Nous voulons Dieu!
Nous voulons Dieu! est un cantique populaire marial catholique composé en 1882 par l'abbé François-Xavier Moreau (1827-1905).
Histoire: un cri de ralliement contre-révolutionnaire
modifierOrigine: le pèlerinage marial de la Touraine aux accents de Croisade
modifierNous voulons Dieu! est publié pour la première fois le 11 septembre 1882 par l'abbé François-Xavier Moreau, curé de Soligny, en l'honneur de Notre-Dame-de-Lourdes et à l'occasion du pèlerinage de la Touraine[1]. Composé dans le contexte du refus des Lois Jules Ferry de 1881-1882, Nous voulons Dieu! est "un triomphe, à la fois poétique et musical" pour l'abbé François-Xavier Moreau dès 1882[2]. Il est composé sur un cri de ralliement dont l'abbé Joseph Lehmann se fait l'écho en expliquant qu'il est repris au pape Urbain II qui prêchait la croisade au cri de Deus vult, Dieu le veut[3]:
« Nous voulons Dieu! Dieu le veut en 1095. Nous voulons Dieu en 1882. Oui, puisqu'on chasse Dieu; nous voulons Dieu, nous n'entendons pas nous passer de Lui. Nous voulons qu'Il règne sur nous: volumus hunc regnare super nos. Nous voulons Dieu dans nos écoles [...] Nous voulons Dieu à nos foyers [...] Nous voulons Dieu, c'est le cri de notre Alliance! Dieu le veut, nous voulons Dieu! »
— Abbé Joseph Lehmann
Popularité d'un cantique politisé depuis 1900
modifierFace à l'anti-cléricalisme de la Troisième République, ce chant se répand "comme une traînée de feu" partout en France dans les années 1880[4]. Dès 1888, le cantique Nous voulons Dieu se range parmi les classiques du pèlerinage de Lourdes, aux côtés de l'Ave Maria de Lourdes[5]. Le parallèle entre la croisade et la résistance de l'Eglise face aux lois anti-cléricales est repris en chaire par des évêques comme Monseigneur Pierre-Emmanuel Bouvier, évêque de Tarentaise, en 1894[6]. Ce cantique gagne en popularité face aux attaques des "sectaires", les Républicains, et il est largement diffusé parmi les Œuvres ouvrières chrétiennes[7].
Alors que les lois anti-cléricales se multiplient et que la Troisième République impose l'inventaire des biens de l'Eglise, les chrétiens se rassemblent dans les églises pour une bénédiction du Saint-Sacrement, un chapelet, un chant du Parce Domine, ou de cantiques Je suis Chrétien, Nous voulons Dieu, Sauvez Rome et la France, cantiques "propres à entretenir la ferveur" à Angers[8] en Normandie[9], à Brison dans les Alpes[10], ou encore en Bretagne, tandis que les instructeurs républicains font chanter Le Régiment de Sambre-et-Meuse et que les enfants des socialistes reprennent L'Internationale "à tue-tête"[11]. En 1903 lors de l'inauguration de la statue d'Ernest Renan devant la cathédrale de Tréguier et de nouveau en 1923 lors de la célébration de son centenaire, les catholiques en guise de protestation à ces évènements entonnent Nous voulons Dieu! avec le renfort du grand-orgue de la Cathédrale[12].
Entre désuétude et marqueur identitaire depuis les années 1970
modifierSous l'Occupation, la popularité retrouvée du cantique Nous voulons Dieu! manifeste un "discours plus radical" qui remet la laïcité en question[13].
Le cantique qui bénéficie d'une popularité qui dépasse les frontières de l'Hexagone est traduit en plusieurs langues, dont le portugais en 1921, Queremos Deus,[14] et l'espagnol sous le nom de Tu reinaras.[15] Le cantique est particulièrement populaire aux Antilles, et il réimprimé en 1970[16]
A partir des années 1970, ce chant devient un marqueur du mouvement traditionaliste, notamment à Saint-Nicolas-du-Chardonnay[17] ou au Pèlerinage de Chartres.
Au Québec, en 1983, le cantique est réimprimé au titre de "chant folklorique"[18].
Culture
modifierLa mélodie très populaire du cantique Nous voulons Dieu! a souvent été reprise par d'autres, comme par Thérèse de Lisieux qui l'a utilisée pour un cantique qu'elle a composé en l'honneur de Saint Joseph[19].
Le cantique Nous voulons Dieu! qui était un cri de ralliement contre les inventaires de la République est mentionné par Jean d'Ormesson dans son roman Au plaisir de Dieu, et il est chanté dans le premier épisode de la série télévisée Au plaisir de Dieu adaptée du roman.
Paroles
modifier- 1.
Nous voulons Dieu, Vierge Marie,
Prête l'oreille à nos accents ;
Nous t'implorons, Mère chérie,
Viens au secours de tes enfants.
- Refrain
Bénis, ô tendre Mère,
Ce cri de notre foi :
Nous voulons Dieu ! C'est notre Père,
Nous voulons Dieu ! C'est notre Roi.
- 2.
Nous voulons Dieu ! ce cri de l'âme
Que nous poussons à ton autel,
Ce cri d'amour qui nous enflamme,
Par toi qu'il monte jusqu'au ciel.
- 3.
Nous voulons Dieu dans la famille,
Dans l'âme de nos chers enfants ;
Pour que la foi s'accroisse et brille
A nos foyers reconnaissants.
- 4.
Nous voulons Dieu ! Sa sainte image
Doit présider aux jugements ;
Nous le voulons au mariage
Comme au chevet de nos mourants.
- 5.
Nous voulons Dieu pour que l'Eglise
Puisse enseigner la vérité
Combattre l'erreur qui divise,
Prêcher à tous la charité.
- 6.
Nous voulons Dieu ! le ciel se voile
La tempête agite les flots ;
Brille sur nous, ô blanche étoile,
Conduis au port les matelots.
Références
modifier- François-Xavier Moreau, « Nous voulons Dieu. Cantique à N.-D. de Lourdes. Pèlerinage de la Touraine, 11 septembre 1882 (4e édition. [A 1 voix.]) », sur Gallica, (consulté le )
- Henri Moussé (chanoine.), Le culte de Notre-Dame en Touraine: ouvrage honoré d'une lettre de Sa Sainteté le Pape Benoit XV, Maison A. Mame, (lire en ligne), p. 684
- Abbé Joseph Lehmann, Almanach du diocèse de Reims pour 1886, par un bibliophile, Desclée, (lire en ligne), « Le Pape des Croisades », p. 152
- (en) The Month: An Illustrated Magazine of Literature, Science and Art, The Month, (lire en ligne), « On the road to Lourdes », p. 176
- (en) Richard Frederick Clarke, Lourdes: Its Inhabitants, Its Pilgrims and Its Miracles. With an Account of the Apparitions at the Grotto and a Sketch of Bernadette's Subsequent History, Benziger Bros., (lire en ligne), p. 70
- Eglise à Lyon, Archevêché de Lyon, (lire en ligne), p. 737
- Le Dimanche: bulletin des corporations, Le Dimanche, (lire en ligne), p. 432
- Claude Petitfrère, « Angers, 1906 : la presse et les inventaires », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 86, no 1, , p. 61 (DOI 10.3406/abpo.1979.2968, lire en ligne, consulté le )
- Jean Quellien, « Un révélateur des mentalités : les « inventaires » de 1906 en Basse-Normandie », Études Normandes, vol. 30, no 4, , p. 18–40 (DOI 10.3406/etnor.1981.2517, lire en ligne, consulté le )
- Arsène Bourgeaux, « Interférences religieuses dans les mentalités populaires à Brison et au Mont-Saxonnex en Faucigny », Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, vol. 5, no 1, , p. 355 (DOI 10.3406/mar.1977.1044, lire en ligne, consulté le )
- Michel Ostenc, « Éducation et politique en Anjou (1907-1909) », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 93, no 2, , p. 230 (DOI 10.3406/abpo.1986.3217, lire en ligne, consulté le )
- Olivier Revault d'Allonnes, « Le Centenaire des Souvenirs d'Enfance et de Jeunesse », Études Renaniennes, vol. 53, no 1, , p. 8 (DOI 10.3406/renan.1983.1284, lire en ligne, consulté le )
- Claude Singer, « 1940-1944 : La laïcité en question sous le régime de Vichy », Raison présente, vol. 149, no 1, , p. 43 (DOI 10.3406/raipr.2004.3851, lire en ligne, consulté le )
- Harpa de Sião: suplemento, no. 35, p. 37; 1927 Administração do Lar Catholico, Juiz de Fora, Minas Gerais.
- (en) Dorian Llywelyn, Toward a Catholic Theology of Nationality, Lexington Books, (ISBN 978-0-7391-4091-8, lire en ligne), p. 256
- Rose Lherisson Michel, Cantiques et chansons, Impr. des Antilles, (lire en ligne), p. 9
- Nous voulons Dieu: dix ans de tradition catholique à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, 27 février 1977-1987, Ed. Fideliter, (ISBN 978-2-903122-25-6, lire en ligne)
- Conrad Laforte, Le catalogue de la chanson folklorique française, Presses Université Laval, (ISBN 978-2-7637-7000-0, lire en ligne)
- (en) St Therese of Lisieux, The Poetry of St. Therese of Lisieux: The Complete Edition, ICS Publications, (ISBN 978-1-939272-07-2, lire en ligne), PN 14