Ocean One (robot)
Ocean One est un prototype de ROV qui a une forme de demi-robot humanoïde (pas de bassin ni jambes).
Il a été développé au sein du Stanford Robotics Laboratory, par l'équipe dirigée par le Professeur Oussama Khatib de l'Université Stanford. Équipé de nombreux capteurs et contrôlable à distance, il permet de restituer les sensations tactiles d'un plongeur lorsqu'il effectue une fouille sous-marine. C'est le premier robot humanoïde au monde à avoir plongé en mer à près de 100 mètres de profondeur (et potentiellement jusqu'à 1000 m)[réf. nécessaire] pour y faire un travail d'archéologie sous-marine.
Sa première plongée a été réalisée sur l'épave de la Lune, en collaboration avec le Drassm et le Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier.
Historique
L'idée de construire Ocean One a surgi du besoin d'étudier des récifs de corail dans la Mer Rouge, loin des lieux facilement accessibles aux plongeurs humains. Aucun robot sous-marin permettant de plonger avec les aptitudes et la précaution nécessaires n'existait alors, et une équipe de l'Université Stanford a conçu et construit un robot alliant intelligence artificielle et systèmes haptiques[1].
Du 10 au , l'équipe d'Oussama Khatib de l'université Stanford a bénéficié de l'aide française du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) qui a mis à disposition le navire sur lequel sont organisées les expériences, et la Lune, une épave appartenant aux eaux territoriales françaises). Le projet a aussi été accompagné par des chercheurs du Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, et avec le soutien financier de l'université des sciences et technologies du Roi Abdallah d'Arabie Saoudite (Kaust) et de Meka Robotics (Google). L'opération sous-marine a été pilotée à partir du bord de l’André Malraux, mis à disposition par le Drassm pour tester le prototype Ocean One sur la Lune, une frégate coulée en rade de Toulon en 1664[2].
C'est la première fois dans l'histoire qu'un robot humanoïde descend à une telle profondeur pour y effectuer un travail d'archéologie sous-marine[2].
Description de l’Ocean One
Description et fonctionnement
L’Ocean One est un prototype d'engin sous-marin (ROV) doté d'un système de bras et mains « à retour d'effort » aux jointures de doigts élastiques dotée de tendons à ressort permettant une variété de forme et force de préhension[3]. Un simulateur de main robotique (SimGrasp) a été conçu pour des études paramétriques de cette main.
Le prototype mesure 2 m de long et pèse 180 kg. L'humanoïde possède une tête et deux yeux — dans lesquels sont disposés des caméras[4]. Les deux bras ont chacun trois articulations. Chaque main dispose de trois doigts[2].
Dans la partie arrière sont logées des batteries, des ordinateurs et huit hélices multidirectionnelles[1].
Ces propulseurs permettent au robot de s'adapter aux courants, aux turbulences ou aux obstacles qu'il détecte, et les capteurs et les caméras permettent de manipuler avec grande précaution des objets (ou des organismes tels que des coraux)[1].
Oussama Khalib[N 1], inventeur du robot, explique qu’Ocean One fait partie d'un programme de son laboratoire cherchant à créer « des humanoïdes contrôlables à distance », capables de « se déplacer et d'effectuer des tâches dans des environnements dangereux ou sur des terrains très accidentés ».
La recherche a ainsi porté sur des technologies capables de restituer les sensations tactiles ainsi que les sollicitations mécaniques par le biais de capteurs, comme ceux installés dans les doigts, les mains et les bras, lorsque le robot manipule un objet. Les informations sont envoyées à des calculateurs qui simulent à leur tour les effets des « palpitations ». Ceci afin de pouvoir détecter le poids, la forme, la dureté voire la texture d'un objet dans le cas d'une opération aveugle. Le robot peut ainsi se saisir d'un objet sans l'altérer et le déposer dans la « caisse à prélèvement » spécialement créée pour l'opération[4].
Innovations
L'utilisation des « systèmes haptiques » — le système de restitution des sensations par le biais des capteurs — dans les profondeurs sous-marines constituent la principale innovation de Ocean One, de même que l'utilisation d'une huile dans les bras du robot permettant, en maintenant la pression égale à l'eau environnante, de protéger l'électronique de l'eau. Par ailleurs, c'est la première fois qu'un robot sous-marin peut se mouvoir avec les bras[4].
Le robot est descendu à 90 m de profondeur, démontrant ainsi qu'il résiste aux pressions des grandes profondeurs et est adapté à l'archéologie sous-marine[4].
Description de l'opération
L'équipage de l’André Malraux est constitué d'une vingtaine de roboticiens, d'archéologues, de techniciens et de marins[2].
De nombreuses autres ressources sont mobilisées, avec plusieurs plongeurs, une « caisse à prélèvements » expérimentale, ainsi que le ROV Perseo (Copetech) et le robot Léonard (Lirmm)[N 2].
Enjeux et perspectives
En participant au projet et en mettant à disposition la Lune, épave située dans les eaux territoriales françaises, la Drassm, dépendante du ministère de la culture et de la communication cherche à « faciliter l'exercice de sa mission d'administration et de valorisation du patrimoine sous-marin[2]. » Il s'agit aussi de sensibiliser sur les risques qu'encourent les épaves des fonds marins, à savoir la pêche industrielle par « chalut qui laboure les fonds jusqu'à 1 800 m de profondeur » ou encore les pillards, qui disposent de moyens techniques sophistiqués[2].
Pour le directeur de l'institution, il y a un autre enjeu, plus scientifique : « démontrer qu'il est possible de restituer à distance, par une interface-informatique, les sensations tactiles d'un plongeur en train de fouiller une épave[2]. » Il souhaite, en créant le précédent du Ocean One, mettre au point « une nouvelle génération de robots à même de travailler efficacement dans les abysses pour effectuer ce type de mission[2]. » En effet, il rappelle que pour effectuer « une fouille digne de ce nom », des plongeurs sont nécessaires ; or, au-delà de 60 mètres de profondeur, c'est « en pratique inenvisageable » pour des questions de coût, de difficultés techniques et de celles de trouver des gens qualifiés.
Ces objectifs sont « compatibles » avec ceux du programme « Corsaire » de la même institution, qui « vise à favoriser le développement d'outils robotiques spécifiques à l'archéologie des grandes profondeurs[2]. »
Notes et références
- Notes
- ↑ Originaire de Syrie, il a étudié à l'école SupAero de Toulouse et est professeur à l'université de Stanford[4].
- ↑ Ce devait être le prototype Speedy, mais il a été dérobé dans le port de Marseille dans la nuit du 9 au 10 avril, juste avant le début de l'opération[2].
- Références
- (en) Bjorn Carey, « Maiden voyage of Stanford's humanoid robotic diver recovers treasures from King Louis XIV's wrecked flagship », sur université de Stanford, (consulté le ).
- Vahé ter Minassian, « Le plongeur de demain sera humanoïde », Le Monde, no 22171, , p. 4 du supplément « Science & Médecine ».
- ↑ Stuart H, Wang S, Khatib O & Cutkosky M.R (2017) The Ocean One hands: An adaptive design for robust marine manipulation. The International Journal of Robotics Research, 36(2), 150-166 (résumé).
- Vahé ter Minassian, « Le plongeur de demain sera humanoïde », Le Monde, no 22171, , p. 5 du supplément « Science & Médecine ».