« Adaptation (biologie) » : différence entre les versions
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[[Image:Flickr - Rainbirder - High-rise living.jpg|vignette|upright|Une girafe mâle broutant les hautes branches d'un acacia grâce à son cou.]]
[[Image:Angry elephant ears.jpg|vignette|Les oreilles de l'éléphant sont une adaptation à la température.]]
[[Image:Pseudopleuronectes_americanus.jpg|vignette|Les deux yeux du même côté sont une adaptation des poissons plats.]]
[[Image:Six adaptations.jpg|vignette|Dessin au feutre montrant six adaptations de [[mammifère]]s au milieu aquatique, de la plus succincte ([[Mustelidae|mustélidé]] nageant occasionnellement) à la plus poussée ([[cachalot]] vivant exclusivement en mer) en passant par des variantes intermédiaires ([[loutre]], [[otarie]], [[phoque]], [[dauphin]]).]]
En [[biologie]], l{{'}}'''adaptation''' peut se définir d’une manière générale comme l’''ajustement fonctionnel de l’être vivant au milieu'', et, en particulier, comme l’''appropriation de l’organe à sa fonction''.
L’adaptation correspond à la mise en accord d'un organisme vivant avec les conditions qui lui sont extérieures. Elle perfectionne ses organes, les rend plus aptes au rôle qu’ils semblent jouer dans la vie de l’individu. Elle met l’organisme tout entier en cohérence avec le milieu.
En [[
== Le mot ==
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Jusqu’au {{XIXe siècle}}, les [[naturaliste]]s n’employaient pas le terme d’« adaptation » ; ils lui préféraient les mots de « convenance » et d’« harmonie ». Ce dernier reflète les idées [[finalisme|finalistes]] qui, alors étaient très majoritaires.
Dérivé
Il est souvent confondu avec « [[exaptation]] », ex « pré-adaptation ».
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Le zoologue systématicien [[Guillaume Lecointre]] distingue six situations :
« Dans la langue courante, le mot "adaptation" est entendu tantôt comme processus à l'œuvre dans les systèmes vivants, tantôt comme résultats concrets émanant de ce processus.
« D'autre part, et indépendamment de cette division, l'adaptation ou l'adjectif "adapté" sont indistinctement assignés soit à un trait particulier isolé, soit à un organisme entier mais pris individuellement, soit encore à l'espèce avec sa dimension populationnelle.
« En croisant ces deux prismes, six situations épistémologiques apparaissent.
Lorsque l'on considère l'échelle populationnelle et les relations interspécifiques, l'adaptation comme processus est un succès reproductif différentiel entre variants obtenu par sélection naturelle. L'adaptation comme résultat est un état dérivé de caractère conférant un avantage testable dans un milieu donné
== Les variantes de l'adaptation ==
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|+ Les quatre variantes de l'adaptation
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| align="center"|'''Structure''' <br> '''primitive''' ||align="center"| [[Préadaptation]] <br> ex :
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| align="center"|'''Structure''' <br> '''dérivée''' || align="center"| [[Transaptation]] <br>= perfectionnement <br> de la fonction globale<br>ex : œil des
|}
</center>
{{Citation|La [[coévolution]] conduit à la mise en place d'adaptations et de '''contre-adaptations''' chez les organismes impliqués dans des [[Interaction biologique|interactions]] [[Coévolution antagoniste|antagonistes]]}}<ref>{{ouvrage|auteur=Claire Tirard, Luc Abbadie, David Laloi, Philippe Koubbi|titre=Écologie|éditeur=Dunod|date=2016|passage=162}}</ref>.
== Les grands théoriciens ==
=== Bernardin de Saint-Pierre ===
{{Article détaillé|Bernardin de Saint-Pierre}}
[[Bernardin de Saint-Pierre]] est certainement celui qui a exprimé de la manière la plus naïve et caricaturale le finalisme anthropocentrique qui serait, selon lui, à l’œuvre dans la nature :
{{citation bloc|Il n’y a pas moins de convenance dans les formes et les grosseurs des fruits. Il y en a beaucoup qui sont taillés pour la bouche de l’homme, comme les cerises et les prunes ; d’autres pour sa main, comme les poires et les pommes ; d’autres beaucoup plus gros comme les melons, sont divisés par côtes et semblent destinés à être mangés en famille : il y en a même aux Indes, comme le jacq, et chez nous, la citrouille qu’on pourrait partager avec ses voisins. La nature paraît avoir suivi les mêmes proportions dans les diverses grosseurs des fruits destinés à nourrir l’homme, que dans la grandeur des feuilles qui devaient lui donner de l’ombre dans les pays chauds ; car elle y en a taillé pour abriter une seule personne, une famille entière, et tous les habitants du même hameau.|''Études de la nature'', {{chap.}}{{XI}}, sec. ''Harmonies végétales des plantes avec l’homme'', 1784.}}
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=== Jean-Baptiste de Lamarck ===
{{Article détaillé|Jean-Baptiste de Lamarck}}
{{...}}
Naturaliste français qui est l'un des premiers à élaborer une théorie sur l'apparition des êtres vivants par évolution naturelle.
=== Charles Darwin===
{{Article détaillé|Charles Darwin}}
{{...}}
La notion d’adaptation est au cœur de la [[Évolution (biologie)|théorie de l’évolution]] par [[sélection naturelle]] inventée par Charles Darwin (sous le terme anglais ''{{lang|en|fitness}}'', ou plus tard ''{{lang|en|adaption}}'').
=== August Weismann ===
{{Article détaillé|August Weismann}}
{{...}}
Biologiste prussien spécialisé dans le domaine de l'évolution biologique. Il est l'auteur de la théorie sur la continuité du [[plasma germinatif]].
=== Lucien Cuénot ===
[[Image:Le biologiste Lucien CUENOT (1866-1951).JPG|vignette|100px|[[Lucien Cuénot]] (1866-1951), professeur de zoologie à Nancy (France), ici en 1921.]]
{{Article détaillé|Lucien Cuénot}}
C'est pourquoi [[Lucien
{{citation bloc|L'adaptation est une effrayante question. […] Une adaptation est en réalité la solution d'un problème, exactement comme une machine ou un outil fabriqués par l'homme. […]
Reconnaître les adaptations en tant que faits n'est pas très difficile : c'est question de critique, d'observations ou d'expériences bien conduites ; mais ensuite l'esprit demande impérieusement à comprendre le mécanisme par lequel les êtres vivants ont été pourvus de ces adaptations. Depuis les premiers philosophes grecs les explications se sont succédé, causes finales de l'école aristotélienne, réaction utile de l'être au milieu de [[Lamarck]], sélection naturelle de [[Charles Darwin|Darwin]], etc. ; assurément, tout le monde est d'accord, maintenant, pour rechercher aux adaptations une explication causale, dans le domaine de l'investigation scientifique, mais même si nous connaissions une loi générale qui en rendît un compte satisfaisant, comme on l'a cru longtemps pour la théorie darwinienne, il se poserait encore une question suprême, que l'Homme ne peut éluder. Pourquoi cette loi générale ? pourquoi tout se passe-t-il comme si la Nature ''voulait'' la perpétuation de la Vie ? pourquoi cette finalité spéciale que la Vie impose à la Matière ? Par ces questions, nous entrons dans le domaine de la [[métaphysique]].}}
Évidemment, quand un être vit, prospère et se perpétue dans un milieu donné, sa structure et ses fonctions sont telles qu'elles permettent la vie ; autrement dit, il n'existe pas de désaccord entre elles et le milieu extérieur. Cette approximation autorise, à elle seule, à affirmer qu'il existe un minimum d'adaptation entre l'être organisé et son milieu.
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==== Trois types d'adaptation ====
[[Lucien
# l'accommodation ou adaptation ponctuelle de l'individu à un milieu ;
# l'acclimatation ou adaptation d'un groupe établi de manière durable dans un milieu ;
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En outre, il considère aussi l'adaptation statistique ou adaptation physiologique et éthologique qui se traduit par une convergence des formes (par exemple, le requin et le dauphin) des organismes vivant dans des milieux semblables ou des organes (par exemple, l'œil chez la pieuvre et chez les [[mammifères]]) chargés de remplir la même fonction, mais appartenant à des lignées différentes.
====
Il met aussi en évidence les ''Limites de l'adaptation'', notamment à travers les ''Organes inutiles'', les ''Organes utilisés mais non nécessaires'', ou encore les ''Organes mal faits et les fonctions nuisibles'' que sont par exemple les ''Organes [[hyperthélie|hypertéliques]]'', c'est-à-dire démesurés et encombrants. Le grand Cerf ''[[Megaloceros giganteus|Mégalocéros]]'' du Quaternaire d'Irlande développa ainsi des bois surdimensionnés atteignant {{unité|2.50|mètres}} d'envergure, mais en fait conformes au développement de la taille de son corps.
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{{citation bloc|Dans une machine industrielle bien étudiée, il n'y a pas de rouage indifférent ; chaque écrou a son rôle éventuel ; la courbure des pièces, leur poids, leur épaisseur, ont été l'objet de recherches bannissant tout ce qui est inutile ; il n'y a pas d'organes rudimentaires, à moins qu'on ne se soit servi de vieilles pièces provenant d'autres machines, et gardant la trace de leur fonctionnement primitif ; il n'y a pas non plus de superflu, à moins que l'artisan, voulant rendre son œuvre plus agréable, n'y ait ajouté des ornements, des sculptures, comme dans les outils d'autrefois. La machine vivante, au contraire, a un passé où elle était autre qu'actuellement, et qui a laissé des traces ; la Nature ne lui demande que de vivre et de durer, tant bien que mal, et il lui importe peu que son fonctionnement soit économique.
La position des biologistes
Mais la médaille a un revers : cette conviction a amené bien souvent les naturalistes à rechercher et à attribuer des significations utiles à des structures qui n'en ont probablement aucune, et à errer grandement au sujet des adaptations.}}
En effet, la notion d'adaptation est devenue en quelque sorte la ''tarte à la crème'' de la [[Biologie de l'évolution|biologie évolutive]], elle est systématiquement convoquée, conjointement à la [[sélection naturelle]], pour expliquer les particularités des êtres vivants, alors que les études [[éthologie|éthologiques]] qui pourraient en confirmer la pertinence sont inexistantes ou impossibles à mener (cas des [[
=== Étienne Rabaud ===
{{Article détaillé|Étienne Rabaud}}
Étienne Rabaud (ca. 1941) est un des biologistes qui ont critiqué la notion d'adaptation (et à travers elle le mécanisme de la [[sélection naturelle]]) de la manière la plus radicale :
{{citation bloc|L'hypothèse [darwinienne] ne résiste pas à la critique la plus élémentaire. Ne suffit-il pas de constater que l'appréciation d'un avantage tourne dans un cercle vicieux ? Quand un organisme persiste, nous décidons qu'il possède une disposition avantageuse, et nous déclarons avantageuse une disposition quelconque, précisément parce que l'organisme persiste.||Introduction aux sciences biologiques<ref>[[Étienne Rabaud]], ''Introduction aux sciences biologiques'', 1941, p. 181.</ref>}}
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==== Une notion trompeuse ====
Il en conclu que la notion d'adaptation est trompeuse et qu'elle est un obstacle à l'étude plus fine et plus précise des rapports effectifs des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Pour lui, la notion d'adaptation induit à prendre les conséquences pour les causes et inversement : ce n'est pas parce que l'être vit dans un milieu qu'il y est adapté, mais c'est plutôt parce qu'il y trouve de quoi vivre, qu'il est en adéquation avec les conditions, qu'il habite dans ce milieu.
Pour Rabaud, l'environnement n'est pas uniquement une contrainte qui s'impose à l'organisme, c'est aussi et avant tout l'espace où peut se déployer son activité autonome : l'être vivant n'est pas adapté au milieu ; c'est le contraire, il trouve dans le milieu les éléments spécifiques qui lui permettent d'assurer sa subsistance. L'analogie du vivant avec une machine induit à négliger et tend à faire oublier le caractère ''actif'' des êtres vivants dans la quête de leurs subsistances (particulièrement évidente chez les animaux), c'est-à-dire l'[[Autonomie (biologie)|autonomie du vivant]] par rapport à son milieu.
=== Stephen Jay Gould ===
{{Article détaillé|Stephen Jay Gould}}
{{...}}
=== Guillaume Lecointre ===
{{Article détaillé|Guillaume Lecointre}}
{{...}}
== Adaptabilité ==
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On parle d'adaptabilité pour désigner la [[Plasticité (biologie)|plasticité]] de certaines espèces face aux forces de l'évolution.
==
{{Références}}
== Voir aussi ==
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=== Bibliographie ===
1920
* [[Étienne Rabaud]], [https://archive.org/details/ladaptationetl00raba ''L'Adaptation et l'évolution''], éd. Chiron, 1922.
* [[Lucien Cuénot]], ''L'adaptation'', éd. Doin, 1925.
1930
* [[Étienne Rabaud]], ''Zoologie biologique'', éd. Gauthier-Villars, 1934.
1940
* [http://fr.scribd.com/doc/4032905/Lucien-Cuenot-Invention-et-finalite-en-biologie-1941 ''Invention et finalité en biologie''], éd. Flammarion, 1941.
* [[Étienne Rabaud]], ''Introduction aux sciences biologiques'', 1941.
* [[Étienne Rabaud]], [http://fr.scribd.com/doc/4659324/Etienne-Rabaud-Transformisme-et-adaptation-1942 ''Transformisme et adaptation''], éd. Flammarion, 1942.
1970
Ligne 153 ⟶ 186 :
* [[Stephen Jay Gould]] & [[Richard C. Lewontin]] (1982). "L’adaptation biologique: les trompes de l'églises San Marco et le paradigme panglossien", ''La Recherche'' 13(139).1494-1502.
1990
* [[Stephen Jay Gould]] (1997). [http://www.pnas.org/cgi/content/full/94/20/10750 "The exaptive excellence of spandrels as a term and prototype"] ''Proceedings of the National Academy of Sciences USA''. 94: 10750-10755.
* [[Humberto Maturana]], Jorge Mpodozis, ''De l'origine des espèces par voie de la dérive naturelle. La diversification des lignées à travers la conservation et le changement des phénotypes ontogéniques'', Presses Universitaires de Lyon, 1999.
2000
Ligne 170 ⟶ 203 :
* Guillaume Lecointre, ''L'évolution, question d'actualité ?'', Quae, 2014.
=== Articles connexes ===
{{colonnes
* [[Adaptationnisme]]
* [[Anachronisme évolutif]]
* [[August Weismann]]
* [[Avantage sélectif]]
Ligne 186 ⟶ 220 :
* [[Historique des critiques des théories de l'évolution]]
* [[Lamarckisme]]
* [[Réponse adaptative et non
* [[Résilience (écologie)]]
* [[Stephen Jay Gould]]
* [[Sélection et adaptation durant les successions végétales]]
* [[Sélection naturelle]]
Ligne 198 ⟶ 231 :
}}
===
{{
{{Palette|Mécanismes de l'évolution}}
|