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Un certain nombre de différends existaient parmi les juristes classiques à propos de ce principe, les juristes hanafites l'adoptant comme source secondaire. Les partisans contemporains des [[Islam libéral|mouvements libéraux au sein de l'islam]] ont utilisé l'''istihsan'' et l'idée similaire d' ''istislah'' (arabe pour "juger approprié") comme principes éthiques pour favoriser les interprétations féministes et réformistes du [[Coran]] et de la [[Sunna]], cherchant ainsi à réformer [[Charia|la loi islamique]]. |
Un certain nombre de différends existaient parmi les juristes classiques à propos de ce principe, les juristes [[Hanafisme|hanafites]] l'adoptant comme source secondaire. Les partisans contemporains des [[Islam libéral|mouvements libéraux au sein de l'islam]] ont utilisé l'''istihsan'' et l'idée similaire d' ''istislah'' (arabe pour "juger approprié") comme principes éthiques pour favoriser les interprétations féministes et réformistes du [[Coran]] et de la [[Sunna]], cherchant ainsi à réformer [[Charia|la loi islamique]]. |
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''{{Transl|ar|DIN|Istiḥsān}}'' ({{Langue|ar|استحسان}} {{API-ar|istiħsaːn|}}) est un mot [[arabe]] dérivé du mot ''al-husn'' ({{Langue|ar|الحسن}}) qui signifie ''bien'', qui est l'opposé d' ''al-qubh'' ({{Langue|ar|القبح}}), qui signifie ''mauvais''. Le mot ''{{Transl|ar|DIN|istiḥsān}}'' est utilisé pour exprimer "décorer ou améliorer ou considérer quelque chose de bien"<ref>Mohd Hafiz Jamaludin and Ahmad Hidayat Buang"[http://www.dakwah.unisnu.ac.id/asset/webadmin/js/kcfinder/upload/files/Vol%201,%20No%201%20(2013)%20International%20Journal%20Of%20Nusantara%20Islam.pdf Syariah Courts in Malaysia and the Development of Islamic Jurisprudence: The Study of Istihsan]" International Journal of Nusantara Islam 1, no. 1 (2014): 2.{{ISSN|2252-5904}}. {{Doi|10.15575/ijni.v1i1.33}}</ref>. Il s'applique également à désigner quelque chose vers lequel on est enclin ou que l'on préfère, même s'il n'est pas approuvé par d'autres<ref>Nyazee, Islamic Jurisprudence, 2000, p. 231</ref>. Techniquement, il a été défini de plusieurs manières par les juristes musulmans : |
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* Bazdawi le définit comme s'éloignant des implications d'une analogie vers une analogie plus forte qu'elle<ref name="Bazdawi">al-Bazdawi, Usul al-Bazdawi</ref>. |
* Bazdawi le définit comme s'éloignant des implications d'une analogie vers une analogie plus forte qu'elle<ref name="Bazdawi">al-Bazdawi, Usul al-Bazdawi</ref>. |
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[[Ash-Shâfi'î|Al-Shafi'i]] considérait celui qui pratique la préférence juridique comme un hérétique usurpant le seul droit de [[Dieu (islam)|Dieu]] en tant que législateur de la [[Charia|loi islamique]]<ref>[[Al-Shafi'i]], Kitab al-Umm, vol. 7, pg. 309-320. [[Le Caire|Cairo]] Dar al-fikr, 1990.</ref>{{,}}<ref name=":0" />. De même, [[Al-Ghazâlî|al-Ghazali]], qui est chaféite, qualifie l'istihsan de « source imaginaire »<ref name=":0" />. |
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Il a été avancé que cette critique tourne davantage autour de la signification linguistique du terme plutôt que de sa signification technique<ref name="ReferenceA" /> bien que l'érudition moderne considère les commentaires de Shafi'i comme une critique directe de la signification technique<ref>Bernard G. Weiss, ''The Search for God's Law: Islamic Jurisprudence in the Writings of Sayf al-Din al-Amidi'', pg. 672. [[Salt Lake City]]: University of Utah Press, 1992.</ref>. [[Mâlik ibn Anas|Malik ibn Anas]] aurait été interrogé sur un divorce contraignant. Lorsqu'il a rendu sa réponse, un de ses disciples s'est rapidement emparé d'une tablette pour prendre note de cette décision. En réalisant ce que faisait son disciple, Malik lui a demandé de s'arrêter, remarquant que son opinion pourrait changer avant la tombée de la nuit<ref>Virani, Shafique N. The Ismailis in the Middle Ages: A History of Survival, A Search for Salvation (New York: Oxford University Press), 2007, p.156.</ref>. |
Il a été avancé que cette critique tourne davantage autour de la signification linguistique du terme plutôt que de sa signification technique<ref name="ReferenceA" /> bien que l'érudition moderne considère les commentaires de Shafi'i comme une critique directe de la signification technique<ref>Bernard G. Weiss, ''The Search for God's Law: Islamic Jurisprudence in the Writings of Sayf al-Din al-Amidi'', pg. 672. [[Salt Lake City]]: University of Utah Press, 1992.</ref>. [[Mâlik ibn Anas|Malik ibn Anas]] aurait été interrogé sur un divorce contraignant. Lorsqu'il a rendu sa réponse, un de ses disciples s'est rapidement emparé d'une tablette pour prendre note de cette décision. En réalisant ce que faisait son disciple, Malik lui a demandé de s'arrêter, remarquant que son opinion pourrait changer avant la tombée de la nuit<ref>Virani, Shafique N. The Ismailis in the Middle Ages: A History of Survival, A Search for Salvation (New York: Oxford University Press), 2007, p.156.</ref>. |
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Sarakhsi souligne que certains juristes ont critiqué l'Istihsan au motif que l'analogie est abandonnée pour une opinion personnelle, ce qui est interdit dans l'islam. En effet, il a été utilisé d'abord par les hanafites qui l'ont défini en laissant entendre qu'il s'agissait d'un jugement subjectif. Il réfute cette compréhension comme incompréhensible, car aucun juriste ne renoncerait à une autorité pour quelque chose qui manquait de preuves<ref>al-Sarakhsi, Kitab al-Usul</ref>. En fait, l'istihsan n'est rien de plus qu'une forme de qiyas, le fait de préférer un raisonnement par analogie à un autre<ref>{{Article |auteur1=Abdelouahad Jahdini |titre=Les divergences dans les uṣūl al-fiqh d’après al-Ṣaymarī |périodique=Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses |date=2017 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/asr/1659 }}</ref>. |
Sarakhsi souligne que certains juristes ont critiqué l'Istihsan au motif que l'analogie est abandonnée pour une opinion personnelle, ce qui est interdit dans l'islam. En effet, il a été utilisé d'abord par les hanafites qui l'ont défini en laissant entendre qu'il s'agissait d'un jugement subjectif. Il réfute cette compréhension comme incompréhensible, car aucun juriste ne renoncerait à une autorité pour quelque chose qui manquait de preuves<ref>al-Sarakhsi, Kitab al-Usul</ref>. En fait, l'istihsan n'est rien de plus qu'une forme de qiyas, le fait de préférer un raisonnement par analogie à un autre<ref>{{Article |auteur1=Abdelouahad Jahdini |titre=Les divergences dans les uṣūl al-fiqh d’après al-Ṣaymarī |périodique=Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses |date=2017 |lire en ligne=https://journals.openedition.org/asr/1659 }}</ref>. |
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== Références == |
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== Lectures complémentaires == |
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* Kamali, Mohammad Hashim. ''Principes de jurisprudence islamique''(2) |
* Kamali, Mohammad Hashim. ''Principes de jurisprudence islamique''(2) |
Dernière version du 8 août 2023 à 18:38
Istiḥsan (arabe :اِسْتِحْسَان) est un terme arabe de droit musulman que l'on traduit par principe de préférence. Dans son sens littéral, cela signifie « considérer quelque chose de bien ». Les savants musulmans peuvent l'utiliser pour exprimer leur préférence pour des jugements particuliers de la loi islamique sur d'autres possibilités. C'est l'un des principes de la pensée juridique sous-jacents à l'interprétation savante ou ijtihad.
Un certain nombre de différends existaient parmi les juristes classiques à propos de ce principe, les juristes hanafites l'adoptant comme source secondaire. Les partisans contemporains des mouvements libéraux au sein de l'islam ont utilisé l'istihsan et l'idée similaire d' istislah (arabe pour "juger approprié") comme principes éthiques pour favoriser les interprétations féministes et réformistes du Coran et de la Sunna, cherchant ainsi à réformer la loi islamique.
Étymologie
[modifier | modifier le code]Istiḥsān (استحسان [istiħsaːn]) est un mot arabe dérivé du mot al-husn (الحسن) qui signifie bien, qui est l'opposé d' al-qubh (القبح), qui signifie mauvais. Le mot istiḥsān est utilisé pour exprimer "décorer ou améliorer ou considérer quelque chose de bien"[1]. Il s'applique également à désigner quelque chose vers lequel on est enclin ou que l'on préfère, même s'il n'est pas approuvé par d'autres[2]. Techniquement, il a été défini de plusieurs manières par les juristes musulmans :
- Bazdawi le définit comme s'éloignant des implications d'une analogie vers une analogie plus forte qu'elle[3].
- Al-Halwani le définit comme renonçant à une analogie pour une preuve plus solide du Coran, de la Sunna ou de l' ijma.
- Le juriste de Maliki, Ibn al-Arabi le définit comme sacrifiant certaines des implications d'une preuve à titre d'exception.
- Al-Karkhi définit Istihsan comme suit: Istihsan, c'est quand on prend une décision sur un certain cas différent de celui sur lequel des affaires similaires ont été tranchées sur la base de ses précédents, pour une raison qui est plus forte que celle trouvée dans des affaires similaires et qui nécessite une dérogation à ces cas[4].
Types d'Istihsan
[modifier | modifier le code]Un certain nombre de catégorisations ont été utilisées par les juristes :
- Istihsan à travers le texte (nass)
- Istihsan sur la base du consensus (ijma)
- Istihsan sur la base de ce qui est bon (maruf)
- Istihsan sur la base de la nécessité (darurah)
- Istihsan sur la base des prestations (Maslahah)
- Istihsan sur la base de l'analogie (qiyas khafi)
Exemples d'Istihsan
[modifier | modifier le code]Voici des exemples classiques de ce principe:
- Abu Hanifah a déclaré que celui qui mange par oubli pendant le jeûne devrait répéter le jeûne - mais il s'en éloigne par la preuve d'une narration qui permet au jeûne de se tenir[5].
- L'analogie exige que le contrat de fabrication avec paiement anticipé soit interdit : la chose vendue doit préalablement exister - mais cela est autorisé par istihsan[6].
- L'analogie exige que de l'eau pure soit utilisée pour les ablutions, de sorte que les puits dans lesquels la saleté ou les carcasses d'animaux sont tombées seraient interdits selon une stricte analogie. La nécessité en fait exception et permet l'utilisation de cette eau à condition que des méthodes de nettoyage formelles soient appliquées en premier.
- Les Sources interdisent à un homme de regarder le corps d'une femme dévêtue. Mais, en cas de nécessité médicale, par istihsan, cela peut être autorisé[6].
Reproches
[modifier | modifier le code]Al-Shafi'i considérait celui qui pratique la préférence juridique comme un hérétique usurpant le seul droit de Dieu en tant que législateur de la loi islamique[7],[6]. De même, al-Ghazali, qui est chaféite, qualifie l'istihsan de « source imaginaire »[6].
Il a été avancé que cette critique tourne davantage autour de la signification linguistique du terme plutôt que de sa signification technique[5] bien que l'érudition moderne considère les commentaires de Shafi'i comme une critique directe de la signification technique[8]. Malik ibn Anas aurait été interrogé sur un divorce contraignant. Lorsqu'il a rendu sa réponse, un de ses disciples s'est rapidement emparé d'une tablette pour prendre note de cette décision. En réalisant ce que faisait son disciple, Malik lui a demandé de s'arrêter, remarquant que son opinion pourrait changer avant la tombée de la nuit[9].
Sarakhsi souligne que certains juristes ont critiqué l'Istihsan au motif que l'analogie est abandonnée pour une opinion personnelle, ce qui est interdit dans l'islam. En effet, il a été utilisé d'abord par les hanafites qui l'ont défini en laissant entendre qu'il s'agissait d'un jugement subjectif. Il réfute cette compréhension comme incompréhensible, car aucun juriste ne renoncerait à une autorité pour quelque chose qui manquait de preuves[10]. En fait, l'istihsan n'est rien de plus qu'une forme de qiyas, le fait de préférer un raisonnement par analogie à un autre[11].
Références
[modifier | modifier le code]- Mohd Hafiz Jamaludin and Ahmad Hidayat Buang"Syariah Courts in Malaysia and the Development of Islamic Jurisprudence: The Study of Istihsan" International Journal of Nusantara Islam 1, no. 1 (2014): 2. (ISSN 2252-5904). DOI 10.15575/ijni.v1i1.33
- Nyazee, Islamic Jurisprudence, 2000, p. 231
- al-Bazdawi, Usul al-Bazdawi
- Saim Kayadibi, Doctrine of Istihsan (Juristic Preference) in Islamic Law, (Konya: Tablet Kitabevi, 2007), 104. (ISBN 978-975-6346-79-2)
- Abd al-Aziz al-Bukhari, Kash al-Asrar, Vol 4,7
- Émile Tyan, « Méthodologie et sources du droit en Islam (Istiḥsān, Istiṣlāḥ, Siyāsa šarʿiyya) », Studia Islamica, no 10, , p. 79–109 (ISSN 0585-5292, DOI 10.2307/1595127, lire en ligne, consulté le )
- Al-Shafi'i, Kitab al-Umm, vol. 7, pg. 309-320. Cairo Dar al-fikr, 1990.
- Bernard G. Weiss, The Search for God's Law: Islamic Jurisprudence in the Writings of Sayf al-Din al-Amidi, pg. 672. Salt Lake City: University of Utah Press, 1992.
- Virani, Shafique N. The Ismailis in the Middle Ages: A History of Survival, A Search for Salvation (New York: Oxford University Press), 2007, p.156.
- al-Sarakhsi, Kitab al-Usul
- Abdelouahad Jahdini, « Les divergences dans les uṣūl al-fiqh d’après al-Ṣaymarī », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, (lire en ligne)
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Kamali, Mohammad Hashim. Principes de jurisprudence islamique(2)
- Nyazee, Imran Ahsan Khan. Jurisprudence islamique
- Kayadibi, Saim. Istihsan: La doctrine de la préférence juridique en droit islamique . Islamic Book Trust, Kuala Lumpur. (ISBN 978-967-5-06247-6)