« Dumping social » : différence entre les versions

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[[Fichier:Grève féministe Genève 14 juin 2023 35.jpg|vignette|Bannière « Stop au dumping salarial sur le dos des femmes », lors de la [[grève des femmes]] du 14 juin 2023 (Suisse).]]
 
Le '''''dumping'' social''' (francisation partielle de l'anglais ''{{lang|en|social dumping}}''), ou '''moins-disance sociale'''<ref>[https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=D525CDDA53F335A4E4DEFB31237F5B63.tpdila20v_3?cidTexte=JORFTEXT000032968642&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000032966647 Social dumping], ''Vocabulaire de l'économie et des finances (liste de termes, expressions et définitions adoptés)'', JORF, n°0181, du 5 août 2016, texte n° 138 : {{Citation|Pratique consistant, pour un État, à adopter une législation sociale moins contraignante que celle d'États concurrents afin de maintenir les coûts de revient des producteurs à un bas niveau et d'attirer les investissements étrangers}}.</ref>, est la mise en concurrence par les employeurs, dans le cadre de la [[mondialisation économique]], de travailleurs des pays développés avec la main-d'œuvre moins chère des pays en développement. Le [[taux de chômage]] élevé en [[France]] et dans certains autres pays de l'[[Europe de l'Ouest]] ainsi que la stagnation et le recul des revenus des personnels peu qualifiés aux [[États-Unis]] ont incité depuis les [[années 1970]] à relancer le débat sur les conséquences pour des [[pays développés]] de commercer avec des [[pays en développement]] dont la moindre protection sociale crée une concurrence inégale. Des [[syndicat]]s craignent de ce fait la baisse des salaires et des prestations sociales dans les pays développés pour concurrencer des plus faibles [[coûts du travail]] dans les pays offrant une moindre [[protection sociale]].
 
== Définition ==
{{Section à sourcer|date=juin 2020}}
Le concept de ''dumping'' social n’est pas en 2017 quantifié ni ne possède encore d'acception précise. Il peut selonSelon les cas, cela signifiersignifie qu'une entreprise peut :
* jouer,profiter pour baisser les coûts, sur lesdes différences de rémunérations et de réglementation du travail entre pays pour baisser les coûts<ref>Ce sujet est abordé dans le film d'[[Henri Verneuil]] ''[[Mille milliards de dollars]]''</ref> ; voir [[Frits Bolkestein]] ;
* utiliser l'arrivée dans le commerce mondial d'[[pays émergents|économies émergentes]] dont certainscertaines opposent moins de contraintes au [[travail des enfants]], àau lamanque de [[protection sociale]] et à la libertérépression syndicale ;
* remettre en cause certains avantages sociaux et salariaux considérés comme acquis, en vue d’obtenir ou de conserver des emplois. Un exemple est la proposition aux employés d'[[IBM France]] de consentir à une baisse provisoire de 7,7 % de leur salaire afin de maintenir l'emploi. Voir [[Cathy Kopp]]. Le risque existe alors d'une course au ''moins-disant social'' faisant réapparaître la [[Loi d'airain des salaires]] partiellement oubliée pendant les [[Trente Glorieuses]].
 
Dans ces deux derniers sens, le travail serait considéré comme effectué « à perte », d’où l’origine sémantique du concept de ''dumping'' social. En effet, en économie le ''[[dumping]]'' consiste enest une stratégie commerciale agressive qui se résume à « vendre les produits à perte afin d’éliminer les concurrents et de conquérir des parts de marché ».
 
Les effets du ''dumping'' social seraient donc divers :
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== Cadre juridique ==
{{refnec|Le phénomène du ''dumping'' social ou de concurrence sociale déloyale est actuellement réglementé par la directive d'exécution 2014/67/UE, et par la directive (UE) 2018/957 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.}}
 
== Une polémique politique ==
La notion de ''dumping'' social est délicate car suivant la théorie classique du commerce international, le transfert d’emplois des pays riches vers les pays pauvres serait profitable aux pays pauvres et à leurs habitants. Selon la formule de [[Daniel Cohen (économiste)|Daniel Cohen]], les [[pays du Sud]] ne souffrent pas d’être exploités mais souffrent du protectionnisme.
 
Par ailleurs, la théorie du commerce international démontre que l’échange est mutuellement profitable en termes de richesses, mais la question est différente en termes d’emploi.
 
Les syndicats prônent que le [[chômage]] des travailleurs peu qualifiés en [[Europe]] et la baisse de leur pouvoir d’achat aux États-Unis sont liés à un déversement des emplois vers les pays pauvres. Ce point est ouvertement dénoncé par les libéraux comme un appel à la « haine économique ». Les associations militant pour les droits de l’homme et la promotion de la dignité humaine condamnent quant à elles un système d’exploitation de la main d’œuvre des pays du Sud. Nombreux sont ceux qui leur répondent en dénonçant la naïveté de leurs propositions : certains pays du [[tiers monde]] ont toujours un niveau de vie semblable à celui des européens du {{XVIIIe siècle}}, comment alors est-il possible de mettre en place un système de protection sociale ? D’autres dénoncent quant à eux le concept du ''dumping'' social comme une malhonnêteté intellectuelle des gouvernants. Dans ''[[Richesse du monde, pauvreté des nations]]'', Daniel Cohen consacre un chapitre à ce qu’il appelle la « misère de la politique » en soulignant que la mondialisation est devenue le moyen le plus facile pour les gouvernants de se décharger des échecs de leur politique intérieure.
 
Enfin les syndicats considèrent le ''dumping'' social comme une politique commerciale agressive visant à accentuer artificiellement les disparités de dotation en facteur travail : en termes d’horaire ou de conditions par exemple. Suivant cette analyse, certains organismes, comme l’[[Organisation internationale du travail]], ont mis en place des normes du travail visant à définir un cadre et des objectifs, fondés sur l’idée universellement reconnue de la « dignité humaine ».
 
== Entre zones géographiques ==
{{Section à sourcer|date=juin 2020}}
Le ''dumping'' social peut intervenir entre deux États dont le coût de la protection sociale de l'un est plus faible que l'autre. La conséquence est d'améliorer le différentiel entre facteurs de production entre les deux pays.
 
Le but du ''dumping'' social est d'attirer les entreprises dans une zone géographique en leur permettant de réduire leur [[coût du travail]]. Ainsi, les dirigeants de la zone d'accueil espèrent que les entreprises préfèreront investir ou délocaliser dans leur zone où le coût du travail est plus faible.
 
Le contexte entre États doit permettre un faible coût d'importation (douanes, transport, etc.) pour que la délocalisation de l'investissement soit rentable. C'est notamment le cas au sein des pays de l'[[Union européenne]]. C'est aussi de plus en plus souvent le cas au niveau mondial, par l'action de l'[[Organisation mondiale du commerce|OMC]], qui encourage les États à supprimer leurs barrières douanières. Il est aussi nécessaire que la productivité par employé du pays où le coût du travail est plus faible ne soit pas elle aussi trop faible.
 
Des [[multinationale]]s peuvent avoir tendance à procéder à la [[délocalisation]] de leurs activités dans les pays dont les cotisations sociales et salaires directs sont les plus faibles.
 
=== Pavillons de complaisance dans le domaine maritime ===
{{Section à sourcer|date=juin 2020}}
La raison d'être des [[pavillon de complaisance|pavillons de complaisance]] est de permettre aux armateurs d'employer des salariés sans être soumis aux règles locales de [[droit du travail]] et de mesures de sécurité (état du navire, nombre et type d'équipements de sauvetage, etc.).
 
Cela explique pourquoi la grande majorité des navires actuels sont immatriculés sous ces pavillons, ainsi que l'augmentation importante des effectifs malaisiens ou turcs sur les navires, parallèlement à la baisse des effectifs occidentaux, souvent mieux payés.
 
=== Au sein de l'Union européenne ===
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« Une conséquence des différences de [[coût du travail]] est le risque d'une menace de ''dumping'' social. Comme conséquence de ce qu'on a appelé 'concurrence des régimes sociaux' entre états membres, les gouvernements nationaux subiront une pression pour réduire leurs standards sociaux et du marché du travail, afin de diminuer les problèmes de couts salariaux indirects sur les entreprises »<ref>[http://www.eurofound.eu.int/areas/industrialrelations/dictionary/definitions/SOCIALDUMPING.htm Texte sur les risques de ''dumping'' social au sein de l'Union Européenne, sur le site European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions, organisme créée par l'Union Européenne].</ref>.
 
Les députés européens et les gouvernements des pays de l'Est, visés par la critique du dumping social <ref>[https://www.bfmtv.com/politique/le-dumping-social-risque-de-provoquer-un-demantelement-de-l-ue_VN-201708240098.html Le dumping social risque de provoquer un "démantèlement de l'UE"], BFMTV, 24 août 2017.</ref> se sont de leur côté élevés contre ce qu'ils voient comme un [[protectionnisme]] des pays de l'Europe de l’Ouest, avec les polémiques sur le [[plombier polonais]] et la [[directive Services]]. [[Nicolas Dupont-Aignan]], fondateur du parti [[Debout la France]], estime qu'en Europe {{Citation|on ne peut pas construire quelque chose de sérieux parce qu'on est dans le dumping fiscal et social permanent}}<ref>[https://www.ouest-france.fr/elections/europeennes/europeennes-ce-qu-il-faut-retenir-du-dernier-debat-televise-tendu-de-la-campagne-sur-bfm-tv-6365374 Européennes. Ce qu’il faut retenir du dernier débat télévisé (tendu) de la campagne sur BFM TV], ''Ouest France'', 28 mars 2024.</ref>. La comparaison du cout du travail horaire entre la France, la Tchéquie, la Bulgarie et la Roumanie faisant apparaitre des différences trois fois supérieures entre l'Hexagone et le moins disant social<ref>[https://www.youtube.com/watch?v=ECXALKPETr0 Franc-parler : le dumping social est-il une valeur de l’Union européenne ? ], sur ''Reprenons Le Contrôle !'', 30 mai 2024.</ref>.
Les députés européens et gouvernements des pays de l'Est se sont de leur côté élevés contre ce qu'ils voient comme un [[protectionnisme]] des pays de l'Europe de l’Ouest. Voir les articles [[plombier polonais]] et [[Directive Services|directive services]].
 
Pour exemple, auAu niveau international, la Chine a été accusé par l'Union Européenne de dumping social dans le secteur du photovoltaïque. Des mesures ont été prises par l'Union Européenne qui a fixé un prix minimum sur les panneaux photovoltaïques importés de Chine <ref>Anne Feitz, [https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/021395638521-electricite-le-solaire-photovoltaique-devient-competitif-en-france-1164320.php importésElectricité : dele Chinesolaire photovoltaïque devient compétitif en France], '''Les Échos'', 11 octobre 2015.</ref> pour assurer une compétitivité qui ne nuit pas aux fabricants européens.
 
==== Devant la Cour de Justice de l'Union européenne ====
Trois affaires (affaires Viking, Rüffert et Laval{{Référence nécessaire}}) furent portées devant la Cour de Justice de l'Union européenne qui légitima la primauté de la libre prestation de service sur la protection du travailleur : dans ces trois affaires, l'égalité de traitement entre deux travailleurs de nationalités différentes fut jugée de nature à entraver la liberté garantie par l'article 56 du [[Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne|TFUE]], la protection étant jugée dans les trois cas soit disproportionnée au but poursuivi, soit déjà garantie dans l'État de résidence des travailleurs. Un dumping social n'était de ce fait pas reconnu dans ces trois cas par la [[Cour de justice de l'Union européenne|CJUE]]. La concurrence ainsi faussée pesant sur les entreprises des [[pays développés]] entraîne une pression à la diminution de l'[[emploi]] dans certains secteurs de l'industrie des [[pays développés]]. L'exemple le plus connu est celui de [[Swatch]] : une enquête ayant montré que le client moyen était prêt à payer jusqu'à 11 % de plus pour une montre suisse, son fondateur, [[Nicolas Hayek]], demanda à ses ingénieurs de concevoir une montre au surcoût inférieur à 11 %. Ainsi, les montres Swatch restaient compétitives.
 
=== Étude du cas français ===
{{Section à sourcer|date=juin 2020}}
[[Fichier:indice-production-habillement-cuir-CVS-CJO.png|250px|left|thumbvignette|Indice de la production dans le secteur habillement/cuir entre 1990 et 2005, base 100 en 2000. Source Insee.]]
Le concept de ''dumping'' social est essentiellement utilisé par les responsables politiques et syndicaux. Ainsi, un représentant syndical expliquait en 2001, que dans le secteur de l'habillement :
{{Citation bloc|La moitié des emplois ont disparu, et suivant les règles mises en œuvre dans le secteur du commerce mondial, je pense au sommet de Doha, on va continuer à développer le commerce et les productions sur la base d’un ''dumping'' social. C’est le moins-disant social, celui qui coûtera le moins cher, celui qui imposera les conditions de travail les moins évoluées, la protection la plus réduite qui, dans l’avenir, fera référence et emportera les marchés de production<ref>Jean Morawski, [https://web.archive.org/web/20041123103454/http://www.humanite.presse.fr/journal/2001-12-08/2001-12-08-254775 « Un rassemblement national des salariés du textile a réuni plus de 1 500 salariés le 5 décembre à Autun »], ''L'Humanité'', 8 décembre 2001.</ref>.}}
 
Cette {{non neutre|rhétorique}} n'est pas partagée par {{qui|la plupart des [[économiste]]s}}, qui mettent en avant les nombreux nouveaux emplois créés dans les [[pays développés]], l'augmentation du niveau moyen des [[salaire]]s des employés, et le [[progrès technique]] qui permettent de produire plus avec autant d'employés. Dans le cas de la France, ils attribuent les échecs économiques à des échecs de la politique nationale.
 
Bien qu'il n'emploie jamais l'expression de ''dumping'' social, l’[[Institut national de la statistique et des études économiques|Insee]] produit des rapports sur l'emploi et la production<ref>''L’Économie française'', Comptes et dossiers 2005-2006, Rapport sur les comptes de la Nation de 2004, page 10, Collection Références, Insee. {{pdf}} [http://www.insee.fr/fr/ppp/comm_presse/comm/cphcdpef05.pdf en ligne]</ref> :
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Toutefois, les causes de disparition de l'emploi ne proviennent pas forcément du ''dumping'' social. Il existe des secteurs où les progrès de la mécanisation permettent de supprimer du travail humain, comme le secteur des biens de consommations, où depuis 1980, 46 % des emplois ont disparu, alors que la production a augmenté dans le même temps. Dans certains cas, et en particulier l'industrie textile, il est probable que les emplois délocalisés dans les pays du tiers monde auraient de toute façon disparu. Le choix des facteurs de production ne révélerait pas d'une concurrence entre travailleurs du Sud et travailleurs du Nord, mais plutôt entre automates ou machines du Nord et main-d'œuvre du Sud.
 
=== Étude du cas luxembourgeois ===
== Au sein d'une même zone géographique ==
Le [[Luxembourg]] est victime de dumping social en raison de ses coûts du travail relativement faibles par rapport à d'autres États de l'Union européenne<ref>Maslauskaitė, K. (2013). ''Concurrence sociale dans l’UE : mythes et réalités''. Notre Europe – Institut Jacques Delors, Études et Rapports. p.11</ref>. Lors du Sommet social du [[Benelux]] en 2014, l'ancien Premier ministre luxembourgeois [[Xavier Bettel]], accompagné de [[Nicolas Schmit]], alors ministre du Travail, a débattu des enjeux liés au respect des dimensions sociales du marché intérieur. Ensemble, ils ont convenu de mettre en œuvre des mesures immédiates pour préserver les acquis sociaux. Bettel a souligné : « la libre circulation est un des fondements de l’Union européenne ; cependant, ça ne doit pas être une excuse pour exploiter les plus faibles. Un autre aspect est celui de la concurrence déloyale, qui nuit aux Petites et moyennes entreprises. Pour nous, il était donc important de prendre ce sujet très au sérieux et en tant que Benelux, nous voulons donner l’exemple »<ref>''Xavier Bettel et Nicolas Schmit au Sommet social Benelux consacré à la lutte contre le dumping social et aux possibilités de protéger les salariés contre toutes les formes d’abus en matière sociale dans le cadre du Benelux et de l’UE - Europaforum Luxembourg - Février 2014''. (o. J.). Public.lu. URL: <nowiki>https://europaforum.public.lu/fr/actualites/2014/02/benelux-sommet-social/index.html</nowiki> (consulté le 26.10.2024)</ref>. L’ancien Premier ministre affirme sa volonté de lutter contre le dumping social, bien que le Luxembourg reste accusé d’y recourir.
{{Section à sourcer|date=juin 2020}}
Le ''dumping'' social peut avoir lieu entre entreprises d'un même pays, où certaines ont des pratiques sociales moins coûteuses que d'autres : avantages sociaux moindres dans certaines entreprises, contributions moins élevées au [[Comité d'entreprise]], emploi de travailleurs clandestins etc.
 
==== Le Luxembourg en chiffres ====
Le ''dumping'' social peut aussi avoir lieu entre employés, notamment en période de chômage, lorsque certains acceptent des salaires plus faibles et sont plus [[flexibilité des ressources humaines|flexibles]], en acceptant d'être plus souple sur ses jours et horaires de travail, de renoncer à être payé pendant les heures supplémentaires, de ne réclamer aucune augmentation, de venir alors qu'un arrêt maladie aurait dû être prescrit, de faire moins de jours de grève, d'éviter d'exercer ses droits syndicaux etc.
En 2023, l’Inspection du travail et des mines (ITM) a recensé 145 036 travailleurs détachés, tandis que seulement 68 514 déclarations de détachement ont été enregistrées. Au cours de la même année, l’ITM a mené 182 contrôles, révélant que 334 salariés ne disposaient pas de contrat de travail. Les infractions constatées portaient principalement sur l’absence des examens médicaux obligatoires à l’embauche et le non-paiement des salaires mentionnés sur les fiches de paie<ref>Hamma, M. ''Des amendes en hausse et un phénomène de dumping social''. Paperjam.lu. URL: <nowiki>https://paperjam.lu/article/amendes-en-hausse-et-phenomene</nowiki> (consulté le 01.12.2024)</ref>.  Il est difficile de quantifier les cas de fraude au Grand-Duché, puisque le "chiffre noir" reste incertain. Selon Marco Boly, directeur de l’ITM, le dumping social touche pratiquement tous les secteurs, avec une concentration dans  l’[[horeca]] et la construction<ref>de Queirós Azeredo Pontes, A. M. V. (2024, 6 mars). « Environ 10 % des travailleurs de la construction sont victimes d’accidents du travail », selon l’ITM. ''Virgule''. <nowiki>https://www.virgule.lu/luxembourg/environ-10-des-travailleurs-de-la-construction-sont-victimes-d-accidents-du-travail-selon-l-itm/9037935.html</nowiki> (consulté le 01.12.2024)</ref>.
 
==== Cadre juridique ====
La [[Cour de justice de l'Union européenne|Cour de justice de l'Union européenne (CJUE)]] reproche au Luxembourg de ne pas avoir respecté les dispositions de la loi de 2002 relative à la directive 96/71/CE du [[Parlement européen]] et du [[Conseil européen|Conseil]], concernant le détachement de travailleurs. Le Grand-Duché a transposé de manière incomplète les dispositions de l’article 3 sur les conditions minimales d’emploi, ainsi que les articles 49 CE et 50 CE relatifs à la libre prestation de services au sein des États membres de l’Union européenne. Les affaires ''Commission contre Luxembourg, Laval, Rüffert et Viking'' sont regroupées sous la dénomination de « quatuor Laval » et ont été traitées par la Cour de justice de l’Union européenne en 2007 et 2008<ref>Malmberg, J. (2010). LES RÉPERCUSSIONS DES ARRÊTS DE LA CJE DANS LES AFFAIRES VIKING, LAVAL, RÜFFERT ET LUXEMBOURG SUR LA PRATIQUE DE LA CONVENTION COLLECTIVE ET L’EFFICACITÉ DE L’ACTION SOCIALE. PARLEMENT EUROPEEN - DIRECTION GÉNÉRALE DES POLITIQUES INTERNES DÉPARTEMENT - THÉMATIQUE A: POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET SCIENTIFIQUES. p.4</ref>.
 
==== Exemples : Uber et Bolt ====
L’arrivée du groupe [[Uber]] au Grand-Duché a suscité de nombreuses controverses, car la société est accusée de recourir au dumping social pour se créer des avantages sur les cotisations de protection sociale. Cela engendre une concurrence déloyale et menace les autres entreprises de taxis<ref name="ref_auto_1">Syndicat Transport sur Route & Navigation/ACAL de l’OGBL. (2024). Uber, symbole du dumping social, arrive au Luxembourg — L’OGBL exige des garanties pour les travailleurs.</ref>. Peu de temps après, la multinationale [[Bolt (entreprise)|Bolt]] annonce son arrivée au Luxembourg, étant connue pour ses pratiques de dumping social et de recours à de faux indépendants<ref>L’OGBL s’oppose à toute dégradation des conditions de travail dans le secteur des taxis ! (2024, 28 juin). ''OGBL'', URL: <nowiki>https://www.ogbl.lu/communique/logbl-soppose-a-toute-degradation-des-conditions-de-travail-dans-le-secteur-des-taxis/?parent_id=5951</nowiki> (consulté le 03.12.2024)</ref>. La [[Confédération syndicale indépendante du Luxembourg|Confédération syndicale indépendante du Luxembourg (OGBL)]] aborde le sujet en demandant des contrôles plus stricts et réguliers pour empêcher de telles pratiques de concurrence déloyale<ref name="ref_auto_1" />.
 
== ''Dumping'' social et emploi : ce qu’en pensent les économistes ==
Selon une étude publiée par l’Insee<ref>« Le contenu en emplois des échanges industriels de la France avec les pays en développement », ''Économie et Statistiques'', 1994, n°279-280.</ref>, le commerce français avec les pays en voie de développement aurait provoqué au maximum une perte de {{formatnum:330000}} emplois, chiffre relativement faible au vu du chômage du pays, mais ces calculs sont contestés. Ainsi pour l’économiste américain A. Wood<ref>{{en}} A. Wood, « North-South trade, employment and inequality ».</ref>, les échanges auraient provoqué la perte de 9 millions d’emplois dans les pays développés et en auraient créé 22 millions dans les pays en développement.
 
Si {{qui|quelques économistes}} soulignent le lien entre ouverture commerciale et montée des inégalités, nombreux sont ceux qui proposent une contre-analyse visant explicitement renverser le concept de ''dumping'' social. C’est notamment l’analyse de [[Paul Krugman]] dans ''La mondialisation n’est pas coupable,'' qui croit que l’idée que la croissance des inégalités serait liée à une concurrence déloyale des pays à bas salaires relève de la « théorie pop[ulaire] du commerce international » (« ''pop internationalism'' » en anglais). Il explique que l’intérêt des politiques à prêter leur voix à de telles théories n’est qu’électoral etpréciseet précise que la plupart des ouvrages traitant de ce sujet ou de la « guerre économique » sont l’œuvre d’essayistes et non d’économistes et sont vendus grâce à leurs thèses faciles, qui alimentent l’imaginaire populaire :
Cette démonstration du lien entre commerce international et chômage dans les pays riches repose essentiellement sur les théories du [[libre-échange]] (le [[modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson]]), n’ayant aucun lien avec le concept du ''dumping'' social, tout lien étant d’ailleurs anachronique, l'interprétation devant normalement souligner les apports positifs des échanges internationaux. Selon ce modèle, les pays se spécialiseraient dans les activités qui requièrent abondamment le facteur de production dont elles sont le mieux dotées. Les pays pauvres se spécialiseront donc, par exemple, dans les productions de main d’œuvre, et les pays riches le font dans les productions nécessitant beaucoup de capital ou de savoir-faire. Selon [[Wolfgang Stolper]] et [[Paul Samuelson]], le résultat de cette évolution est d’égaliser le salaire tiré d’un même travail à travers le monde, ce qui pourrait expliquer la chute des salaires dans l’industrie manufacturière aux États-Unis et le chômage dans les pays où les salaires sont rigides à la baisse (comme en France). La défense libérale de ce phénomène repose sur deux arguments : il permet un accroissement de la richesse mondiale, et il serait légitime de corriger les différences de revenus entre travailleurs du Nord et du Sud, les salaires de ceux-ci devant augmenter.
 
Ce raisonnement peut prendre en compte d’autres distinctions que celle entre travailleurs qualifiés et peu qualifiés. De fait, même les promoteurs du concept de ''dumping'' social savent changer de point de vue selon ces distinctions. {{qui|Certains [[altermondialisme|alter mondialistes]]}} se révèlent, par exemple, favorables au ''dumping'' social sur la question agricole tout en le condamnant dans le secteur industriel. Ainsi, le facteur abondant des pays pauvres, les agriculteurs, est peu rémunéré, et ceux peu nombreux des pays riches sont protégés des effets du libre-échange par de fortes subventions étatiques. Selon le raisonnement déjà décrit, on peut prévoir que la disparition de ces protections entraînerait une hausse des revenus des agriculteurs du Sud et une chute des profits de ceux du Nord. Ce point est naturellement une source de conflits au sein de l’OMC, où les grandes puissances agricoles ([[États-Unis]] et [[Union européenne]] en tête) défendent les subventions à leurs agriculteurs.
 
Si {{qui|quelques économistes}} soulignent le lien entre ouverture commerciale et montée des inégalités, nombreux sont ceux qui proposent une contre-analyse visant explicitement renverser le concept de ''dumping'' social. C’est notamment l’analyse de [[Paul Krugman]] dans ''La mondialisation n’est pas coupable,'' qui croit que l’idée que la croissance des inégalités serait liée à une concurrence déloyale des pays à bas salaires relève de la « théorie pop[ulaire] du commerce international » (« ''pop internationalism'' » en anglais). Il explique que l’intérêt des politiques à prêter leur voix à de telles théories n’est qu’électoral etprécise que la plupart des ouvrages traitant de ce sujet ou de la « guerre économique » sont l’œuvre d’essayistes et non d’économistes et sont vendus grâce à leurs thèses faciles, qui alimentent l’imaginaire populaire :
{{Citation bloc|Selon cette idée reçue, la concurrence étrangère a érodé la base manufacturière américaine et détruit les emplois bien rémunérés […] Un faisceau croissant de preuves vient contredire cette idée courante […] Le ralentissement de la croissance du revenu réel est presque entièrement imputable à des causes internes<ref>Paul Krugman, ''La Mondialisation n’est pas coupable'', La Découverte/Poche, Essais, p. 48.</ref>.}}
 
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Que faut-il donc faire ? Selon Reich, il ne faut absolument pas chercher à protéger les marchés nationaux, comme le voudraient les tenants de la théorie du ''dumping'' social, mais peut-être organiser un contrôle international des investissements à l’étranger afin de prévenir les pratiques déloyales. Il faut subventionner les entreprises investissant sur le sol national (américaines ou non), mais il faut aussi aider les pays en voie de développement et surtout redonner son importance à l’État afin qu’il soit à même d’accroître les savoir-faire et d’améliorer le système éducatif afin de développer les aptitudes des individus sans qualifications.
 
== LeDumping débatsocial auet seindroits de l’OMCl'homme ==
Face à la vigueur de la polémique, il semble difficile de conclure sur le sujet. En fait laLa notion de ''dumping'' social suscite davantage de questions qu’elle n’apporte de réponse :
{{Section à sourcer|date=juin 2020}}
 
=== Contexte ===
Le phénomène de diminution massive de l'emploi depuis les années 1970 dans certains secteurs de l'industrie des [[pays du Nord]] inquiète les salariés concernés et les syndicats les représentant qui dénoncent une concurrence déloyale des pays du Sud. Ce phénomène coïncide avec un renversement de positions au sein des négociations du [[General agreement on tariffs and trade|GATT]] durant les années 1980. Alors que le [[protectionnisme]] était auparavant défendu par les pays pauvres en tant que politique de développement économique basée sur la substitution d’importations, ce sont désormais les pays du Nord qui souhaitent que l’accès à leurs marchés nationaux ne se fasse qu’à la condition d’une amélioration des conditions de travail et des salaires dans les pays du Sud. Ainsi, dès les négociations de l’''[[Uruguay Round]]'', la création de normes internationales en matière d’environnement et de travail a été abordée, et ce afin de prévenir une course à la dégradation des salaires et des systèmes de [[protection sociale]].
 
=== Oppositions ===
Au sein de l’[[Organisation mondiale du commerce|OMC]], les gouvernements occidentaux ont parfois imposé des sanctions commerciales, justifiées par la référence à la « clause sociale », à certains pays pauvres. En 1994, alors que vont être signés les accords finaux de l’''Uruguay Round'' qui donnent naissance à l’OMC, la [[France]] et les [[États-Unis]] ont fait valoir que le commerce international ne devait pas profiter à certains États du tiers monde, qui faussaient la concurrence grâce à des avantages indus. On a par exemple cité l’inexistence de la législation du travail et de la protection sociale, le travail des enfants ou des prisonniers.
 
Pour les États libéraux, comme le [[Royaume-Uni]], une telle critique va à l’encontre des principes du libre-échange et du GATT car elle revient à imposer des conditions sur l’origine du produit et sur sa production, alors qu’en réalité, c’est justement là que doit s’exprimer la concurrence. Pour les pays du Sud, les propositions de la France et des États-Unis relèvent d’un protectionnisme déguisé et non d’un humanisme désintéressé<ref>Cette critique s’adresse à toutes les clauses de l'OMC à caractère moral : ainsi a-t-on vu les États-Unis tenter de protéger les pêcheurs américains de l’importation de thon mexicain en invoquant la « clause écologique » : les filets mexicains attrapent un quart de dauphins en plus par rapport aux filets américains. L'OMC donnera tort aux États-Unis.</ref>. Comment peut-on leur imposer des conditions extrêmement coûteuses alors qu’ils connaissent déjà un retard de développement de plusieurs décennies, voire davantage. Au début du {{s-|XX}}, le gouvernement français faisait encore tirer sur les grévistes alors que le pays avait déjà atteint un niveau de développement bien supérieur à celui de nombreux pays en développement actuels. La [[Commission européenne]] a refusé cet argument en 1996 en estimant :
{{Citation bloc|Certaines pratiques, comme l’interdiction de la liberté d’association ou le travail forcé, ne peuvent être justifiées en termes de niveau de développement économique.}}
 
Il reviendrait alors à l’OMC de mettre en place et de contrôler les conditions de travail dans les pays pauvres afin de les empêcher de développer un commerce jugé inéquitable par les pays riches. Les pays pauvres ont réussi à s’opposer à des telles velléités.
 
Face à la vigueur de la polémique, il semble difficile de conclure sur le sujet. En fait la notion de ''dumping'' social suscite davantage de questions qu’elle n’apporte de réponse :
{{Citation bloc|Pour les défenseurs intransigeant des droits de l’homme, il faut boycotter les produits fabriqués dans des conditions ne respectant pas ces règles (par exemple, ne pas acheter des vêtements faits par des enfants). Mais surgissent des dilemmes : les premiers punis ne sont-ils pas les enfants, privés d’un emploi dont leurs familles attendent impatiemment le salaire, même misérable ? Suffit-il de décréter, à des milliers de kilomètres, que telle ou telle attitude est scandaleuse pour qu’elle disparaisse<ref>Philippe Moreau Defarges, ''La Mondialisation'', coll. Que sais-je ?, puf, {{6e|édition}}, 2005, p. 95.</ref> ?}}
 
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== Annexes ==
=== Articles connexes ===
* [[Directive Services]] (Ex-''Projet de Directive Bolkestein'', profondément remanié par le [[Parlement européen]])
* [[Taxe Lauré]] (qui selon ses promoteurs permettrait de lutter efficacement contre le ''dumping'' social)
* [[TVA sociale]] (une autre solution envisagée contre le ''dumping'' social)
* [[Immigration]]
* [[Paradis fiscal]]
* [[Altermondialisme]] (mouvement politique qui dénonce le ''dumping'' social des pays de l'Est, favorable cependant au ''dumping'' agricole par rapport aux pays du Sud)
* [[Concurrence fiscale]]
 
=== Bibliographie ===
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* ''[http://www.voiretagir.org/OUVRIERES-DU-MONDE.html Ouvrières du Monde]'' (2000), reportage de Marie-France Collard, de la [[RTBF]] et [[ARTE]], sur la fermeture d'usines en Europe et la sous-traitance de la firme des Jeans [[Levi Strauss and Co.|Levi's]] en Turquie et en Asie du Sud-Est.
* Quelques films listés dans l'article [[filmographie de l'altermondialisme]].
 
=== Articles connexes ===
* [[Directive Services]] (Ex-''Projet de Directive Bolkestein'', profondément remanié par le [[Parlement européen]])
* [[Taxe Lauré]] (qui selon ses promoteurs permettrait de lutter efficacement contre le ''dumping'' social)
* [[TVA sociale]] (une autre solution envisagée contre le ''dumping'' social)
* [[Immigration]]
* [[Paradis fiscal]]
* [[Altermondialisme]] (mouvement politique qui dénonce le ''dumping'' social des pays de l'Est, favorable cependant au ''dumping'' agricole par rapport aux pays du Sud)
* [[Concurrence fiscale]]
* ''[[Désubériser]]''
 
=== Liens externes ===
* {{AutoritéLiens}}
* {{Dictionnaires}}
* {{Bases}}
* {{fr}} {{pdf}} [http://www.assemblee-nationale.fr/europe/rap-info/i2423.pdf ''Le dumping social en Europe''], rapport parlementaire français
* {{en}} [http://www.cepr.org/press/LM1425PR.htm Texte sur les risques de ''dumping'' social au sein de l'Union européenne], sur le site du CERP
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[[Catégorie:Théorie économique]]
[[Catégorie:TravailStratégie d'entreprise]]
[[Catégorie:Précarité]]
[[Catégorie:Terme syndical]]
[[Catégorie:Expression ou néologisme politique]]
[[Catégorie:Pratique anticoncurrentielle]]