 av. J.-C.]], il fut tant bien que mal réparé, mais la partie nord resta en ruine{{sfn|Dakaris 1996|p=28|id=d}}.
À l’extérieur du bouleuterion, le long de sa façade est, ont été trouvées quatre bases gravées de décrets honorifiques de la [[Ligue épirote]]. L’objet de deux d’entre eux était de récompenser, en leur élevant une statue de bronze, des généraux pour avoir combattu, l’un les [[Illyrie]]ns vers [[230 av. J.-C.]], l’autre les Éacides, au moment de la proclamation de la République épirote (entre [[234 av. J.-C.|234]] et [[168 av. J.-C.]]). Divers fragments de ces statues ont été retrouvés à proximité des bases.

L’autre grand édifice civique, le '''prytanée''' (plan {{numéro}}6 et 7) était à quelque distance au sud du bouleuterion, de l’autre côté de la voie sacrée et de l’ancienne porte ouest des remparts qu’il fallut déplacer pour construire ce monument{{sfn|Dakaris|1996|p=22-28}}. C’est dans ce bâtiment que se réunissaient les prytanes et les archontes, les magistrats supérieurs de Dodone, et qu’étaient conservées les archives de leurs décisions. Le bâtiment, ordonné autour d’une cour péristyle, fut agrandi à la fin du {{sav|III|e}} par l’adjonction d’une série de petites pièces carrées sur son côté nord : cet agrandissement fut très probablement rendu nécessaire par l’extension de la Ligue épirote vers le sud à cette époque. Détruit en [[167 av. J.-C.]], il fut tant bien que mal réparé, mais la partie nord resta en ruine{{sfn|Dakaris|1996|p=28}}.


=== Les édifices de spectacle : le théâtre et le stade ===
=== Les édifices de spectacle : le théâtre et le stade ===
[[Fichier:Dodona theater.jpg|thumb|upright=1.5|Théâtre de Dodone]]
[[Fichier:Dodona theater.jpg|thumb|upright=1.5|Théâtre de Dodone.]]

Les deux édifices les plus massifs de Dodone sont situés à l’extérieur de l’enceinte du sanctuaire, sur les pentes sud-ouest de la colline.


Toutefois les deux édifices les plus imposants de Dodone sont situés à l’extérieur de l’enceinte du sanctuaire, sur les pentes sud-ouest de la colline.
Le théâtre (plan {{numéro}}2) est l’un des plus vastes de Grèce, avec une capacité estimée à 25 000 spectateurs{{sfn|Dakaris|1996|p=30-33}}. Il fut construit sous le règne de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]] (entre 297 et 272 avant J.-C.)<ref>{{Ouvrage |auteur=[[Georges Daux]]|titre=Chroniques des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce|éditeur= École française d'Athènes|lieu= |année=1957|isbn =|présentation en ligne={{Google Livres|746|page=297-272|surligne=}}}}</ref> sur les pentes sud de la colline, pour accueillir la fête quadriennale des Naïa. La colline n’étant pas assez large pour cet édifice, un mur de soutènement fut construit pour retenir le remblai, renforcé en façade par des contreforts massifs, d’apparence similaire à des tours, qui contribuent à l’apparence monumentale impressionnante de la façade. L’auditorium est divisé par des allées (''diazomata'') en trois zones respectivement de 9, 15 et 21 rangées de sièges, elles-mêmes séparées par des escaliers en 9 secteurs (''cunei'') dans la partie inférieure, et 18 dans la partie supérieure. Les rangées inférieures de sièges étaient réservées aux titulaires du privilège de [[proédrie]]{{sfn|Dakaris|1996|p=33}}.


Elles furent supprimées, de même que le ''[[proskenion]]'' et la façade de l’édifice de scène, lors de la transformation du théâtre en arène à l’époque [[Auguste|augustéenne]] : on construisit alors un mur haut de {{unité|2.80|m}} pour convertir l'orchestra en une vaste arène ovale, où pouvaient être organisés des combats de bêtes sauvages sans danger pour le public.
Le théâtre (plan {{numéro}}2) est l’un des plus vastes de Grèce, avec une capacité estimée à 25 000 spectateurs{{sfn|Dakaris 1996|p=30-33|id=d}}. Il fut construit sous le règne de [[Pyrrhus Ier|Pyrrhus]]<ref>{{Ouvrage |auteur1=[[Georges Daux]] |titre=Chroniques des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce |éditeur=École française d'Athènes |année=1957 |présentation en ligne={{Google Livres|746|page=297-272|}}.}}</ref> sur les pentes sud de la colline, pour accueillir la fête quadriennale des Naïa. La colline n’étant pas assez large pour cet édifice, un mur de soutènement fut construit pour retenir le remblai, renforcé en façade par des contreforts massifs, d’apparence similaire à des tours, qui contribuent à l’apparence monumentale de la façade. L’auditorium est divisé par des allées (''diazomata'') en trois parties offrant 9, 15 et 21 rangées de sièges, elles-mêmes séparées par des escaliers en 9 secteurs (''cunei'') dans la partie inférieure, et 18 dans la partie supérieure. Les rangées inférieures de sièges étaient réservées aux titulaires du privilège de [[proédrie]]{{sfn|Dakaris 1996|p=33|id=d}}. Elles furent supprimées, de même que le ''[[proskenion]]'' et la façade de l’édifice de scène, lors de la transformation du théâtre en arène à l’époque d'[[Auguste]] : on construisit alors un mur haut de {{unité|2.80|m}} pour convertir l'orchestre en une vaste arène ovale, où pouvaient être organisés des combats de bêtes sauvages sans danger pour le public.


Au sud-ouest du théâtre se trouve le stade (plan {{numéro}}3), comportant 21 ou 22 rangées de sièges, et construit au début du {{IIIe siècle av. J.-C.}} pour accueillir les jeux athlétiques qui accompagnaient la fête des Naïa{{sfn|Dakaris|1996|p=33-34}}.
Au sud-ouest du théâtre se trouve le stade (plan {{numéro}}3), qui comporte 21 ou 22 rangées de sièges et qui fut construit au début du {{IIIe siècle av. J.-C.}} pour accueillir les jeux athlétiques accompagnant la fête des Naïa{{sfn|Dakaris 1996|p=33-34|id=d}}.


[[Fichier:Dodona-Greece-April-2008 P01.JPG|thumb|center|upright=2.5|Théâtre de Dodone ; à gauche, gradins et emplacement du stade]]
[[Fichier:Dodona-Greece-April-2008 P01.JPG|thumb|center|upright=2.5|Théâtre de Dodone ; à gauche, gradins et emplacement du stade.]]


== Exploration archéologique ==
== Exploration archéologique ==
[[Fichier:Dodona old plan.png|thumb|Plan du sanctuaire après les premières fouilles (Carapanos 1878, pl.&nbsp;II).]]
[[Fichier:Dodona old plan.png|thumb|Plan du sanctuaire après les premières fouilles (Carapanos 1878, pl.&nbsp;II).]]


Le site est visité et décrit par les voyageurs ([[William Martin Leake|Leake]], [[François Pouqueville|Pouqueville]]) au début du {{XIXe siècle}}, sans toutefois être identifié avec l’oracle : Pouqueville croit y retrouver la cité antique de {{Lien|Passaron}}<ref>{{Lien web|url=https://books.google.fr/books?id=-YZTAAAAcAAJ&pg=PA404#v=onepage&q&f=false|auteur=François Pouqueville|titre=Voyage dans la Grèce|volume=1|passage=404-415}}.</ref>, ce que rejette Leake qui estime que les ruines sont celles d'un ''hiéron'' et non d'une cité<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://books.google.fr/books?id=9XUKAAAAIAAJ&vq=dramisius&hl=fr&pg=PA263#v=onepage&q&f=false|auteur=William Martin Leake|titre=Travels in Northern Greece|volume=1|passage=263-268}}.</ref> ; les deux auteurs placent Dodone à d'autres endroits.
Le site est visité et décrit par les voyageurs [[William Martin Leake|William Leake]] et [[François Pouqueville]] au début du {{XIXe siècle}}, sans toutefois être identifié à l’oracle : Pouqueville croit y retrouver la cité antique de {{Lien|Passaron}}<ref>{{Lien web|url=https://books.google.fr/books?id=-YZTAAAAcAAJ&pg=PA404#v=onepage&q&f=false|auteur=François Pouqueville|titre=Voyage dans la Grèce|volume=1|passage=404-415}}.</ref>, ce que rejette Leake qui estime que les ruines sont celles d'un ''hiéron'' et non d'une cité<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://books.google.fr/books?id=9XUKAAAAIAAJ&vq=dramisius&hl=fr&pg=PA263#v=onepage&q&f=false|auteur=William Martin Leake|titre=Travels in Northern Greece|volume=1|passage=263-268}}.</ref>. Les deux auteurs placent Dodone ailleurs.


Les premières fouilles systématiques du sanctuaire ont lieu dès [[1873]]-[[1875]] sous la direction de l’antiquaire et homme politique [[Constantin Carapanos]]<ref name="Dakaris 1996, p. 11">{{harvsp|Dakaris|1996|p=11}}.</ref> : entreprises sur une échelle considérable, elles dégagent l’essentiel des structures sur une surface de {{formatnum:20000}}&nbsp;m{{2}}, mais n’atteignent pas partout les niveaux d’occupation — pour le bonheur des archéologues postérieurs. Elles permettent toutefois, grâce à la découverte de [[décret]]s épirotes gravés sur des plaques de bronze, ainsi que de nombreuses lamelles de plomb oraculaires, de confirmer l’identification du site avec le célèbre sanctuaire oraculaire. La mise au jour d’un dépôt important de ce matériel dans les ruines de la basilique paléochrétienne conduit alors l’archéologue à l’identifier à tort avec le temple de Zeus.
Les premières fouilles systématiques ont lieu dès [[1873]]-[[1875]], sous la direction de l’antiquaire et homme politique [[Constantin Carapanos]]{{sfn|Dakaris 1996|p=11|id=d}}. Entreprises sur une échelle considérable, elles dégagent l’essentiel des structures sur une surface de {{formatnum:20000}}&nbsp;m{{2}}, mais n’atteignent pas partout les niveaux d’occupation — pour le bonheur des archéologues postérieurs. Elles permettent toutefois, grâce à la découverte de [[décret]]s épirotes gravés sur des plaques de bronze et de nombreuses lamelles de plomb oraculaires, de confirmer l’identification du site au célèbre sanctuaire oraculaire. La mise au jour d’un dépôt important de ce matériel dans les ruines de la basilique paléochrétienne conduit alors l’archéologue à l’identifier à tort avec le temple de Zeus.


Les fouilles reprennent une première fois après 1921 sous l’égide de la [[Société archéologique d'Athènes]], dirigées par G.&nbsp;Sotériadès, et doivent s’arrêter en raison de la [[guerre gréco-turque (1919-1922)]]. Après une première série de campagnes en [[1929]]-[[1932]], c’est l’archéologue D.&nbsp;Évangélidès qui relance de façon décisive l’exploration systématique du site après la création de l’autorité archéologique régionale, la {{XIIe}} Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques d’Épire<ref name="Dakaris 1996, p. 11"/> : dans les années [[1950]], il poursuit la fouille du sanctuaire, dont il montre la continuité de fonctionnement depuis l’[[âge du bronze]] jusqu'à l’[[Antiquité tardive]]. Après sa disparition, c’est son collaborateur S.&nbsp;Dakaris qui reprend la direction des fouilles, de nouveau avec le concours (depuis [[1981]]) de la Société archéologique, jusqu’à sa mort en 2004.
Les fouilles reprennent une première fois après 1921 sous l’égide de la [[Société archéologique d'Athènes]], dirigées par G.&nbsp;Sotériadès, mais sont interrompues par la [[guerre gréco-turque (1919-1922)]]. Après une première série de campagnes en [[1929]]-[[1932]], c’est l’archéologue D.&nbsp;Évangélidès qui relance de façon décisive l’exploration systématique du site, après la création de l’autorité archéologique régionale, la {{XIIe}} Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques d’Épire{{sfn|Dakaris 1996|p=11|id=d}}. Dans les années [[1950]], il poursuit la fouille du sanctuaire et en montre la continuité d'occupation, depuis l’[[âge du bronze]] jusqu'à l’[[Antiquité tardive]]. Après sa disparition, son collaborateur S.&nbsp;Dakaris reprend la direction des fouilles, de nouveau avec le concours (depuis [[1981]]) de la Société archéologique, jusqu’à sa mort en 2004.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
Ligne 108 : Ligne 108 :


=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* {{fr}} {{ouvrage|auteur=[[Homère]]|langue originale=[[grec ancien]]|traducteur=[[Robert Flacelière]]|titre=L’[[Iliade]]|éditeur=[[Éditions Gallimard]]|lieu=[[Paris]]|année=1993|année première édition=1955|isbn=2-07-010261-0}} {{plume}}
* {{fr}} {{Ouvrage|langue originale=[[grec ancien]]|auteur1=[[Homère]]|traducteur=[[Robert Flacelière]]|titre=L’[[Iliade]]|éditeur=[[Éditions Gallimard]]|lieu=Paris|année=1993|année première édition=1955|isbn=2-07-010261-0}}
* {{chapitre |langue=en|auteur1=Yves Béquignon|titre chapitre=Dodona|titre ouvrage=Princeton Encyclopedia of Classical Sites
* {{chapitre |langue=en|auteur1=Yves Béquignon|titre chapitre=Dodona|titre ouvrage=Princeton Encyclopedia of Classical Sites
|année=1986|passage=279-280|url=http://perseus.mpiwg-berlin.mpg.de/cgi-bin/ptext?doc=Perseus%3Atext%3A1999.04.0006&layout=&loc=Dodona}}
|année=1986|passage=279-280|url=http://perseus.mpiwg-berlin.mpg.de/cgi-bin/ptext?doc=Perseus%3Atext%3A1999.04.0006&layout=&loc=Dodona}}
* {{ouvrage|langue=en|auteur1=Sotiros Dakaris|titre=Dodona|lieu=Athènes|année=1996|numéro d'étidion=2|ISBN=9602141247}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Sotirios Dakaris|titre=Dodona|éditeur=|lieu=Athènes|année=1996|numéro d'édition=2|isbn=960-214-124-7|id=d|plume=oui}}.
* {{ouvrage|auteur1=[[Constantin Carapanos]]|titre=Dodone et ses ruines|éditeur=Hachette|lieu=Paris|année=1878|url=http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/carapanos1878ga?sid=f48552647d9e0a16ac0854a053f5182c}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Constantin Carapanos]]|titre=Dodone et ses ruines|éditeur=Hachette|lieu=Paris|année=1878|lire en ligne=http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/carapanos1878ga?sid=f48552647d9e0a16ac0854a053f5182c}}.
* {{ouvrage|langue=en|prénom1=H. W. |nom1=Parke|titre=The Oracles of Zeus : Dodona, Olympia, Ammon|lieu=Oxford|année=1967}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=H. W.|nom1=Parke|titre=The Oracles of Zeus|sous-titre=Dodona, Olympia, Ammon|éditeur=|lieu=Oxford|année=1967}}.
* {{ouvrage |langue=el|auteur1=B. Petrakou|titre={{grec moderne|Δωδώνη, Τὸ Ἔργον τῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας κατὰ τὸ 2004}}<!--NB : les publications de l'EAE utilisent toujours le grec polytonique. Merci de laisser accents et esprits -->|lieu=Athènes|année=2005|passage=38-44}}.
* {{ouvrage |langue=el|auteur1=B. Petrakou|titre={{grec moderne|Δωδώνη, Τὸ Ἔργον τῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας κατὰ τὸ 2004}}<!--NB : les publications de l'EAE utilisent toujours le [[grec polytonique]]. Merci de laisser accents et esprits -->|lieu=Athènes|année=2005|passage=38-44}}.
* {{ouvrage |langue=en|auteur1=J. H. Philpot|titre=The Sacred Tree|éditeur=Courier Dover|année=2004|ISBN=0486436128}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=J. H. Philpot |titre=The Sacred Tree |éditeur=Courier Dover |année=2004 |isbn=0-486-43612-8}}.
* {{ouvrage |langue=fr|auteur1=É. Lhôte|titre=Les lamelles oraculaires de Dodone|éditeur=[[Librairie Droz|Droz]]|lieu= Genève|année=2006|ISBN=2-600-01077-7}}.
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=É. Lhôte |titre=Les lamelles oraculaires de Dodone |éditeur=[[Librairie Droz|Droz]] |lieu=Genève |année=2006 |pages totales=454 |isbn=2-600-01077-7}}.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
Ligne 134 : Ligne 134 :
[[Catégorie:Sanctuaire grec antique]]
[[Catégorie:Sanctuaire grec antique]]
[[Catégorie:Site archéologique en Grèce]]
[[Catégorie:Site archéologique en Grèce]]
[[Catégorie:Éponyme d'un objet céleste]]
[[Catégorie:Temple de Zeus]]

Dernière version du 8 juillet 2024 à 15:22

Dodone
Nom local
(grc) ΔωδώνηVoir et modifier les données sur Wikidata
Géographie
Pays
Périphérie
District régional
Dème
Coordonnées
Fonctionnement
Statut
Patrimonialité
Site archéologique de Grèce (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Histoire
Dissolution
Carte
Localisation du sanctuaire de Dodone.

Dodone (en grec ancien et grec moderne Δωδώνη / Dôdốnê) est un sanctuaire oraculaire grec dédié à Zeus et à la Déesse-Mère, révérée sous le nom de Dioné. Les prêtres et les prêtresses du bosquet sacré interprétaient le bruissement des feuilles de chêne sous le vent.

Le sanctuaire est situé en Épire, sur les pentes du mont Tomaros, au sud du lac Pamvotida, à 22 km au sud de Ioannina. D'après Hérodote, ce serait le plus vieil oracle grec, remontant peut-être au IIe millénaire av. J.-C., et l’un des plus célèbres, avec ceux de Delphes et d’Ammon. Se trouvant très à l’écart des cités grecques (Thèbes, Athènes, Sparte, , etc.), il pâtit du développement de l’oracle de Delphes à l'époque classique, mais reste néanmoins important jusqu’à l’époque romaine.

Le mât du navire Argo, qui transporta les Argonautes à la recherche de la Toison d'or, est censé avoir été taillé dans un chêne de la forêt sacrée de Dodone.

Les origines légendaires de l’oracle

[modifier | modifier le code]

Hérodote rapporte sur l’oracle de Dodone une tradition qu'il avait entendue à Thèbes en Égypte[1],[2] :

« Les prêtresses des Dodonéens rapportent qu’il s’envola de Thèbes en Égypte deux colombes noires ; que l’une alla en Libye, et l’autre chez eux ; que celle-ci, s’étant perchée sur un chêne, articula d’une voix humaine que les destins voulaient qu’on établît en cet endroit un oracle de Zeus ; que les Dodonéens, regardant cela comme un ordre des dieux, l’exécutèrent ensuite. Ils racontent aussi que la colombe qui s’envola en Libye commanda aux Libyens d’établir l’oracle d'Ammon, qui est aussi un oracle de Jupiter. Voilà ce que me dirent les prêtresses des Dodonéens, dont la plus âgée s'appelait Preuménia ; celle d'après, Timarété ; et la plus jeune, Nicandra. Leur récit était confirmé par le témoignage du reste des Dodonéens, ministres du temple[3]. »

La vallée de Dodone au temps des premières fouilles (Carapanos 1878, pl. I, détail).

Le récit mythologique fait un lien entre les deux grands oracles de Zeus, celui d’Ammon dans l’oasis de Siwah en Libye, et celui de Dodone[4]. Il semble aussi montrer qu’à l’origine, le service de la divinité était assuré par des prêtresses et que l’institution des prêtres lui est postérieure. On sait en effet par Strabon que ce sont les prêtresses qui délivraient les réponses de l’oracle, sauf dans le cas des Béotiens. Les prêtresses de Zeus sont les trois Péléiades (en grec αἱ πελειάδες, "colombes") qu'Hérodote nomme Preuménia, Timarété et Nicandre[5].

Au VIIIe siècle av. J.-C., à l’époque d’Homère, les prêtresses sont rejointes par des prêtres de Zeus, les Selles (en grec οἱ Σελλοί). Dans l’œuvre d'Homère, Dodone apparaît en effet deux fois dans l'Iliade[6],[7] :

« τῷ δ’ Ἐνιῆνες ἕποντο μενεπτόλεμοί τε Περαιβοὶ' / οἳ περὶ Δωδώνην δυσχείμερον οἰκί’ ἔθεντο »

« (...) commandaient les Éniènes, les vaillants Perrhèbes, / qui s’étaient établis dans l’âpre pays de Dodone (...) »

  • La prière qu'Achille adresse à Zeus alors que Patrocle s'apprête à affronter Hector, dans l’Iliade, XVI, 231-235[8], dit :

« Ζεῦ ἄνα Δωδωναῖε Πελασγικὲ τηλόθι ναίων / Δωδώνης μεδέων δυσχειμέρου, ἀμφὶ δὲ Σελλοὶ / σοὶ ναίουσ’ ὑποφῆται ἀνιπτόποδες χαμαιεῦναι »

« Zeus tout-puissant, Dodonéen, dieu lointain, Pélasgique, / qui règnes sur Dodone, en ce rude pays des Selles / devins aux pieds jamais lavés, qui couchent sur le sol ! (...) »

Dans l’Odyssée, Ulysse s’y rend pour consulter l’oracle sur les moyens de retourner à Ithaque (Chant XIV, 327 ; chant XIX, 296-298) :

« τὸν δ’ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι, ὄφρα θεοῖο' / ἐκ δρυὸς ὑψικόμοιο Διὸς βουλὴν ἐπακούσαι / ὅππως νοστήσει’ Ἰθάκης ἐς πίονα δῆμον »

« (...) il me disait qu’[Ulysse] était allé à Dodone / pour apprendre du grand Chêne la volonté de Zeus / et pour savoir comment il rentrerait dans la terre d'Ithaque (...) »

Ce sont donc les Selles qui, entretenant un contact rituel permanent avec la Terre, interprétaient la parole de Zeus. Celle-ci leur parvenait de plusieurs manières : le bruissement des feuilles d'un chêne sacré, le bruit causé par un ou plusieurs chaudrons de bronze (selon les époques, voir infra), et peut-être aussi un vol de colombes, si l'on interprète ainsi l'étymologie des Péléiades[8].

Histoire du sanctuaire

[modifier | modifier le code]
Sanctuaire de Dodone vu du théâtre.

L’archéologie n’a pas permis de dater la fondation du sanctuaire. Aucune trace d’occupation néolithique n’a été trouvée à Dodone. Les plus anciennes traces relevées (céramiques, épées et couteaux de bronze) datent de l’époque mycénienne et ne sont pas antérieures au XVe siècle av. J.-C.[8]. Le culte de Zeus dodonéen serait arrivé en Épire avec les Thesprotes durant l’Helladique récent, soit vers 1200 av. J.-C., mais il existait alors déjà sur le site un culte chtonien pré-hellénique d’une déesse de l’abondance et de la fertilité liée aux racines du grand chêne. Les deux divinités, le dieu ouranien du tonnerre et de l’orage et la divinité chtonienne de la végétation, forment ainsi à Dodone un couple vénéré sous les appellations de Zeus Naïos (littéralement « Zeus résidant ») et de Dioné Naïa (la forme féminine du nom Zeus), en relation avec un chêne sacré[8].

Bien qu’il soit excentré par rapport à la Grèce des cités, l’oracle jouit d’une grande renommée à partir du VIe siècle. Il est régulièrement consulté par les Athéniens qui lui envoient une ambassade annuelle. Sophocle le mentionne dans les Trachiniennes[9] et Eschyle dans Prométhée enchaîné[10]. Le roi de Lydie Crésus[11] le consulte, de même que plus tard les Spartiates Agésilas et Lysandre[12].

La notoriété de Dodone ne se matérialise pas par un programme architectural ambitieux, contrairement au sanctuaire de Delphes qui supplante progressivement Dodone en tant que référence principale des oracles grecs. Au IVe siècle av. J.-C., le sanctuaire semble se réduire à un modeste temple érigé près du chêne sacré.

L’apogée du sanctuaire correspond à celle du royaume d’Épire, sous le règne de Pyrrhus qui, entre 297 et 272 av. J.-C., reconstruit presque tous les édifices de Dodone, à une échelle monumentale plus en rapport avec son rôle de sanctuaire national : les temples de Zeus, d’Héraclès et de Thémis bénéficient de ses largesses, ainsi que des édifices civils comme le Bouleutérion et le Prytanée. Pyrrhus y fait aussi construire un théâtre, pour accueillir les concours dramatiques et musicaux qui accompagnent la fête des Naïa, en l’honneur de la triade de Zeus et de ses parèdres Dioné et Thémis.

Inscription oraculaire sur une lamelle de plomb (Carapanos 1878, pl. XL, 1).

La mort soudaine de Pyrrhus à Argos, en 272 av. J.-C., est suivie de l'affaiblissement du royaume d’Épire, pris en étau par ses deux puissants voisins, la Macédoine à l’est et l’Étolie au sud. Cette situation entraîne le déclin du sanctuaire de Dodone. En 219-218 av. J.-C., il est pillé par les Étoliens commandés par le stratège Dorimaque. Celui-ci fait détruire le temple de Zeus, mais semble épargner le chêne sacré. L’historien romain Polybe[13] est la source indirecte de cette information : il précise que les Étoliens brûlent le sanctuaire, sauf la Hiéra Oikia qu’ils démantèlent. Pour l'archéologue S. Dakaris[14], la différence de traitement s’explique par la volonté de ne pas brûler le chêne sacré, ce qui aurait constitué un sacrilège beaucoup plus grave. Les fouilles de la Hiéra Oikia montrent l'absence de niveau de destruction par incendie à cette époque, ce qui paraît confirmer le témoignage de Polybe de Mégalopolis.

L'année suivante (218), le jeune roi de Macédoine Philippe V, allié des Épirotes, venge le sacrilège en mettant à sac la capitale fédérale étolienne Thermos. Avec le butin pris sur les Étoliens, il fait ensuite reconstruire le sanctuaire de Dodone et y ajoute un stade pour les jeux annuels.

Cependant le sanctuaire ne se relèvera jamais tout à fait du sac étolien. Il sera une nouvelle fois détruit un demi-siècle plus tard par les Romains, lors de la Troisième guerre de Macédoine (-168-167 av. J.-C.). Les fouilles du temple de Zeus n’ont pas encore confirmé cette destruction[15]. On retrouve ensuite mention du sanctuaire à l’occasion de l’invasion de la Grèce par les armées de Mithridate VI, en 88 av. J.-C. Lorsque Octave séjourne en Épire, durant la guerre contre Marc Antoine en 31 av. J.-C., il fait probablement reconstruire en partie le sanctuaire que le géographe Strabon décrit comme ruiné. C’est aussi à l’époque impériale que le théâtre est transformé en arène. L’empereur Hadrien visite l’oracle vers 132, ainsi que Pausanias[16] peu après. Le festival des Naïa est toujours célébré vers 240[15].

La ruine définitive de l’oracle intervient en 391, lorsque le chêne sacré est coupé à la suite des édits de Théodose Ier qui interdisent les cultes païens. Ce n’est toutefois pas la fin de l’occupation du site : la construction, en partie sur les vestiges du temple d’Héraclès, d’une grande basilique chrétienne au Ve siècle, témoigne de l’occupation de Dodone dans l’Antiquité tardive. La ville est encore mentionnée dans la liste de Hiéroclès, un géographe du VIe siècle, et évoquée par la présence de plusieurs évêques de Dodone aux conciles œcuméniques, notamment celui d’Éphèse en 431.

Organisation du sanctuaire

[modifier | modifier le code]
Plan du sanctuaire de Dodone (d’après Sotirios Dakaris (el) 1996).

Dès la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., le sanctuaire est entouré d'une enceinte qui prolonge dans la vallée les fortifications de l'acropole (plan no 1) et englobe le sommet de la petite colline (d'altitude 350 m) qui domine le site. Construite en appareil isodome, l’acropole était le refuge fortifié de la cité. Protégé par dix tours quadrangulaires, elle était accessible par deux entrées, l’une au nord-est et l’autre au sud-est. Elle possédait une citerne pouvant alimenter les habitants en eau en cas de siège. À partir des angles sud-ouest et sud-est de l’acropole, deux courtines descendaient dans la vallée pour inclure le sanctuaire. Trois portes y étaient percées, dont deux à l’est et au sud (hors plan), protégées par des tours. La porte ouest (plan no 19) fut déplacée vers l'ouest (no 18) lors de l’agrandissement du sanctuaire, au début du IIIe siècle av. J.-C. On dégageait ainsi un espace suffisant pour la construction du Bouleutérion (no 4) et du Prytanée (no 6). La nouvelle courtine occidentale (no 17) les contournait pour rejoindre un bâtiment identifié à la maison des prêtres (no 5).

Les édifices de culte

[modifier | modifier le code]

Les différents bâtiments du sanctuaire étaient répartis au pied de la colline dans cet espace fortifié. Au centre se trouvait le téménos de Zeus Dodonéen, la Hiéra Oikia (ἡ Ἱερά Οἰκία, « Maison sacrée », plan no 11) mentionnée par Polybe (IV, 67, 3)[17]. La plus ancienne construction monumentale identifiée est un petit temple rectangulaire (20,80 × 19,20 m), qui fut bâti dans la première moitié du IVe siècle à côté du chêne sacré, lorsque les Molosses prirent le contrôle du sanctuaire thesprote. Il n’y avait pas de clôture, mais le chêne était entouré d’une série de trépieds supportant des chaudrons de bronze en contact les uns avec les autres : lorsqu’on heurtait l’un d’entre eux, le son se répercutait sur les autres. C’est ce bruit que les prêtres interprétaient, avec celui du vent dans les feuilles, comme manifestant la volonté de Zeus. Des fragments de chaudrons remontant au VIIIe siècle ont été retrouvés, confirmant cette tradition et l’ancienneté de l'oracle.

Au milieu du IVe siècle, le téménos est matérialisé par un mur en maçonnerie. Les chaudrons laissent alors la place à un dispositif plus élaboré : au sommet d’une colonne, une statue de bronze représentait un jeune garçon (une offrande des Corcyréens) tenant un fouet à trois chaînes d’astragales. Le vent agitait ces chaînes contre un chaudron de bronze disposé lui aussi sur une colonne, produisant là encore un son continu, que les prêtres interprétaient pour répondre aux questions qui leur étaient posées[18]. Celles-ci étaient transmises sur des lamelles de plomb, que les fouilles ont mis au jour en grand nombre.

Téménos de Zeus Dodonéen.

Sous le règne du roi Pyrrhus, le mur de clôture est remplacé par un portique ionique sur trois côtés de la cour, en Π, entourant le chêne. En guise d’offrande de reconnaissance au dieu, Pyrrhus fit suspendre sur les colonnades les boucliers romains pris lors de sa victoire d’Héraclée en 280 av. J.-C.[18]. Le Musée national archéologique d’Athènes possède un fragment de ces boucliers, identifié par un fragment d’inscription. Il renouvela ce geste en 274 av. J.-C., après une victoire sur Antigone II Gonatas, comme l’atteste cette fois une inscription trouvée au Bouleutérion.

Après le démantèlement systématique de la Hiéra Oikia par les Étoliens en 219 av. J.-C., les Macédoniens font reconstruire le sanctuaire à une échelle plus grande : le temple est un édifice tripartite (pronaos, naos, adyton) tétrastyle ionique[15].

Plusieurs temples secondaires entouraient la Hiéra Oikia. Au nord-est se trouvait le premier temple de Dioné (plan no 13), un petit monument doté d'un pronaos tétrastyle ionique qui abritait à l'arrière de la cella une statue de la déesse[19]. On sait par des sources indirectes que le temple existait déjà dans la seconde moitié du IVe siècle : les Athéniens y envoyaient chaque année une ambassade pour honorer la statue de Dioné. Une pratique qu’Olympias, la mère d'Alexandre le Grand, condamna comme une ingérence dans les affaires du royaume molosse d’Épire, qu’elle gouverna entre 330 et 324 av. J.-C. Le sanctuaire est abandonné après sa destruction en 219 av. J.-C. Un nouveau temple de Dioné est construit une dizaine de mètres plus au sud (plan no 12). Il s’agit d’un petit temple prostyle tétrastyle ionique comprenant un pronaos et une cella[20].

Entre ces deux temples et la porte Est de l'enceinte se trouvait le temple d’Héraclès (plan no 14), élevé sous le règne de Pyrrhus (297-272 av. J.-C.) en l'honneur du héros considéré comme l’ancêtre mythique de la dynastie des Argéades, la maison royale de Macédoine : celle-ci était alliée à la dynastie éacide d’Épire depuis le mariage d’Olympias et de Philippe II de Macédoine. C'est un petit temple tétrastyle dorique — le seul du sanctuaire — qui fut détruit en 219 av. J.-C., puis reconstruit avec des matériaux pillés à Thermos. Durant l’Antiquité tardive, il fut en partie recouvert par la basilique paléochrétienne. Le temple a été identifié grâce à la découverte d’un métope qui représentait Héraclès contre l’Hydre de Lerne, ainsi que par diverses offrandes. Une base d’autel découverte à l'est du temple lui est probablement associée[21].

Deux autres temples ont été mis au jour à l’ouest de la Hiéra Oikia : le temple de Thémis (no 10), très proche par son plan du nouveau temple de Dioné[22]. L’association cultuelle des deux déesses parèdres de Zeus est confirmée par une inscription oraculaire de plomb datée de la première moitié du IIIe siècle, qui mentionne cette triade qualifiée de dieux naïens. Un peu plus loin au sud-ouest, un dernier édifice cultuel (no 8) est identifié à un temple d’Aphrodite : le culte de cette déesse est attesté à Dodone par une inscription et par des offrandes de petites statuettes d’argile, qui la représentent tenant dans sa main droite une colombe devant sa poitrine. Deux tambours de colonne provenant de ce temple ont été remployés dans l’édifice voisin (no 9), de fonction inconnue, à l'époque romaine[22].

Les édifices civils

[modifier | modifier le code]
Bouleutérion de Dodone
Bouleutérion de Dodone

Le plus grand édifice intra muros du sanctuaire est le Bouleutérion (plan no 4), qui fut construit au début du IIIe siècle av. J.-C. à côté du théâtre[23]. C’est une grande salle rectangulaire (43,60 × 32,35 m) précédée en façade d’une stoa dorique. Le toit de cette imposante construction était supporté par huit colonnes ioniques disposées en trois rangées dans la salle. Il fut toutefois nécessaire de renforcer les murs par quatorze contreforts pour supporter le toit. C’était le lieu de réunion des membres du conseil (bouleutes) de la cité des Dodonéens : ils prenaient place sur des bancs de pierre, dont il reste quelques traces en place sur le côté nord. Les orateurs prenaient place dans la partie sud de la pièce, où on a aussi retrouvé en place un autel dédié à Zeus Naïos et Bouleus, un élément décisif dans l’identification fonctionnelle du bâtiment. L’auteur de cette dédicace était un certain Charops, fils de Machatas, un Thesprote mentionné par Plutarque pour avoir aidé Flamininus lors de la campagne de 198 av. J.-C. contre Philippe V de Macédoine[24].

À l’extérieur du Bouleutérion et le long de sa façade est, quatre bases gravées de décrets honorifiques de la Ligue épirote ont été trouvées. L’objet de deux d’entre eux était de récompenser, en leur élevant une statue de bronze, des généraux ayant combattu l’un les Illyriens vers 230 av. J.-C., l’autre les Éacides au moment de la proclamation de la république épirote (entre 234 et 168 av. J.-C.). Des fragments de ces statues ont été trouvés à proximité.

L’autre grand édifice civil, le Prytanée (plan no 6 et 7), se trouvait à quelque distance au sud du Bouleuterion, de l’autre côté de la voie sacrée et de l’ancienne porte ouest des remparts qui fut déplacée pour construire ce monument[25]. Dans ce bâtiment se réunissaient les prytanes et les archontes, les magistrats supérieurs de Dodone, et c'est là que les archives de leurs décisions étaient conservées. Le bâtiment, organisé autour d’une cour péristyle, fut agrandi à la fin du IIIe siècle par l’ajout sur son côté nord d’une série de petites pièces carrées. Cet agrandissement fut très probablement rendu nécessaire par l’extension de la Ligue épirote vers le sud à cette époque. Détruit en 167 av. J.-C., il fut tant bien que mal réparé, mais la partie nord resta en ruine[26].

Les édifices de spectacle : le théâtre et le stade

[modifier | modifier le code]
Théâtre de Dodone.

Toutefois les deux édifices les plus imposants de Dodone sont situés à l’extérieur de l’enceinte du sanctuaire, sur les pentes sud-ouest de la colline.

Le théâtre (plan no 2) est l’un des plus vastes de Grèce, avec une capacité estimée à 25 000 spectateurs[27]. Il fut construit sous le règne de Pyrrhus[28] sur les pentes sud de la colline, pour accueillir la fête quadriennale des Naïa. La colline n’étant pas assez large pour cet édifice, un mur de soutènement fut construit pour retenir le remblai, renforcé en façade par des contreforts massifs, d’apparence similaire à des tours, qui contribuent à l’apparence monumentale de la façade. L’auditorium est divisé par des allées (diazomata) en trois parties offrant 9, 15 et 21 rangées de sièges, elles-mêmes séparées par des escaliers en 9 secteurs (cunei) dans la partie inférieure, et 18 dans la partie supérieure. Les rangées inférieures de sièges étaient réservées aux titulaires du privilège de proédrie[29]. Elles furent supprimées, de même que le proskenion et la façade de l’édifice de scène, lors de la transformation du théâtre en arène à l’époque d'Auguste : on construisit alors un mur haut de 2,80 m pour convertir l'orchestre en une vaste arène ovale, où pouvaient être organisés des combats de bêtes sauvages sans danger pour le public.

Au sud-ouest du théâtre se trouve le stade (plan no 3), qui comporte 21 ou 22 rangées de sièges et qui fut construit au début du IIIe siècle av. J.-C. pour accueillir les jeux athlétiques accompagnant la fête des Naïa[30].

Théâtre de Dodone ; à gauche, gradins et emplacement du stade.

Exploration archéologique

[modifier | modifier le code]
Plan du sanctuaire après les premières fouilles (Carapanos 1878, pl. II).

Le site est visité et décrit par les voyageurs William Leake et François Pouqueville au début du XIXe siècle, sans toutefois être identifié à l’oracle : Pouqueville croit y retrouver la cité antique de Passaron (en)[31], ce que rejette Leake qui estime que les ruines sont celles d'un hiéron et non d'une cité[32]. Les deux auteurs placent Dodone ailleurs.

Les premières fouilles systématiques ont lieu dès 1873-1875, sous la direction de l’antiquaire et homme politique Constantin Carapanos[33]. Entreprises sur une échelle considérable, elles dégagent l’essentiel des structures sur une surface de 20 000 m2, mais n’atteignent pas partout les niveaux d’occupation — pour le bonheur des archéologues postérieurs. Elles permettent toutefois, grâce à la découverte de décrets épirotes gravés sur des plaques de bronze et de nombreuses lamelles de plomb oraculaires, de confirmer l’identification du site au célèbre sanctuaire oraculaire. La mise au jour d’un dépôt important de ce matériel dans les ruines de la basilique paléochrétienne conduit alors l’archéologue à l’identifier à tort avec le temple de Zeus.

Les fouilles reprennent une première fois après 1921 sous l’égide de la Société archéologique d'Athènes, dirigées par G. Sotériadès, mais sont interrompues par la guerre gréco-turque (1919-1922). Après une première série de campagnes en 1929-1932, c’est l’archéologue D. Évangélidès qui relance de façon décisive l’exploration systématique du site, après la création de l’autorité archéologique régionale, la XIIe Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques d’Épire[33]. Dans les années 1950, il poursuit la fouille du sanctuaire et en montre la continuité d'occupation, depuis l’âge du bronze jusqu'à l’Antiquité tardive. Après sa disparition, son collaborateur S. Dakaris reprend la direction des fouilles, de nouveau avec le concours (depuis 1981) de la Société archéologique, jusqu’à sa mort en 2004.

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], II, 55.
  2. Dakaris 1996, p. 6.
  3. Extrait de la traduction de Larcher (1850), accessible en ligne.
  4. Dakaris 1996, p. 6-9.
  5. Dakaris 1996, p. 9.
  6. Le texte grec des extraits d’Homère provient du TLG Canon ; la traduction française provient de la traduction de Frédéric Mugler pour La Différence, parue en 1989.
  7. Autre lien vers le texte grec : Hodoi Elektronikai
  8. a b c et d Dakaris 1996, p. 7.
  9. Sophocle, Les Trachiniennes [détail des éditions] [lire en ligne], 1164 et suiv.
  10. Eschyle, Prométhée enchaîné [détail des éditions] [lire en ligne], 829 et suiv.
  11. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], I, 46. Il s’agit de la célèbre consultation des oracles par Crésus pour déterminer s’il devait faire la guerre aux Perses. La réponse de Zeus Dodonéen n’est pas conservée.
  12. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XIV, 3. Lysandre aurait essayé de corrompre la prêtresse de Zeus pour obtenir une réponse favorable. L'anecdote figure aussi chez Plutarque (Vie de Lysandre) qui précise la devoir à Éphore de Cumes.
  13. Polybe, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne], IV, 67, 3.
  14. Dakaris 1996, p. 15.
  15. a b et c Dakaris 1996, p. 16.
  16. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], I, 17, 5.
  17. Dakaris 1996, p. 13-15.
  18. a et b Dakaris 1996, p. 14.
  19. Dakaris 1996, p. 18-19.
  20. Dakaris 1996, p. 19.
  21. Dakaris 1996, p. 19-20.
  22. a et b Dakaris 1996, p. 20.
  23. Dakaris 1996, p. 20-21.
  24. Dakaris 1996, p. 21.
  25. Dakaris 1996, p. 22-28.
  26. Dakaris 1996, p. 28.
  27. Dakaris 1996, p. 30-33.
  28. Georges Daux, Chroniques des fouilles et découvertes archéologiques en Grèce, École française d'Athènes, (présentation en ligne)
  29. Dakaris 1996, p. 33.
  30. Dakaris 1996, p. 33-34.
  31. François Pouqueville, « Voyage dans la Grèce », p. 404-415.
  32. (en) William Martin Leake, « Travels in Northern Greece », p. 263-268.
  33. a et b Dakaris 1996, p. 11.
  • Le bosquet de Dodone apparaît dans l'Oracle cachée, de la série Les Travaux d'Apollon, écrit par Rick Riordan.

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :