Voir la source de Conférence de Moguilev

{{En-tête label|BA|année=2023}}
{{Infobox Événement
 | nom             = Conférence de Moguilev
 | type            = Conférence militaire
 | pays            = 
 | localisation    = [[Moguilev]]
 | latitude        = 53°54'32.18"N
 | longitude       = 30°20'34.66"E
 | géolocalisation = URSS/Biélorussie
 | organisateur    = [[Max von Schenckendorff]]
 | date            = {{date|24|}} au {{date|26|septembre|1941}}
 | nombre de participants = {{Unité|61}} officiers de la [[Wehrmacht]] et des services de sécurité du [[Troisième Reich|{{IIIe}} Reich]].
 | résultat        = Résumé de 16 pages de la conférence distribué aux unités de sécurité de l'arrière du [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|front de l'Est]].
 | morts           = {{Unité|32}} civils juifs tués au cours d'un exercice
}}

La '''conférence de Moguilev''' (aujourd'hui [[Mahiliow]], en [[Biélorussie]]) est un [[Séminaire (enseignement)|séminaire]] d'entraînement de la [[Wehrmacht]] organisé en {{Date-|septembre 1941}} dans le but d'améliorer la sécurisation de l'arrière du [[groupe d'armées Centre]] lors de l'[[Opération Barbarossa|invasion allemande de l'Union soviétique]].

L'événement est organisé par le [[général]] [[Max von Schenckendorff]], commandant de la [[zone arrière du groupe d'armées Centre]], en coopération avec les responsables des services de sécurité et de renseignement de l'[[Troisième Reich|Allemagne nazie]] {{Incise|la [[Waffen-SS]] et le [[Sicherheitsdienst]] (Service de sécurité, ou SD, dépendant également de la [[Schutzstaffel|SS]])}} opérant dans la même zone. Officiellement une conférence de formation {{Citation|anti-partisane}}, elle marque une escalade de la violence contre les Juifs et d'autres civils dans les zones placées sous le commandement de Schenckendorff et témoigne de l'[[Crimes de guerre de la Wehrmacht|implication de la Wehrmacht dans les crimes de guerres]] du régime nazi.

== Contexte ==
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 101I-138-1091-06A, Russland, Mogilew, jüdische Frauen auf Dorfstraße.jpg|alt=Photo noir et blanc montrant quatre femmes et deux enfants marchant près d'une palissade en bois. Les femmes portent des gros baluchons et deux d'entre elles portent des grandes étoiles bien visibles sur leurs vêtements.|vignette|Photographie de propagande de la Wehrmacht montrant des femmes juives à Moguilev, en {{Date-|juillet 1941}}.|gauche]]
En {{Date-|juin 1941}}, les puissances de l'[[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Axe]] lancent l'[[opération Barbarossa]], l'[[Invasion (action militaire)|invasion]] de l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]]. Le {{Date-|26 juillet 1941}}, Moguilev, en Biélorussie, tombe aux mains de la Wehrmacht après un [[Siège de Moguilev|siège de trois semaines]]{{Sfn|Beorn|2011|p=316}}. Le général [[Max von Schenckendorff]], commandant de la [[zone arrière du groupe d'armées Centre]], y établit son [[quartier général]] le {{Date-|7 septembre}}{{Sfn|Beorn|2011|p=316}}, mais des membres de l'[[Einsatzgruppe B]] s'y sont rendus dès août pour tuer des Juifs{{Sfn|Yad Vashem|p=}}. Un [[Ghetto de Moguilev|ghetto]] est créé plus tard en septembre, et la plupart de ses habitants (près de {{nombre|6000|personnes}}) sont tués par les Allemands au cours de deux {{Citation|opérations}} en octobre{{Sfn|Arad|2009|p=188}}, menées par les SS et le [[Polizei-Regiment Mitte]]{{Sfn|Megargee|2009|p=1642}}.

La doctrine sécuritaire agressive de la Wehrmacht (la {{Allemand|[[Bandenbekämpfung]]}}) entraîne une coopération étroite entre l'armée et l'appareil de sécurité derrière les [[Front militaire|lignes de front]]{{Sfn|Beorn|2014|p=190}}. L'Einsatzgruppe B est la principale unité d'extermination qui opère sur le territoire de la zone arrière du groupe d'armées Centre, tuant des milliers de [[Juifs]], de [[Communisme|communistes]] et de [[Prisonnier de guerre|prisonniers de guerre]] soviétiques remis par l'armée, ainsi que d'autres {{Citation|indésirables}}, tels que les [[Tziganes]], les {{Citation|Asiatiques}} et les [[handicapés mentaux]]{{Sfn|Beorn|2014|p=190}}. En juillet, le commandant de l'Einsatzgruppe B, [[Arthur Nebe]], signale qu'une {{Citation|solution au problème juif}} est impraticable dans sa région d'opération en raison du {{Citation|nombre écrasant de Juifs}}, c'est-à-dire qu'il n'a pas assez d'hommes pour tuer tous les Juifs de Biélorussie{{Sfn|Headland|1992|p=199–201}}, d'autant plus que son Einsatzgruppe est chargé de tuer les femmes et les enfants également à partir d'{{Date-|août 1941}}{{Sfn|Beorn|2014|p=190}}.
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 101III-Adendorff-002-18A, Russland, SS-Kavallerie-Brigade.jpg|alt=Photo noir et blanc montrant un groupe d'hommes en uniforme et à cheval.|vignette|Troupes de la [[brigade de cavalerie SS]], le {{Date-|23 septembre 1941}}.]]
La [[brigade de cavalerie SS]], composée des {{1er}} et {{2e}} [[Régiment|régiments]] de cavalerie SS, participe également à des massacres visant les Juifs de Biélorussie. En juillet et {{Date-|août 1941}}, l'unité tue plus de {{nombre|14000|civils}} juifs dans les [[marais du Pripiat]], à cheval entre la Biélorussie et l'[[République socialiste soviétique d'Ukraine|Ukraine]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Henning|nom1=Pieper|titre=Fegelein's horsemen and genocidal warfare|sous-titre=the SS Cavalry Brigade in the Soviet Union|lieu=Houndmills, Basingstoke|éditeur=[[Palgrave Macmillan]]|année=2015|pages totales=250|passage=120|isbn=978-1-137-45631-1|isbn2=978-1-349-49841-3}}</ref>. Cette opération est depuis considérée comme un tournant dans le passage du {{Citation|meurtre de masse sélectif}} à l'extermination totale de la population juive dans les zones occupées par les Allemands{{Sfn|Browning|Matthäus|2007|p=279}}.

Dans ce contexte, Schenckendorff, en coopération avec le [[chef supérieur de la SS et de la Police]] pour le groupe d'armées Centre [[Erich von dem Bach-Zelewski]], organise une conférence de trois jours à Moguilev pour les troupes de sécurité{{Sfn|Beorn|2014|p=95–96}}. La réunion doit donner lieu à un {{Citation|échange d'expériences}} entre les commandants des unités de l'arrière de la Wehrmacht{{Sfn|Beorn|2014|p=95–96}}. Le [[lieutenant-colonel]] de police [[Max Montua]], commandant du [[Polizei-Regiment Mitte]], est chargé de l'organisation pratique de la conférence{{Sfn|Blood|2006|p=167}}.

== Conférence ==
[[Fichier:Max von Schenckendorff Wehrmacht General.jpg|alt=Portrait photo noir et blanc d'un homme en uniforme allemand de la Seconde Guerre mondiale|gauche|vignette|upright|[[Max von Schenckendorff]], l'organisateur de la conférence de Moguilev.]]
La conférence commence le {{Date-|24 septembre 1941}} et se concentre sur la {{Citation|lutte contre les partisans}} ({{Allemand|Bekämpfung von Partisanen}}, plus tard nommée {{Allemand|[[Bandenbekämpfung]]}}). Son programme reflète les vues de Schenckendorff, qui considère qu'une éradication totale de la résistance aux forces allemandes est le seul moyen de sécuriser les territoires occupés{{Sfn|Blood|2006|p=167}}. Le procès-verbal de la conférence, s'il a été tenu, ne nous est pas parvenu. Les informations disponibles sur la conférence sont donc tirées de l'ordre du jour, de la liste des participants, des rapports de suivi et du résumé de 16 pages largement distribué par Schenckendorff à l'issue de l'événement{{Sfn|Beorn|2011|p=321}}.

=== Participants et intervenants ===
Les officiers invités à Moguilev sont sélectionnés sur la base de leur participation antérieure à des opérations de sécurité{{Sfn|Förster|1998|p=1204–1205}}. Certains sont également rattachés au [[Oberkommando des Heeres|haut commandement de l'armée]] et [[groupe d'armées Centre]] ou viennent des rangs de la police et de la SS{{Sfn|Förster|1998|p=1204–1205}}. Au total, 61 [[Officier|officiers]] sont présents, {{Nombre|82 %}} d'entre eux venant d'unités de la Wehrmacht (principalement des [[Sicherungstruppen|divisions de sécurité]], la [[221e division de sécurité|{{221e}}]], la [[286e division de sécurité|{{286e}}]] et la [[403e division de sécurité|{{403e}}]]). Parmi les participants, {{Nombre|38 %}} sont des commandants de [[bataillon]] et de [[Compagnie (militaire)|compagnie]], le reste étant des officiers supérieurs des services de sécurité et de la Wehrmacht{{Sfn|Beorn|2011|p=319}}. Pour l'essentiel, les officiers présents sont des exécutants de la politique nazie plutôt que ses concepteurs{{Sfn|Beorn|2011|p=319}}.

Beaucoup de ces hommes ont déjà une expérience de la violence (et sont invités justement pour cette raison){{Sfn|Beorn|2011|p=319}}. Par exemple, le [[major]] Johannes Waldow, commandant du {{3e}} bataillon du {{354e}} régiment d'infanterie de la {{286e}} division de sécurité assiste l'Einsatzkommando 8 dans le massacre d'un millier de Juifs à [[Kroupki]] une semaine avant de se rendre à Moguilev{{Sfn|Beorn|2011|p=319}}. Parmi les intervenants figurent également [[Arthur Nebe]], commandant de l'Einsatzgruppe B et responsable de la mort de près de {{Nombre|190000|Juifs}} en Biélorussie sur l'année 1941{{Sfn|Beorn|2011|p=320}}, [[Erich von dem Bach-Zelewski]], proche d'[[Heinrich Himmler|Himmler]] qui sera responsable des opérations anti-partisans pendant tout le reste de la guerre{{Sfn|Beorn|2011|p=321}}, le [[lieutenant-colonel]] [[Max Montua]], commandant du [[Polizei-Regiment Mitte]] ainsi que [[Hermann Fegelein]] et [[Gustav Lombard]], respectivement commandants de la brigade de cavalerie SS et du {{1er}} régiment de cette brigade. Franz Magill, le commandant du {{2e}} régiment de cavalerie SS n'est cependant pas invité : il est probablement jugé trop timoré sur la question juive, puisqu'il tue uniquement les hommes, mais pas les femmes ou les enfants{{Sfn|Beorn|2011|p=321}}.
{{Images|légende=Principaux intervenants de la conférence de Moguilev (de gauche à droite: Arthur Nebe, Erich von dem Bach-Zelewski, Hermann Fegelein et Gustav Lombard).|image1=Bundesarchiv Bild 101III-Alber-096-34, Arthur Nebe.jpg|alternative1=Portrait photo noir et blanc d'un homme en uniforme allemand, en extérieur devant le mur d'une maison.|légende1=|image2=Bundesarchiv Bild 183-S73507, Erich von dem Bach-Zelewski.jpg|alternative2=Portrait photo noir et blanc en studio d'un homme à lunettes en uniforme allemand.|légende2=|image3=Hermann Fegelein.jpg|alternative3=Portrait photo noir et blanc en extérieur d'un homme souriant en uniforme allemand.|légende3=|image4=Gustav Lombard 2.jpg|alternative4=Portrait photo noir et blanc en studio d'un homme en uniforme allemand.|légende4=|position=center}}

=== Déroulement ===
La conférence de Moguilev commence dans la matinée du {{Date-|24 septembre}} par des présentations de quinze minutes sur les leçons tirées de la guerre anti-partisane par divers commandants de haut niveau, dont Hermann Fegelein, Max Montua et le [[colonel]] von Rekowski du {{354e}} [[régiment]] d'[[infanterie]], spécialisé dans les opérations de sécurité{{Sfn|Beorn|2011|p=322}}. À {{Heure|11|30}}, Arthur Nebe fait une présentation qui couvre trois domaines : premièrement, {{Citation|la coopération entre les troupes et le [[Sicherheitsdienst|SD]] pendant les opérations anti-partisanes}} ; deuxièmement, {{Citation|la sélection et l'emploi des collaborateurs locaux}} ; et troisièmement, {{Citation|la question juive avec une attention particulière pour la guerre anti-partisane}}{{Sfn|Beorn|2011|p=322}}. Le contenu précis du dernier point de la présentation de Nebe n'est pas connu, mais ce dernier a dû souligner l'importance des [[Shoah par balles|massacres de Juifs]] et a dû plaider pour la participation de la [[Wehrmacht]] à ces actions, compte tenu des difficultés de son Einsatzgruppe confronté à un manque d'hommes{{Sfn|Beorn|2011|p=322}}.

Après le [[déjeuner]], Erich von dem Bach-Zelewski donne une [[conférence]] intitulée {{Citation|la capture de [[Commissaire politique|commissaires]] et de partisans dans le cadre d'actions d'exploration}}, un domaine dans lequel il a déjà une solide expérience{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}. Dans l'après-midi, les officiers observent une opération modèle menée par le [[Polizei-Regiment Mitte]], qui fait une démonstration d'encerclement d'un village suivi par une distribution de [[Tract|tracts]]{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}. Le soir, après le dîner, un concert de [[musique russe]] est donné dans le bâtiment du [[quartier général]] de Moguilev{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}.

Le lendemain matin, Gustav Lombard prend la parole sur son expérience de la lutte anti-partisane{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}. Après cela, le reste de la matinée est occupée par diverses prises de parole et tables rondes organisées par des [[Officier subalterne|officiers subalternes]], commandants au niveau d'une [[Compagnie (militaire)|compagnie]], sur des sujets divers : l'entrée d'un bataillon dans une zone non sécurisée, la sécurisation d'un tronçon d'[[autoroute]], et la réaction à l'[[assassinat]] d'un [[maire]] par les partisans{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}. Dans l'après-midi, les officiers se rendent dans un petit village situé à {{unité|14|km}} au nord-ouest de Moguilev pour assister à sa fouille et à l'interrogatoire des habitants par la {{7e}} [[Compagnie (militaire)|compagnie]] du {{Lien|trad=Police Battalion 322|fr=Polizei-Bataillon 322|texte={{322e}} bataillon de police}}{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}. Le journal d'opération de cette unité indique : {{Citation|Aucun étranger au village, en particulier des partisans, n'a pu être trouvé. En revanche, les recherches sur la population ont révélé la présence de 13 hommes juifs, 27 femmes juives et 11 enfants juifs. Parmi eux, 13 hommes et 19 femmes ont été exécutés avec l'aide du SD.}}{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}. Ainsi, les Juifs sont désignés comme des cibles {{Citation|par défaut}} des opérations anti-partisanes{{Sfn|Beorn|2011|p=323}}.

À l'aube le {{Date-|26 septembre}}, les participants de la conférence assistent à une dernière opération de terrain : la fouille d'un village par des éléments du {{2e}} régiment de sécurité, dépendant directement de [[Max von Schenckendorff]]{{Sfn|Beorn|2011|p=324}}. L'opération cible cette fois des individus précis : d'anciens fonctionnaires communistes et quatre personnes suspectes en raison du temps qu'elles passent dans les forêts{{Sfn|Beorn|2011|p=324}}. Après avoir assisté à l'interrogatoire de ces individus et à {{Citation|l'instruction}} des villageois, la conférence de Moguilev prend fin et tous les participants regagnent leurs unités respectives{{Sfn|Beorn|2011|p=324}}.

== Résumé et suites de la conférence ==
Un résumé de 16 pages de la conférence, signé par Schenckendorff, est distribué aux troupes de la Wehrmacht et aux unités de police de sa zone de responsabilité{{Sfn|Beorn|2014|p=102-106}}. Le document se concentre sur les tactiques de la [[Bandenbekämpfung|guerre de sécurité]], tout en prescrivant des mesures sévères : tout suspect doit être remis à la [[Geheime Feldpolizei]] ou envoyé dans des camps de filtrage pour un contrôle plus approfondi (qui se conclut la plupart du temps par l'exécution par le SD){{Sfn|Beorn|2014|p=102-106}}. Le résumé met en garde contre le fait que les partisans utiliseraient des femmes, des enfants et des personnes âgées comme agents, ce qui légitime le ciblage de ces catégories de population{{Sfn|Beorn|2014|p=102-106}}.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1972-026-43, Minsk, Widerstandskämpfer vor Hinrichtung.jpg|alt=Photo noir et blanc de trois personnes entourées d'une foule de soldats dans une rue. La jeune femme au centre porte une pancarte blanche autour du cou.|vignette|[[Macha Brouskina]] avec Kyril Trus à sa gauche et [[Volodia Chtcherbatsevitch]] à sa droite (trois des douze [[pendus de Minsk]]) avant leur exécution à [[Minsk]], le {{Date-|26 octobre 1941}}. Ces résistants ont été arrêtés et exécutés par des soldats de la [[707e division d'infanterie]], l'une des unités les plus brutales de la Wehrmacht sur le front de l'Est, responsable du massacre de {{nombre|10000|personnes}} (essentiellement juives) pendant l'hiver 1941-1942<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Ben|nom1=Shepherd|lien auteur=Ben H. Shepherd|titre=Hitler's soldiers|sous-titre=the German army in the Third Reich|lieu=New Haven (Conn.)|éditeur=[[Yale University Press]]|année=2016|pages totales=681|passage=174|isbn=978-0-300-17903-3|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=bHpJDAAAQBAJ&printsec=frontcover|consulté le=2023-07-12}}</ref>.]]

Le résumé proclame que {{Citation|l'ennemi doit être complètement anéanti}}, tout en précisant que la distinction entre un partisan réel et un simple suspect n'est pas toujours possible, donnant ainsi carte blanche aux troupes pour l'approche la plus brutale possible{{Sfn|Beorn|2014|p=102-106}}. Le document est envoyé à tous les commandants de compagnie dans la [[zone arrière du groupe d'armées Centre]], y compris aux unités qui n'avaient pas envoyé de représentants à la conférence{{Sfn|Beorn|2014|p=102-106}}. S'ensuit une augmentation spectaculaire des atrocités commises par les unités de la Wehrmacht à l'encontre des Juifs et d'autres civils au cours des trois derniers mois de 1941{{Sfn|Beorn|2014|p=102-106}}.

Le résumé a un impact au-delà du territoire de la zone arrière du groupe d'armées Centre{{Sfn|Beorn|2011|p=330}}. Le [[Oberkommando des Heeres|commandant en chef de l'armée de terre allemande]], le maréchal [[Walther von Brauchitsch]], publie en octobre 1941, un mois après la conférence, des {{Citation|directives pour la lutte contre les partisans}}, qui concernent la totalité des troupes allemandes. Signe de l'importance de la conférence de Moguilev, la conclusion de son résumé est reprise mot pour mot dans le document de von Brauchitsch{{Sfn|Beorn|2011|p=330}} :

{{Citation bloc|La décision constante entre la vie et la mort pour les partisans et les personnes suspectes est difficile à prendre, même pour le soldat le plus endurci. Il faut le faire. Celui qui combat sans pitié et sans merci, au mépris de toute émotion personnelle, agit correctement.}}

== Évaluation historique ==
[[Fichier:Akcja_przeciwpartyzancka_żołnierzy_niemieckich_na_froncie_wschodnim_(2-1931).jpg|alt=Soldat allemand allongé au sol avec une mitrailleuse devant des maisons en feu|gauche|vignette|Soldat allemand devant un village en feu lors d'une opération anti-partisans sur le front de l'Est en {{Date-|août 1942}}.]]
Selon l'historien Waitman Wade Beorn, la conférence de Moguilev est un événement clé qui, dans la zone arrière du groupe d'armées Centre, a contribué à intégrer la Wehrmacht dans la [[Shoah|politique génocidaire nazie]]. Après la conférence, les unités de sécurité de la Wehrmacht reçoivent l'ordre de coopérer pleinement avec les détachements du SD, au-delà de la simple fourniture d'un [[Logistique militaire|soutien logistique]]{{Sfn|Beorn|2011|p=309, 328-329}}. Elles prennent également une part active au meurtre des Juifs sur le territoire sous le commandement de Schenckendorff, puisque cette catégorie de population est devenue une cible militaire légitime, qui n'est plus seulement laissée aux [[Paramilitaire|paramilitaires]] de la SS{{Sfn|Beorn|2011|p=309, 328-329}}.

Bien que le résumé de la conférence ne mentionne pas les Juifs, les exercices sur le terrain démontrent que la Wehrmacht doit cibler les Juifs dans ses actions anti-partisanes : les [[Judéo-bolchevisme|Juifs sont censés être intrinsèquement des bolchéviques]] et donc des soutiens des partisans{{Sfn|Beorn|2011|p=335-337}}{{,}}{{Sfn|Beorn|2011|p=329-331}}. Beorn conclut que des instructions verbales à cet effet ont très probablement été communiquées pendant les sessions, compte tenu de la liste des orateurs, qui comprend des tueurs de masse expérimentés tels que Bach-Zelewski, Nebe, Lombard et Fegelein{{Sfn|Beorn|2011|p=329-331}}. La politique antijuive sur le front de l'Est avait déjà changé radicalement le mois précédant la conférence de Moguilev, avec l'ajout de femmes et d'enfants à la liste des cibles, ce qui mit les ressources limitées des SS à rude épreuve{{Sfn|Beorn|2011|p=329-331}}. Ces derniers réclament donc l'aide de l'armée pour faire face à un territoire (et donc une population juive à {{Citation|gérer}}) en rapide expansion du fait de l'avancée des troupes allemandes, et à des objectifs très ambitieux pour liquider les [[Ghettos juifs pendant la Seconde Guerre mondiale|ghettos]] soviétiques afin d'y déporter les Juifs d'[[Europe sous domination nazie|Europe occidentale occupée]], à une période ou leur [[Solution finale|extermination complète]] n'est pas encore décidée{{Sfn|Beorn|2011|p=329-331}}.
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 101I-287-0872-28A, Russland, Hinrichtung von Partisanen.jpg|alt=Photo noir et blanc. Groupe d'homme (avec un enfant) vêtus de manteaux d'uniformes d'hiver, vus de face, qui regardent deux corps pendus vus de dos au premier plan.|vignette|Soldats allemands observant et photographiant la pendaison de partisans présumés pendant l'hiver 1941-1942, près d'[[Orel]], en [[République socialiste fédérative soviétique de Russie|Russie]].]]
En dehors du ciblage explicite des Juifs, la conférence de Moguilev marque une escalade de violence dans les rapports entre la Wehrmacht et les populations civiles{{Sfn|Beorn|2011|p=333}}. Même si les exercices de terrain se présentent comme des actions militaires ([[encerclement]], garde et escorte des suspects{{Etc.}}), ces derniers sont justement désignés vaguement par un nouveau langage : {{citation|étranger au village}}, {{citation|vagabond}}, {{citation|civil suspect}}, {{citation|soutien des partisans}}, {{citation|civil sans pièce d'identité}}, ou encore {{citation|femmes soldats}}, autant de catégories qui deviennent des cibles d'actions militaires{{Sfn|Beorn|2011|p=333}}.

Pour expliquer le consentement de la Wehrmacht à la participation au génocide, Beorn estime que la longue histoire allemande en matière de traitement sévère des civils, la paranoïa à l'égard d'une menace partisane qui n'existe pas encore pleinement à ce moment de la guerre, un [[racisme]] à la fois institutionnel et individuel et une accoutumance à la violence (par exemple dans le cadre du {{Allemand|[[Kommissarbefehl]]}}) sont autant d'éléments qui ont prédisposé l'armée à accepter le meurtre de masse{{Sfn|Beorn|2011|p=335-337}}. Assimiler les Juifs à des soutiens des partisans aide également à faire passer leur extermination pour une nécessité militaire. Pour Waitman Beorn, il est impossible de dissocier l'[[Shoah|Holocauste]] de la guerre anti-partisane, un point de vue partagé entre autres par [[Timothy Snyder]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Timothy|nom1=Snyder|lien auteur=Timothy Snyder|titre=[[Terres de sang : L'Europe entre Hitler et Staline|Bloodlands: Europe between Hitler and Stalin]]|éditeur=[[Basic Books]]|année=2012|pages totales=560|passage=240|isbn=978-0-465-03147-4|isbn2=978-0-465-00239-9|consulté le=2023-07-14}}</ref> et [[Omer Bartov]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=ʾOmer|nom1=Barṭov|titre=Hitler's Army|sous-titre=Soldiers, Nazis, and War in the Third Reich|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=1991|pages totales=238|passage=83|isbn=978-0-19-506879-5|consulté le=2023-07-14}}</ref>.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Traduction/Référence|en|Mogilev Conference|1164658786|type=note}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Occupation allemande de la Biélorussie]]

=== Bibliographie ===
{{légende plume}}
* {{Ouvrage|libellé=Arad 2009|langue=en|auteur1=[[Yitzhak Arad]]|titre=The Holocaust in the Soviet Union|éditeur=[[University of Nebraska Press]]|année=2009|pages totales=720|isbn=9780803222700|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=S7YsDwAAQBAJ&pg=PA188&q=mogilev+jews+1941|plume=oui}}
* {{Ouvrage|libellé=Beorn 2014|langue=en| prénom1=Waitman Wade| nom1=Beorn| titre=Marching into darkness| sous-titre=the Wehrmacht and the Holocaust in Belarus| lieu=Cambridge, Massachusetts| éditeur=[[Harvard University Press]]| année=2014| pages totales=314| isbn=978-0-674-72550-8|plume=oui}}
* {{article|libellé=Beorn 2011|nom=Beorn|langue=en|prénom=Waitman Wade|journal=Central European History|périodique=[[Cambridge University Press]]|volume=44|numéro=2|pages=308–337|titre=A Calculus of Complicity: The Wehrmacht, the Anti-Partisan War, and the Final Solution in White Russia, 1941–42|date=Juin 2011|doi=10.1017/S0008938911000057|plume=oui}}
* {{Ouvrage|libellé=Blood 2006| langue=en| prénom1=Phillip W.| nom1=Blood| titre=Hitler's bandit hunters| sous-titre=the SS and the nazi occupation of Europe| lieu=Washington (D. C.)| éditeur=Potomac Books| année=2006| pages totales=401| isbn=978-1-59797-021-1| lire en ligne=https://books.google.com/books?id=jR49G7eyxBUC&printsec=frontcover|plume=oui}}
* {{Ouvrage|libellé=Browning et Matthäus 2007|langue=en|auteur1=[[Christopher Browning]]|auteur2=[[Jürgen Matthäus]]|titre=The Origins of the Final Solution : The Evolution of Nazi Jewish Policy, September 1939-March 1942|éditeur=|année=2007|isbn=|plume=oui}}
* {{Ouvrage|libellé=Förster 1998|langue=en|langue originale=de|auteur1=[[Jürgen Förster]]|champ libre=[[Bureau de recherche historique militaire|Bureau de recherche historique militaire de la Bundeswehr]]|titre=The Attack on the Soviet Union|volume=IV|lieu=Oxford|éditeur=[[Oxford University Press|Clarendon Press]]|série=Germany and the Second World War|année=1998|pages totales=1364|passage=1189–1244|isbn=0-19-822886-4|titre chapitre=Securing 'Living-Space'|plume=oui}}
* {{Ouvrage|libellé=Headland 1992| langue=en| prénom1=Ronald| nom1=Headland| titre=Messages of Murder : A Study of the Reports of the Security Police and the Security Service| lieu=Rutherford USA/Madison USA/Teaneck N.J./London/Toronto| éditeur=Associated University Presses| année=1992| pages totales=303| isbn=0-8386-3418-4| lire en ligne=https://rowman.com/ISBN/9781611470963/Messages-of-Murder-A-Study-of-the-Reports-of-the-Einsatzgruppen-of-the-Security-Police-and-the-Security-Service-1941-1943|plume=oui}}
* {{Ouvrage|libellé=Megargee 2009|langue=en|prénom1=Geoffrey P.|nom1=Megargee|lien auteur=Geoffrey P. Megargee|titre=[[Encyclopedia of Camps and Ghettos, 1933–1945]]|volume=II|lieu=Bloomington|éditeur=[[Indiana University Press]]|année=2009|pages totales=832|isbn=978-0-253-35328-3|plume=oui}}
* {{lien web |libellé=Yad Vashem|website=[[Yad Vashem]] |url=https://www.yadvashem.org/untoldstories/database/index.asp?cid=234 |langue=en |titre=Mogilev |date=20 décembre 2017 |consulté le=20 décembre 2017 |id=Yad Vashem|plume=oui}}

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[[Catégorie:Crime de guerre du Troisième Reich]]
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