Législatives 2024 : À Fontainebleau, le barrage au RN des électeurs de gauche motivé par l’inquiétude et la peur

À Fontainebleau, il est presque impossible de trouver une affiche électorale pour le RN, pourtant le parti d’extrême droite est arrivé en tête du premier tour dans cette circonscription de Seine-et-Marne.
Maxime Birken / Le HuffPost À Fontainebleau, il est presque impossible de trouver une affiche électorale pour le RN, pourtant le parti d’extrême droite est arrivé en tête du premier tour dans cette circonscription de Seine-et-Marne.

POLITIQUE - Dimanche complexe en perspective pour une partie des Bellifontains. À Fontainebleau, où le Rassemblement national est arrivé en deuxième position des élections législatives, mais en tête à l’échelle de la 2e circonscription de Seine-et-Marne, c’est un vote déchirant mais contraint que s’apprêtent à faire beaucoup d’électeurs, dimanche 7 juillet.

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Rencontrés par Le HuffPost ce jeudi 4 juillet, de nombreux électeurs de gauche, mais pas uniquement, confient leurs craintes en évoquant le duel entre la candidate RN Ivanka Dimitrova (35,1 %) et l’ancien maire Frédéric Valletoux (33,7 %). Entre une candidate d’extrême droite pratiquement inconnue et un ministre macroniste issu de la droite − mais membre du parti Horizons d’Édouard Philippe depuis 2021 − leur choix n’est pas toujours évident.

« La peur au ventre »

Car dans cette circonscription, comme dans beaucoup d’autres, la candidate du Nouveau Front populaire, arrivée troisième (23,7 %), a suivi à la lettre les consignes nationales de l’union de la gauche. Un motif de déception important pour les électeurs de Nour Benaïssa-Watbot. « Ça sera décevant dans tous les cas dimanche soir, donc je ne vois pas l’intérêt de me déplacer », affirme Françoise, une septuagénaire qui a voté NFP au premier tour.

Sur la place de la République, ils sont pourtant nombreux à vouloir faire barrage. Dominique, fonctionnaire, a d’ailleurs du mal à contenir son inquiétude. « J’ai souvent été obligée de voter contre mes valeurs ces dernières années. Dimanche, ça sera encore le cas pour limiter la casse ».

Anne-Constance et Jennifer, la trentaine disent vouloir aller voter mais « la peur au ventre ». « J’ai surtout peur de ce qu’il peut se passer après le 7. La libération de la parole raciste est déjà là », anticipe Jennifer. Bien que « profondément opposée au camp de la majorité », c’est en se « bouchant le nez » qu’Anne-Constance se rendra aux urnes dimanche, « pas d’autre choix possible ». Ils sont nombreux à utiliser cette expression. C’est le cas de Théo. Du haut de ses 25 ans, il admet ne « pas avoir une grande expérience électorale ». C’est donc contraint mais lucide que cet étudiant se rendra dans son bureau de vote dimanche pour s’opposer au RN.

La peur s’empare également d’Élise, qui observe « impuissante » ce sentiment s’immiscer dans son quotidien. Que ce soit avec les habitants de son immeuble ou l’une de ses amies, guinéenne, qui lui dit être « terrorisée depuis deux semaines ». « Et le pire, dans tous ça, ajoute-t-elle, c’est que, malgré mon âge avancé, je suis incapable de trouver les mots pour la rassurer. C’est dire si la situation est inquiétante ». Celle qui soufflera bientôt ses 90 bougies votera donc pour Frédéric Valletoux, tout en continuant à regretter « son entrée au gouvernement ».

« Un bon maire », mais…

De gauche, ou plus largement déçus par les deux mandats successifs d’Emmanuel Macron, plusieurs électeurs soulignent que la personnalité de Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau pendant 16 ans, joue beaucoup. Député de la majorité présidentielle depuis 2022, puis ministre depuis le remaniement de février dernier, l’ancien édile bénéficie encore d’une certaine cote de popularité.

Comme auprès de Guy, un septuagénaire qui penche à gauche, « sauf au niveau local ». « J’ai toujours voté pour lui, parce qu’il a été un bon maire et qu’il m’a toujours satisfait. Dimanche ça ne changera pas », certifie-t-il. Nassim a voté pour Nour Benaïssa-Watbot au premier tour. Et comme le retraité, ce vendeur en téléphonie de 29 ans glissera un bulletin du nom du ministre délégué à la Santé au second. « Il est apprécié pour son travail ici, et comme il devrait logiquement être élu, je voterai pour lui », assure-t-il.

« Valletoux gagnera parce que la ville est ancrée au centre droit », abonde Audrey, dont le départ en vacances a été décalé pour pouvoir voter. Cette mère de famille de 39 ans avoue ne pas comprendre les raisons du vote RN dans une « ville aussi paisible ». Un questionnement que ne partage pas Anne-Constance, surtout après avoir « vu beaucoup de choses choquantes en pleine rue depuis dimanche, notamment ici à Fontainebleau ».

Si la dynamique semble finalement pencher en faveur du ministre délégué à la Santé, beaucoup des électeurs rencontrés partagent presque systématiquement le même constat. Celui d’un scrutin qui les oblige, comme un miroir inversé de la fameuse déclaration d’Emmanuel Macron, le 24 avril 2022. De quoi inspirer une formule peu encourageante à Théo sur l’expérience de l’exercice démocratique, après avoir vécu la même chose aux présidentielles de 2017 et 2022 : « Je crois que c’est comme ça à chaque fois maintenant non ? ».

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