« Grand opéra » : différence entre les versions
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== Les origines ==
[[image:moise1.jpg|vignette|gauche|Décors de l’acte I du ''[[Moïse et Pharaon]]'' de [[Rossini]] pour l’[[Opéra Le Peletier|Académie royale de musique]] en 1827]]
[[Paris]], au tournant du {{s-|XIX|e}}, attirait de nombreux compositeurs, français comme étrangers, essentiellement d'opéras. Plusieurs auteurs italiens de cette période comme [[Luigi Cherubini]] démontrèrent que l'usage du [[récitatif]] était adapté à la puissance des drames qui avaient été écrits. D'autres, comme [[Gaspare Spontini]], écrivirent des œuvres à la gloire de [[Napoléon Ier|Napoléon]]. Ces opéras étaient composés dans une large mesure à l'attention de l'Empereur. D'autres facteurs qui conduisirent à la suprématie parisienne des spectacles d'opéra tenaient à la faculté de l'Opéra de Paris de monter des œuvres considérables, de recruter d'éminents peintres de scène, décorateurs et techniciens, et à la longue tradition du ballet français et de la mise en scène : le théâtre avait dans ses rangs des metteurs en scène et des décorateurs innovants comme [[Henri Duponchel]], [[Pierre-Luc-Charles Ciceri|Pierre-Luc-Charles Cicéri]] (auquel on doit le premier spectacle éclairé au gaz : ''Aladin ou la lampe merveilleuse'' de [[Nicolas Isouard]] en [[1823 en musique classique|1823]]) ou [[Jacques Daguerre]] (inventeur du ''[[Diorama]]'', il supprima l'ancien système italien des châssis qui empêchait les effets de perspective).
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[[Image:Mose in Egitto.jpg|vignette|Décors de l’acte III de ''Moïse et Pharaon''.]]
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== Le ballet dans le grand opéra ==
[[Fichier:Edgar Germain Hilaire Degas 010.jpg|vignette|gauche|[[Edgar Degas]], ''[[Musiciens à l'orchestre]]'' (
L'une des caractéristiques du grand opéra tel qu'il a été développé à Paris autour de [[1830 en musique classique|1830]] est constituée par la présence d'un grand [[ballet]] placé au début du troisième acte. Cette exigence n'était pas liée à des considérations esthétiques mais à la satisfaction de la demande des aristocratiques et richissimes mécènes, plus intéressés par les danseuses que par l'opéra et qui ne voulaient pas voir leurs habitudes dînatoires perturbées. Le ballet devenait donc un important élément du prestige social de l'opéra<ref>Voir Crosten, pp. 31-32.</ref>. Les compositeurs qui refusaient de se plier à cette tradition pouvaient en souffrir les conséquences comme [[Richard Wagner]] avec sa tentative de monter une révision de ''[[Tannhäuser (opéra)|Tannhäuser]]'' sous la forme d'un grand opéra à Paris en [[1861 en musique classique|1861]], qui dut être retiré de l'affiche après trois représentations, en partie parce que le ballet se trouvait au premier acte.
Auber a composé un ballet destiné à être intercalé au troisième acte de ''Don Giovanni'' de Mozart.
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Dans les années 1860, le goût pour le grand style était de retour avec ''[[La Reine de Saba (Gounod)|La Reine de Saba]]'' de Charles Gounod. Elle fut cependant rarement donnée en entier (le grand aria pour ténor {{Citation|Inspirez-moi, race divine}} fut immortalisé sur cylindre par [[Enrico Caruso]]). Le grand Meyerbeer mourut le {{Date|2|mai|1864|en musique classique}}. Son ''[[L'Africaine|Africaine]]'' fut donc représentée à titre posthume en 1865. Giuseppe Verdi revint à Paris pour ce que beaucoup considèrent toujours comme le plus important des grands opéras français, l'immortel ''[[Don Carlos (opéra)|Don Carlos]]'' (1867). ''[[Le Roi de Lahore]]'' de [[Jules Massenet]] est estimé par Grove comme {{Citation|le dernier grand opéra à avoir eu un succès remarquable}}<ref>Grove, ''Opera''</ref>. [[Ambroise Thomas]] donna ce style à son ''[[Hamlet (opéra)|Hamlet]]'' en 1868, et finalement, pour conclure la décennie, le ''Faust'' revisité était représenté à l'Opéra de Paris dans sa forme grand opéra. Gounod a ajouté un ballet et des morceaux à Roméo et Juliette originairement créé à l'opéra-comique en 1867 et qui intégra sous cette nouvelle forme l'opéra de Paris en 1888.
Il ne faut néanmoins pas oublier les dernières grandes productions de Fromental Halévy que sont ''[[Le Juif
Pour l'anecdote, mentionnons qu'Adolphe Adam s'est aussi essayé au Grand Opéra avec ''Richard en Palestine'' et ''Le Fanal''.
=== Les dernières années ===
Durant les années 1870 et 1880, une nouvelle génération de compositeurs français continua à produire à grande échelle des œuvres dans la tradition du grand opéra mais souvent en dépassant les frontières du mélodrame. L'influence des opéras de [[Richard Wagner]], malgré l'échec de ''[[Tannhäuser (opéra)#Représentations de Paris, 1861|Tannhäuser]]'' à l'[[Opéra Le Peletier|Opéra de Paris]] en 1861, commençait à se ressentir mais il est difficile de dire si ces œuvres peuvent être ou non qualifiées de grands opéras. [[Jules Massenet]] a au moins deux importantes œuvres historiques à son crédit (''[[Le Roi de Lahore]]'' (Paris, 1877), et ''[[Le Cid (opéra)|Le Cid]]'' (Paris, 1885), sans parler de ''Ariane'' (1906), de ''Bacchus'' (1909) et du ''Mage'' (1891). On trouve également dans cette catégorie des opéras comme ''[[Polyeucte (
Citons également la ''Salammbô'' de Reyer d'après Flaubert recréé à Marseille il y a quelques années ou encore les grands opéras de [[Victorin de Joncières|Victorin Joncières]], ''Sardanapale, Dimitri''<ref>[http://www.nicolasdeshoulieres.fr/nicolasdeshoulieres.fr/Victorin_Joncieres.html Deshoulières, Nicolas], extrait d'une thèse de doctorat du Victorin [[Victorin de Joncières|Joncières]]</ref>, ''La Reine Berthe'' ou ''Lancelot''. ''Gwendoline'' d'Emmanuel Chabrier créé à Bruxelles, de même que ''Jocelyn'' de [[Benjamin Godard]] (1888), avant ''Fervaal'' de Vincent d'Indy s'inscrivent également dans l'esthétique du Grand opéra à la française.
Si aucun extrait d'opéras de Gounod n'a été donné pour l'inauguration du Palais Garnier en 1875, c'est pour punir le compositeur d'avoir gagné l'Angleterre durant le conflit franco-prussien de 1870.
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* le mépris des partisans de l'opéra wagnérien pour la forme
Les coûteux décors du grand opéra, qui demandait aussi des chanteurs très chers {{Incise|''Les Huguenots'' était connu comme {{Citation|la nuit des sept étoiles}} parce qu'il requérait sept artistes de haut niveau}} expliquent sa vulnérabilité économique face au nouveau répertoire. Il perdit donc la place d'honneur à l'Opéra de Paris (particulièrement lors de la destruction par le feu de nombreux décors originaux vers la fin du {{s-|XIX|e}}). Cependant d'
Dans le même temps, Wagner attaquait le grand opéra dans ''Das Judentum in der Musik'' (''Les Juifs dans la musique'') et plus spécifiquement dans son essai ''Oper und Drama'' (''Opéra et Drame''). Avec l'influence montante de la musique et des idées wagnériennes, plusieurs compositeurs français, notamment [[Vincent d'Indy]], [[Ernest Chausson]], et [[Gabriel Fauré]], commençaient à suivre Wagner avec des œuvres comme respectivement ''[[Fervaal]]'', ''[[Le Roi Arthus]]'' et ''[[Pénélope (opéra)|Pénélope]]''.
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=== Aujourd'hui ===
Aujourd'hui, ces œuvres sont rarement données, tant leur longueur et le coût de leur mise en scène est prohibitif, y compris pour les plus grandes [[opéra|maisons d'opéra]]. Elles ont toutefois été ressuscitées par le disque et beaucoup revivent dans les festivals et certaines maisons d'opéra en région comme le [[Théâtre impérial de Compiègne]].
Peuvent encore se rattacher à l'esthétique du grand opéra français des œuvres comme ''Vercingétorix'' de [[Joseph Canteloube]] (1923), ''Polyphème'' de [[Jean Cras]] ou ''Don Quichotte'' de Massenet (1910), voire sa posthume ''Cléopâtre'' créée en 1914.
Certaines œuvres de Donizetti appartenant au grand opéra ont été enregistrées par le label [[Opera Rara]], comme [[Dom Sébastien, roi de Portugal|Dom Sébastien, Roi de Portugal]] ou [[Les Martyrs (Donizetti)|Les Martyrs]].
== Hors de France ==
=== Italie ===
[[Image:Aida cast - cropped.jpg|vignette|''[[Aïda (opéra)|Aida]]'' de Giuseppe Verdi : succès du grand opéra sur la scène [[La Scala|milanaise]].]]
Le grand opéra français était généralement bien reçu en Italie où il était évidemment toujours donné dans une traduction italienne. Pour l'anecdote, laquelle a été rapportée par [[Gabriel Pierné]] dans sa correspondance, lorsque ''La Reine de Chypre'' a été donnée en Italie, le refrain « Vive la France » a été traduit en « Vive l'Italie ».
Les opéras italiens intégrant un ballet ont commencé à devenir relativement courants à la fin des années 1860 et dans les années 1870. Certains comme ''[[Il Guarany]]'' d'[[Antônio Carlos Gomes]] furent désignés par les termes d'{{Citation|opéra-ballet}} (c'est-à-dire d'opéra dansé), d'autres non, comme ''[[La Gioconda (opéra)|La Gioconda]]'' d'[[Amilcare Ponchielli]] bien que leur description les range dans cette classification. Ils constituent une évolution du grand opéra. Déjà, ''Armide'' de Rossini (1817) comportait un ballet qui clôturait le deuxième acte et dont des fragments ont été réutilisés pour le ballet de ''Moïse et Pharaon'' (1827) et celui d{{'}}''Otello'' composé après coup par Niedermeyer pour sa création parisienne. [[Michele Carafa]] a ajouté un ballet de son cru pour la création parisienne de ''Sémiramis'' (1861).
L'''[[Aïda (opéra)|Aida]]'' de [[Giuseppe Verdi]] malgré seulement quatre actes, correspond à bien des égards à la forme grand opéra. L'action se situe dans un cadre historique, traite du {{Citation|choc des cultures}} et est aussi bien illustrée par plusieurs ballets que par sa fameuse ''Marche triomphale''. Il connut un immense succès tant lors de sa première mondiale au Caire, qu'à Milan pour sa première italienne, entraînant dans son sillage certaines œuvres d'autres compositeurs comme Gomes (''[[Fosca]]'', 1873 et ''[[Salvator Rosa]]'', 1874), [[Filippo Marchetti]] (particulièrement ''[[Gustavo Wasa]]'', 1875) et Ponchielli (''[[I Lituani]]'', 1874 et ''La Gioconda'', Milan, 1876, revue en 1880, dont seule la musique du ballet ''La Danse des heures'' est restée dans les mémoires).
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Les grands opéras français étaient régulièrement mis en scène par les maisons d'opéra allemandes ; un article de [[Richard Wagner]] dépeint les directeurs d'opéra allemands se précipitant à Paris pour tenter d'identifier le prochain succès<ref>Richard Wagner, ''A First Night at the Opera'', dans Robert Jacobs and Geoffrey Skelton, ''Wagner Writes from Paris'', Londres, 1973, pp. 163-164</ref>. Les représentations à [[Dresde]] du ''[[Le Prophète (opéra)|Prophète]]'' (en allemand) en 1850 furent l'occasion d'une série d'articles de [[Theodor Uhlig]], disciple de Wagner, condamnant le style de [[Giacomo Meyerbeer]] en attribuant son défaut d'esthétique à ses origines juives, et inspirant à Wagner sa diatribe antisémite ''[[Das Judenthum in der Musik]]''.
Meyerbeer était allemand de naissance mais orienta rapidement ses efforts vers sa réussite parisienne. ''[[Rienzi]]'', le premier succès de Richard Wagner (créé à Dresde en 1842) est totalement dans le style de Meyerbeer : Wagner était à cette époque un sincère admirateur de son aîné qui l'aida à organiser des représentations de ''Rienzi'' et du ''[[Le Vaisseau fantôme (opéra)|Fliegende Holländer]]'' à Dresde et à [[Berlin]]. Wagner attendit 1860/1861 pour refondre ''[[Tannhäuser (opéra)|Tannhaüser]]'' dans le style grand opéra ; c'est cette {{Citation|version de Paris}}, adaptée plus tard pour [[Vienne (Autriche)|Vienne]], qui est généralement produite aujourd'hui. ''[[Le Crépuscule des dieux (opéra)|Götterdämmerung]]'', comme le note [[George Bernard Shaw]]<ref>G. B.Shaw, ed. Dan Laurence, ''Shaw's Music'', 3 vols., Londres, 1981, vol. 3, p. 469</ref>, montre clairement des traces du retour de Wagner à la tradition du grand opéra ; ce pourrait être aussi le cas des ''[[Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg|Meistersinger]]''<ref>Voir Grove, ''Opera''.</ref>.
Si ''[[Ein Feldlager in Schlesien]]'', opéra de la période de maturité de Meyerbeer est effectivement un [[Singspiel]], son Acte II comporte certaines caractéristiques du grand opéra avec un ballet de présentation et une marche raffinée. Le compositeur en réutilisa la musique dans ''[[L'Étoile du Nord (opéra)|L'Étoile du Nord]]''.
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== Bibliographie ==
*{{en}} Mary Elizabeth C. Bartlet, « ''Grand opéra'' » in ''[[The New Grove Dictionary of Opera]]'', éd. [[Stanley Sadie]], Macmillan Publishers Limited, London, 1992 {{ISBN|0-333-73432-7}}
*{{en}} David Charlton, '' The Cambridge Guide to Grand Opera'', [[Cambridge University Press]], 2003
*{{en}} William Loren Crosten, ''French Grand Opera: an Art and a Business'', Columbia university, 1948
*Romain Feist, Marion Mirande, ''Le grand opéra 1828-1867 - Le spectacle de l'histoire'', catalogue d'exposition, Palais Garnier, Bibliothèque-musée de l'Opéra, du 24 octobre 2019 au 2 février 2020, Éditions Rmn-Grand Palais, Paris 2019 {{ISBN|978-2-7118-7405-7}}
*{{en}} Anselm Gerhard, ''The Urbanization of Opera: Music Theater in Paris in the Nineteenth Century'', University of Chicago Press, 1998
*{{en}} Steven Huebner, ''French Opera at the Fin de Siècle: Wagnerism, Nationalism, and Style'', [[Oxford University Press]], 1999
*{{fr}} Albert Soubies, ''Soixante-sept ans à l'Opéra en une page (1826-1893)'', Paris, 1893;
*{{fr}} Stéphane Wolff, ''L'Opéra au Palais Garnier (1875-1962)'', L'Entracte, Paris, 1962 - rééd. coll. Ressources, Champion-Slatkine, Genève, 1983 {{ISBN|2-05-000214-9}}
{{portail|musique classique|opéra}}
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