« Massacre de Psará » : différence entre les versions

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{{En-tête label|AdQ|année=2007}}
{{Infobox Événement historique
| nom =
| image = Gysis Nikolaos After the destruction of Psara.jpg
| légende = ''Après la chute de PsaraPsará'' de [[NikolaosNikólaos GysisGýzis]] évoque la fuite des survivants sur des navires sans mâts ni gouvernails.
| upright = 2
| alt = tableau XIXe : des naufragés dans des barques au pied d'une falaise
| autre nom =
| lieu = [[PsaraPsará]] ([[Grèce ottomane]])
| date = Juillet [[1824]]
| résultat = Autour de {{formatnum:17000}} victimes ; dépeuplement de l'île ; migration des habitants vers la Grèce continentale
| evt1 titre = Chronologie
| evt1-1 date = {{Date|3|juillet}}
| evt1-2 date = {{Date|3|juillet}}
| evt1-3 date = {{Date|4|juillet}}
| evt1-4 date = {{Date|4|juillet}}
| evt1-1 = Débarquement des troupes ottomanes.
| evt1-2 = Massacre de Chora
| evt1-3 = Massacre de Palaiokastro
| evt1-4 = Fuite des survivants
}}
 
Le '''massacre de PsaraPsará''' (en {{lang-el|Καταστροφή των Ψαρών}}) est un épisode de la [[guerre d'indépendance grecque]]. Il fut perpétré par les [[Empire ottoman|Ottomans]] contre la population grecque de l’île de [[PsaraPsará]] en juillet [[1824]]. PsaraPsará était une île d'armateurs et de marins dont la flotte menait régulièrement des actions contre l'Empire ottoman. Le sultan [[Mahmoud II]] en décida la destruction afin de faciliter une contre-attaque en Grèce continentale. Plus de cent cinquante navires firent débarquer plusieurs milliers d'hommes<ref group=N>Les chiffres divergent.</ref> sur une île d'une quarantaine de kilomètres carrés qui avaientavait accueilli de nombreux survivants de massacres précédents. Le bilan est estimé à {{formatnum:17000}} morts ou vendus comme esclaves{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=527}}. Mais, contrairement au [[Massacre de Chios|massacre similaire sur Chios]] avec lequel il fut peut-être confondu, celui-ci ne suscita que très peu d'émotion en Occident.
[[Fichier:Chios topographic map-fr.svg|thumb|upright=2|alt=carte moderne de deux îles|Une carte de situation avec les principaux lieux cités.]]
 
[[Fichier:Chios topographic map-fr.svg|thumb|upright=21.5|alt=carte moderne de deux îles|Une carte de situation avec les principaux lieux cités.]]
 
== Contexte ==
=== La guerre d'indépendance grecque ===
{{Article détaillé|guerre d'indépendance grecque}}
[[Fichier:Epanastasi.jpg|thumb|left|alt=tableau XIXe siècle : une foule autour d'un drapeau blanc à croix bleu|[[Germanós de Pátras|Germanos]] bénit les insurgés grecs.]]
 
La guerre d’indépendance grecque fut une guerre de libération contre l’[[Grèce ottomane|occupation ottomane]]. Si les affrontements principaux eurent lieu dans le [[Péloponnèse]] et autour d’[[Athènes]], d'autres régions furent concernées, comme les îles de l'[[Mer Égée|Égée]].
 
[[Ali Pacha de Janina]] qui cherchait à assurer définitivement l’indépendance de ses possessions en [[Épire]] s’était révolté contre le sultan Mahmoud II en [[1820]]. La Porte (nom parfois aussi donné au gouvernement de l’[[Empire ottoman]]) avait dû mobiliser toute une armée autour de [[Ioannina]]{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=421-423}}. Pour les patriotes grecs organisés dans la [[PhilikiFilikí EtairiaEtería]] et qui préparaient le soulèvement national depuis la fin du {{XVIIIe siècle}}{{sfn|Contogeorgis|1992|p=341-342}}, cette rébellion rendait le moment favorable. Il y avait potentiellement moins de soldats turcs disponibles pour réprimer leur soulèvement. L’insurrection fut déclenchée dans le Péloponnèse. Elle commença entre le 15 et le {{date|20 mars [[1821]]}} sous la double impulsion de [[TheodorosTheódoros KolokotronisKolokotrónis]], un des chefs de l’insurrection, et de l’archevêque de [[Patras]], [[Germanós de Pátras|Germanos]], qui proclama la guerre de libération nationale le [[25 mars]]. Au même moment, [[Alexandre Ypsilántis]] pénétrait en [[Moldavie]] et [[Valachie (principauté)|Valachie]], second foyer prévu pour l'insurrection, à la tête d'une troupe composée de membres de la [[Philiki Etairia]] installés en [[Russie]]. L'Empire ottoman réduisit l'insurrection dans les provinces danubiennes en neuf mois{{sfn|Clogg|1992|p=33}}, tandis qu'en Grèce même, les insurgés triomphaient. Entre 1821 et 1824, les Ottomans avaient été chassés du Péloponnèse, de la Grèce centrale et de la plupart des îles de l'Égée. La flotte ottomane était bloquée en [[Mer de Marmara|Propontide]] grâce à l'engagement des navires des principales îles d'armateurs : [[Hydra (île)|Hydra]], [[Spetses]] et PsaraPsará{{sfn|Contogeorgis|1992|p=345}}.
 
Les victoires grecques avaient cependant été de courte durée. Deux guerres civiles avaient affaibli le mouvement entre 1823 et 1825. Il y avait en effet une forte opposition entre deux catégories de dirigeants potentiels, avec deux types de légitimité tout aussi valables. D’un côté, se trouvaient les notables marchands issus de l’administration ottomane du continent et de la bourgeoisie maritime des îles. De l’autre, il y avait les chefs de guerre issus de la classe « para-sociale » des [[klephte]]s et [[armatole]]s, souvent en fait réellement issus de la paysannerie comme [[TheodorosTheódoros Kolokotronis|KolokotronisKolokotrónis]] et espérant donner un rôle politique plus important aux paysans. On assista alors à deux guerres civiles en 1823-1825. La première avait été provoquée par les notables qui voulaient reprendre le contrôle de la révolution et la remettre dans la voie qu'ils défendaient en écartant les chefs de guerre du pouvoir. La seconde opposa le continent aux îles{{sfn|Contogeorgis|1992|p=345}}. Le sultan avait aussi appelé à l’aide son vassal [[Province ottomane d'Égypte|égyptien]] [[MehemetMéhémet Ali]] qui avait dépêché en Grèce son fils [[Ibrahim Pacha]] avec une flotte et, dans un premier temps, {{formatnum:8000}} puis {{formatnum:25000}} hommes{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=51 et 54}}. La flotte et les troupes égyptiennes avaient d'abord réduit l'insurrection en [[Crète]] et à Kassos, puis ce fut le tour de PsaraPsará{{sfn|Contogeorgis|1992|p=345}}.
 
=== Une île de marins et d'armateurs au service de l'indépendance ===
[[Fichier:Chios aivaz.jpg|thumb|alt=tableau XIXe : un combat naval|La [[Bataille de Tchesmé]], 7 juillet 1770.<br /> Tableau de Ivan Aivazovsky.]]
Psara était une île peu fertile. Sa principale production agricole était un vin de qualité moyenne. Ses habitants, entre {{formatnum:5000}} et {{formatnum:6000}} au début de la guerre d'indépendance, étaient principalement des pêcheurs et des marins<ref>« Psara et les Psariotes », p. 255.</ref>. L'aridité de l'île l'avait poussée vers la mer et le commerce. Comme pour le reste des îles commerçantes de Grèce, le [[traité de Kutchuk-Kaïnardji]] (1774) accrut sa fortune. Le commerce du blé lors des [[guerres napoléoniennes]] lui avait aussi profité : ses navires [[Forceur de blocus|avaient forcé]] le [[blocus maritime]] imposé par les [[Royaume-Uni|Britanniques]] à la [[France]]. Toutes les îles de l'Égée dépendaient du [[Capitan Pacha]], mais Psara, ainsi qu'Hydra et Spetses, avait acheté leur liberté. Un impôt léger, prélevé par les Grecs eux-mêmes, était payé au Capitan Pacha et des marins étaient mis à la disposition de la flotte ottomane{{sfn|Brewer|2001|p=89-90}}. L'île était gouvernée par trois « ''démogérontes'' » élus tous les ans par quarante électeurs désignés eux aussi tous les ans par l'ensemble de la population{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=453}}.
 
PsaraPsará était une île peu fertile. Sa principale production agricole était un vin de qualité moyenne. Ses habitants, entre {{formatnum:5000}} et {{formatnum:6000}} au début de la guerre d'indépendance, étaient principalement des pêcheurs et des marins<ref>« PsaraPsará et les Psariotes », p. 255.</ref>. L'aridité de l'île l'avait poussée vers la mer et le commerce. Comme pour le reste des îles commerçantes de Grèce, le [[traité de KutchukKoutchouk-Kaïnardji]] (1774) accrut sa fortune. Le commerce du blé lors des [[guerres napoléoniennes]] lui avait aussi profité : ses navires [[Forceur de blocus|avaient forcé]] le [[blocus maritime]] imposé par les [[Royaume-Uni|Britanniques]] à la [[France]]. Toutes les îles de l'Égée dépendaient du [[Capitan Pachapacha]], mais PsaraPsará, ainsi qu'[[Hydra (île)|Hydra]] et [[Spetses]], avaitavaient acheté leur liberté. Un impôt léger, prélevé par les Grecs eux-mêmes, était payé au Capitan Pachapacha et des marins étaient mis à la disposition de la flotte ottomane{{sfn|Brewer|2001|p=89-90}}. L'île était gouvernée par trois « ''démogérontes'' » élus tous les ans par quarante électeurs désignés eux aussi tous les ans par l'ensemble de la population{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=453}}.
La situation géographique de Psara faisait qu'elle pouvait assez facilement surveiller l'entrée des [[Dardanelles]]<ref group=N>Elle n'en est éloignée que d'une centaine de [[mille marin|milles marins]], mais avec une vue « dégagée ».</ref> et prévenir d'une sortie de la flotte ottomane{{sfn|Brewer|2001|p=89-90}}.
 
La situation géographique de PsaraPsará faisait qu'elle pouvait assez facilement surveiller l'entrée des [[Dardanelles]]<ref group=N>Elle n'en est éloignée que d'une centaine de [[mille marin|milles marins]], mais avec une vue « dégagée ».</ref> et prévenir d'une sortie de la flotte ottomane{{sfn|Brewer|2001|p=89-90}}.
Psara s'engagea dans la guerre d'indépendance grecque le dimanche de [[Pâques]] 1821, soit deux semaines après le début du soulèvement dans le Péloponnèse{{sfn|Brewer|2001|p=95}}. Quarante de ses navires marchands, convertis rapidement en « navires de guerre » furent alors mis au service de la Grèce insurgée{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=453}}. La flotte ottomane était quant à elle une véritable flotte de guerre avec des [[vaisseau de ligne|vaisseaux de ligne]] et des navires de soutien. Les Grecs compensèrent cette infériorité grâce à une spécialité psariote : le [[brûlot (navire)|brûlot]]{{sfn|Brewer|2001|p=91}} qui avait démontré son efficacité lors de la [[bataille de Chesmé]] pendant la [[révolution d'Orloff]] (1769-1771). Quatre brûlots psariotes avaient réussi à se glisser dans la ligne ottomane et à l'enflammer, amenant à terme sa destruction{{sfn|Brewer|2001|p=94}}.
 
PsaraPsará s'engagea dans la guerre d'indépendance grecque le dimanche de [[Pâques]] 1821, soit deux semaines après le début du soulèvement dans le Péloponnèse{{sfn|Brewer|2001|p=95}}. Quarante de ses navires marchands, convertis rapidement en « navires de guerre » furent alors mis au service de la Grèce insurgée{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=453}}. La flotte ottomane était quant à elle une véritable flotte de guerre avec des [[vaisseauNavire de ligne|vaisseaux de ligne]] et des navires de soutien. Les Grecs compensèrent cette infériorité grâce à une spécialité psariote : le [[brûlot (navire)|brûlot]]{{sfn|Brewer|2001|p=91}} qui avait démontré son efficacité lors de la [[bataille de ChesméTchesmé]] pendant la [[révolution d'Orloff]] (1769-1771). Quatre brûlots psariotes avaient réussi à se glisser dans la ligne ottomane et à l'enflammer, amenant à terme sa destruction{{sfn|Brewer|2001|p=94}}.
Ses vaisseaux contrôlèrent très rapidement l'Égée. Ainsi, dès le mois d'avril, la Porte avait rassemblé {{formatnum:3000}} hommes à [[Smyrne]] avant de les envoyer écraser le soulèvement en Grèce. Sept navires de Psara intervinrent pour empêcher la traversée. Un navire ottoman fut coulé et quatre autres capturés (avec les 450 hommes qu'ils transportaient). Le 14 mai, Andreas Giannitsi, un capitaine psariote, fit un coup de main contre un fort du golfe d'Enos (sur la côte thrace) et captura vingt-trois canons, deux [[obusier]]s et leurs munitions{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=454}}. L'île participa au premier engagement naval de grande ampleur le {{date|7|juin|1821}}, lors de la bataille d'Eresós (une baie de [[Lesbos]]). Le deuxième plus grand vaisseau de ligne ottoman, armé de soixante-seize canons, s'était trouvé coupé du reste de la flotte. Il fut décidé d'utiliser des brûlots. Seuls des vieux marins psariotes, vétérans de Chesmé, connaissaient encore la technique. Le troisième brûlot fut le bon : le navire prit feu, s'échoua puis explosa après la fuite de son équipage. Lorsque le reste de la flotte ottomane arriva le lendemain, les navires grecs s'avancèrent vers celle-ci et la mirent en fuite{{sfn|Brewer|2001|p=96}}{{,}}{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=465}}. Le mois suivant, une flotte combinée de quatre-vingt-dix navires de Psara, Hydra, Spetses et [[Kassos]] empêcha un débarquement sur [[Samos]] mené par le [[Capitan Pacha]] Kara-Ali qui commandait quatre vaisseaux de ligne, cinq frégates et une vingtaine de vaisseaux transportant {{formatnum:12000}} soldats ottomans{{sfn|Brewer|2001|p=96}}.
 
Ses vaisseaux contrôlèrent très rapidement l'Égée. Ainsi, dès le mois d'avril, la Porte avait rassemblé {{formatnum:3000}} hommes à [[Izmir|Smyrne]] avant de les envoyer écraser le soulèvement en Grèce. Sept navires de PsaraPsará intervinrent pour empêcher la traversée. Un navire ottoman fut coulé et quatre autres capturés (avec les 450 hommes qu'ils transportaient). Le {{date-|14 mai}}, Andreas Giannitsi, un capitaine psariote, fit un coup de main contre un fort du golfe d'Enos (sur la côte [[thrace]]) et captura vingt-trois canons, deux [[obusier]]s et leurs munitions{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=454}}. L'île participa au premier engagement naval de grande ampleur le {{date|7|juin|1821}}, lors de la bataille d'Eresós (une baie de [[Lesbos]]). Le deuxième plus grand vaisseau de ligne ottoman, armé de soixante-seize canons, s'était trouvé coupé du reste de la flotte. Il fut décidé d'utiliser des brûlots. Seuls des vieux marins psariotes, vétérans de ChesméTchesmé, connaissaient encore la technique. Le troisième brûlot fut le bon : le navire prit feu, s'échoua puis explosa après la fuite de son équipage. Lorsque le reste de la flotte ottomane arriva le lendemain, les navires grecs s'avancèrent vers celle-ci et la mirent en fuite{{sfn|Brewer|2001|p=96}}{{,}}{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=465}}. Le mois suivant, une [[flotte combinée]] de quatre-vingt-dix navires de PsaraPsará, Hydra, Spetses et [[Kassos]] empêcha un débarquement sur [[Samos]] mené par le [[Capitan Pachapacha]] [[Nasuhzade Ali Pacha|Kara- Ali]] qui commandait quatre vaisseaux de ligne, cinq frégates et une vingtaine de vaisseaux transportant {{formatnum:12000}} soldats ottomans{{sfn|Brewer|2001|p=96}}.
[[Fichier:Lytras-nikiforos-pyrpolisi-tourkikis-navarhidas-apo-kanari.jpeg|thumb|left|alt=tableau ancien : des hommes dans une barque rament pour s'éloigner d'un grand navire en feu|Le navire amiral turc attaqué par le brûlot psariote de Kanaris. Tableau de Nikephoros Lytras.]]
 
[[Fichier:Lytras-nikiforos-pyrpolisi-tourkikis-navarhidas-apo-kanari.jpeg|thumb|left|alt=tableau ancien : des hommes dans une barque rament pour s'éloigner d'un grand navire en feu|Le navire amiral turc attaqué par le brûlot psariote de Kanaris[[Konstantínos Kanáris|Kanáris]]. Tableau de NikephorosNikifóros LytrasLýtras.]]
Psara participa à l'évacuation des chrétiens chassés de [[Kydonies]]<ref group=N>Ou Cydon ou Cydonie, l'Ayvalık actuelle sur la côte d'Asie mineure près de [[Pergame]].</ref> lors des exactions ottomanes dans la ville à l'été 1821, puis à l'évacuation des Chiotes survivants lors du [[massacre de Chios]] en mai 1822. Ses navires composèrent aussi la flotte grecque combinée (Psara, Hydra, Spetses) de cinquante-six vaisseaux de ligne et huit brûlots, qui donnèrent la chasse à la flotte ottomane dans la seconde moitié du mois de mai 1822 après les massacres. Le 18 juin <small>(6 juin julien)</small> 1822, le capitaine psariote [[Constantin Kanaris]] coula le vaisseau amiral ottoman avec son brûlot, tuant l'amiral ottoman Kara Ali et {{formatnum:2000}} marins turcs{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=43}}. La flotte ottomane était ancrée dans la baie de Chora, capitale de Chios. L'attaque eut lieu le soir, au moment de la rupture du jeûne du [[Ramadan]]. Le brûlot de Kanaris éperonna la ''Capudana'' (navire amiral de la flotte ottomane) vers minuit. Le [[Beaupré (marine)|mât de beaupré]] fut coincé dans un [[sabord]] au niveau de la proue et la mèche allumée. Kanaris et ses hommes évacuèrent tandis que le navire-amiral s'embrasait en quelques minutes. Les marins turcs essayèrent de s'enfuir avec les canots de sauvetage, dont deux trop chargés coulèrent. Kara-Ali, alors qu'il embarquait dans une chaloupe, reçut un [[espar]] enflammé sur la tête. Conduit sur la terre ferme, il mourut le lendemain. Il fut enterré dans la citadelle de Chora. Son navire explosa au bout de trois-quarts d'heure, quand la réserve de poudre fut touchée{{sfn|Brewer|2001|p=163-164}}.
 
PsaraPsará participa à l'évacuation des chrétiens chassés de [[Ayvalık|Kydonies]]<ref group=N>Ou Cydon ou Cydonie, l'Ayvalık actuelle sur la côte d'Asie mineure près de [[Pergame]].</ref> lors des exactions ottomanes dans la ville à l'été 1821, puis à l'évacuation des Chiotes survivants lors du [[massacre de Chios]] en {{date-|mai 1822}}. Ses navires composèrent aussi la flotte grecque combinée (PsaraPsará, Hydra, Spetses) de cinquante-six vaisseaux de ligne et huit brûlots, qui donnèrent la chasse à la flotte ottomane dans la seconde moitié du mois de mai 1822 après les massacres. Le {{date-|18 juin}} <small>({{date-|6 juin}} julien)</small> 1822, le capitaine psariote [[ConstantinKonstantínos KanarisKanáris]] coula le vaisseau amiral ottoman avec son brûlot, tuant l'amiral ottoman [[Nasuhzade Ali Pacha|Kara Ali]] et {{formatnum:2000}} marins turcs{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=43}}. La flotte ottomane était ancrée dans la baie de Chora, capitale de Chios. L'attaque eut lieu le soir, au moment de la rupture du jeûne du [[Ramadan]]. Le brûlot de KanarisKanáris éperonna la ''Capudana'' ([[navire amiral]] de la flotte ottomane) vers minuit. Le [[Beaupré (marine)|mât de beaupré]] fut coincé dans un [[sabord]] au niveau de la [[proue]] et la mèche allumée. KanarisKanáris et ses hommes évacuèrent tandis que le navire-amiral s'embrasait en quelques minutes. Les marins turcs essayèrent de s'enfuir avec les canots de sauvetage, dont deux trop chargés coulèrent. Kara- Ali, alors qu'il embarquait dans une chaloupe, reçut un [[espar]] enflammé sur la tête. Conduit sur la terre ferme, il mourut le lendemain. Il fut enterré dans la citadelle de Chora. Son navire explosa au bout de trois-quarts d'heure, quand la réserve de poudre fut touchée{{sfn|Brewer|2001|p=163-164}}.
 
Les marins psariotes lançaient souvent des coups de main contre les côtes turques, pillant et rançonnant les habitants, et paralysaient les communications et le commerce en empêchant la navigation côtière.
 
L'île devint donc une des principales cibles du sultan ottoman lors de sa contre-attaque face à la Grèce insurgée. [[Mahmoud II]], découvrant la taille de PsaraPsará comparée aux torts que l'île lui causait, aurait déclaré :<br />
{{Citation bloc|''Ôtez-moi de la carte cette petite tache ; dites à mon Capitan Pachapacha d'attacher cette roche à son vaisseau et de me l'amener{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=527}}.''}}
 
== Le massacre ==
Les troupes d'[[Ibrahim Pacha]] avaient écrasé le soulèvement en Crète, mais ses navires avaient été harcelés par les flottes de [[Kassos]] et surtout de PsaraPsará. Afin de faciliter un prochain débarquement dans le Péloponnèse, la Porte décida de réduire ces deux îles. Ibrahim Pacha se chargea de Kassos début juin{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=48}}. La flotte ottomane, commandée depuis le printemps 1823 par le [[Capitan Pachapacha]] [[Husrev Pacha|Husrev]]<ref>Gordon, ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{p.|14}}.</ref>, s'attaqua à PsaraPsará le mois suivant. Ces deux îles étaient des cibles relativement faciles : proches des côtes d'[[Anatolie|Asie mineure]], elles étaient par contre éloignées des renforts potentiels venus de Grèce continentale. Dans les deux cas, les flottes d'Hydra et Spetses arrivèrent trop tard{{sfn|Brewer|2001|p=235}}.
 
=== La prise de l'île ===
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==== Préparatifs ====
Au début de l'été 1824, une attaque semblant imminente, les démogérontes de l'île prirent un certain nombre de dispositions. Certaines furent positives, comme le renforcement des citadelles (en l'occurrence des monastères fortifiés) d'Aghios Nikolaos (Saint-Nicolas dite parfois aussi Saint-Jean) et Palaiokastro, qui reçut 24 nouvelles batteries. D'autres furent moins heureuses : les navires présents furent démâtés afin de servir de rempart en mer<ref group=N>Le journal le ''Smyrnéen'', cité par « Psara et les Psariotes » considère que cela aurait aussi permis d'utiliser les marins, plus expérimentés, pour le maniement des « batteries de défense côtière ».</ref>, mais ils perdirent toute possibilité de manœuvre ainsi que leur utilité comme moyen de fuite (à moins que les démogérontes n'aient voulu en quelque sorte « brûler leurs vaisseaux » comme semble le suggérer la décision de brûler tous les gouvernails<ref name="Smyrnéen">Journal le ''Smyrnéen'', cité par « Psara et les Psariotes ».</ref>) ; les défenseurs potentiels<ref group=N>Le journal le ''Smyrnéen'', cité par « Psara et les Psariotes » estime leur nombre à {{formatnum:6000}} dont {{formatnum:3000}} « étrangers ».</ref> furent aussi répartis sur l'ensemble des côtes, même aux endroits où tout débarquement était impossible, réduisant ainsi les défenses principales, dont celles de la ville. Il semblerait enfin que le commandement d'un secteur ait été confié à deux [[Albanie|Arvanites]]<ref group=N>Les Psariotes étaient en effet des marins et ils avaient eu recours à des fantassins mercenaires pour la défense terrestre de leur île.</ref> (Albanais chrétiens ayant fui les persécutions ottomanes au {{XVIIIe siècle}}), Kotas et Karabelias, achetés par le Capitan Pachapacha{{sfn|Lacroix|1978|p=294}}.
 
Le {{date-|27 juin}}, une douzaine de [[Frégate (navire)|frégates]] ottomanes vinrent reconnaître les côtes de l'île, afin de repérer le lieu le plus propice au débarquement. Les canonnades depuis la côte furent sans effet. Le {{date-|2 juillet 1824}} <small>({{date-|20 juin}} julien)</small>, une première attaque eut lieu au nord de l'île, dans la baie de Kanalos. Elle se résuma à un échange d'artillerie<ref>''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'', p. 350.</ref>. Le soir, les navires de guerre et de transport relâchèrent entre Lesbos et PsaraPsará, tous fanaux allumés pour éviter toute surprise. KonstantinKonstantínos KanarisKanáris décrit la mer cette nuit-là comme un « immense pont de bateaux »{{sfn|Lacroix|1978|p=294}}.
 
==== Débarquement ====
Le {{date-|3 juillet 1824}} <small>({{date-|21 juin}} julien)</small>, les 176 vaisseaux<ref group=N>John L. Comstock, ''op. cit.'', {{p.|299}}, donne une composition de la flotte : deux vaisseaux de ligne, huit frégates, quatre corvettes, quarante bricks et autour de deux-cents autres navires armés de canons ou de mortiers ; [[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''op. cit.'', {{p.|31}}, propose quant à lui deux vaisseaux de ligne, six frégates, six corvettes et « une foule d'autres plus petits bâtiments de guerre et de transport » pour un total dépassant les 200 navires.</ref> commandés par Husrev Pacha<ref group=N>Certains auteurs parlent d'un certain Topali- Pacha, considéré soit comme le commandant de la flotte à la place de Husrev avec qui il est peut-être confondu (Topal, ''le Boîteux'') était un surnom de Husrev (G. Finlay, ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{p.|14}}), soit comme un officier subalterne</ref> transportant les soldats ottomans attaquèrent PsaraPsará. L'île qui n'était habituellement peuplée que de {{formatnum:6000}} à {{formatnum:7000}} habitants, abritait alors plus de {{formatnum:25000}} personnes, réfugiées d'[[Ayvalık|Aivali]] et de Chios. Les quelques vaisseaux qui la protégeaient ne firent pas le poids{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=527}}. La flotte se scinda en deux colonnes. La première effectua une attaque de diversion sur la partie la plus fortifiée de la baie où se trouve la capitale de l'île. La seconde se porta vers la partie de la côte défendue par Kotas et Karabelias, au nord de l'île, près de la baie de Kanalos, et réussit, sous le couvert de l'épaisse fumée<ref>John L. Comstock, ''op. cit.'', {{p.|300}}, suppose un débarquement nocturne.</ref> créée par une décharge de ses canons, à faire débarquer plus de {{formatnum:10000}}<ref group=N>Les chiffres sont à prendre avec précaution. Brunet de Presle et Blanchet considèrent que la flotte transportait {{formatnum:12000}} hommes ; Lacroix, comme Paparregopoulos disent {{formatnum:14000}} ; ''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'' propose « autour de {{formatnum:10000}} » ; John L. Comstock évoque le témoignage d'un habitants de Lesbos : « pas moins de {{formatnum:24000}} ». De plus, certaines sources ne parlent que des soldats qui attaquent PsaraPsará-ville (Chora, la capitale) tandis que d'autres parlent de l'ensemble de PsaraPsará-île.</ref> Albanais musulmans, qui constituaient alors les troupes d’élite de l'armée ottomane, commandés par Ismael Pliassa, dans la petite baie voisine d'Erino<ref name="Istoria351">''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'', {{p.|351}}.</ref>. Ils s'avancèrent très rapidement dans les terres, prirent la batterie de quatre ou cinq canons<ref name="Smyrnéen"/>{{,}}<ref>[[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''op. cit.'', {{p.|31}}, parle d'un fortin de trois canons défendu par trente hommes.</ref> qui protégeait la côte. Kotas et Karabelias passèrent alors du côté des attaquants qui les exécutèrent aussitôt, considérant qu'il n'était pas possible de faire confiance à des traîtres{{sfn|Lacroix|1978|p=295}}. Les défenseurs (523 Psariotes, 800 Rouméliotes et 125 Samiotes) finirent par succomber, après avoir neutralisé {{formatnum:4000}} Albanais. La route de la capitale PsaraPsará, de l'autre côté de l'île, était ouverte. Les rares défenseurs psariotes ou macédoniens furent bousculés et n'empêchèrent jamais la progression des [[janissaire]]s<ref name="Paparrego31">[[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''op. cit.'', {{p.|31}}.</ref>.
 
[[Fichier:Gysis Nikolaos After the destruction of Psara.jpg|thumb|left|alt=tableau XIXe : des naufragés dans des barques au pied d'une falaise|''Après la chute de Psara'' de [[Nikolaos Gysis]] évoque la fuite des survivants sur des navires sans mâts ni gouvernails.]]
 
==== Attaque de Chora ====
[[Fichier:Gysis Nikolaos After the destruction of Psara.jpg|thumb|left|alt=tableau XIXe : des naufragés dans des barques au pied d'une falaise|''Après la chute de PsaraPsará'' de [[NikolaosNikólaos GysisGýzis]] évoque la fuite des survivants sur des navires sans mâts ni gouvernails.]]
 
La colonne ottomane s'avança alors vers le sud. Elle se scinda en deux. Une partie ({{formatnum:3000}} soldats) se dirigea vers le sud-est, vers la petite ville de Ftelio dont les canons tournés vers la mer menaçaient la flotte ottomane. Après une résistance acharnée, les Grecs finirent par succomber et périrent au combat<ref name="Istoria351"/>{{,}}<ref>John L. Comstock, ''op. cit.'', {{p.|301}}, suggère que les défenseurs se seraient faits sauter avec leurs canons.</ref>. La flotte de Husrev Pacha, quant à elle, fit le tour de l'île par l'est et attaqua le port prenant ses défenseurs (informés du débarquement au nord) à revers<ref>W. Alison Phillips, ''op. cit.'', {{p.|160}}.</ref>. Une partie des femmes et des enfants avaient été évacués sur les navires dans la rade. La confusion avait déjà causé la perte des plus faibles et des plus jeunes enfants, abandonnés ou noyés par leur mère qui ne pouvaient s'en occuper. La survie de l'une passait par la mort de l'autre. Ces navires furent victimes du bombardement naval des frégates ottomanes. Les femmes et enfants qui pensaient y avoir trouvé un refuge périrent<ref>[[William Martin Leake]], ''op. cit.'', {{p.|149}}.</ref>{{,}}<ref>''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'', {{p.|352}}.</ref>.
 
Les soldats ottomans qui constituaient la seconde partie de la colonne venue du nord, atteignirent PsaraPsará (Chora), la capitale de l'île, vers le milieu de la journée<ref>Selon John L. Comstock, ''op. cit.'', {{p.|301}}, tandis que [[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''op. cit.'', {{p.|31}}, écrit 7 h du matin</ref>. Ils la prirent puis la rasèrent, mais après avoir dû s'emparer des maisons une par une. Quatre mille des {{formatnum:7000}} habitants de la ville furent massacrés. Leurs oreilles et leurs nez coupés furent salés et envoyés à Constantinople<ref name="Paparrego31"/>. Les autres furent réduits en esclavage. Les divers récits évoquent les femmes qui se seraient jetées dans la mer avec leurs enfants, préférant, comme les [[SoulioteSouliotes]]s, choisir leur mort. D'autres se seraient jetées dans la mêlée pour y périr (et éviter le viol), après avoir assisté à la mort de leur époux<ref>John L. Comstock, ''op. cit.'', {{p.|300}}.</ref>. Les Turcs subirent quant à eux de lourdes pertes.
 
Le lendemain, le siège de la forteresse de Palaiokastro, tenue par les Grecs, prit fin. Ses 500 à 600 défenseurs (mercenaires arvanites ou macédoniens selon les ouvrages, et Psariotes dont des femmes et des enfants) subirent divers assauts au cours de la journée et virent leur nombre diminuer à chaque fois. Réduits des deux-tiers, ils décidèrent d'emporter leurs assaillants avec eux dans la mort. À nouveau les versions divergent. L'historien grec [[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]]<ref>Paparregopoulos, ''op. cit.'', {{p.|32}}.</ref> et le philhellène [[Thomas Gordon (militaire britannique)|Thomas Gordon]] rapportent qu'après avoir tenté vainement d'enflammer une réserve souterraine de poudre à l'extérieur et perdu six hommes dans la tentative, les Grecs décidèrent de n'utiliser que les réserves à l'intérieur des fortifications. Pour les autres, au moment de l'assaut final, les défenseurs attendirent que le plus d'ennemis possible aient pénétré dans l'enceinte. Le drapeau psariote portant la devise ''Ελευθερία ή θάνατος'' (« La liberté ou la mort ») fut hissé et le chef des défenseurs, Antonios Vratsanos, mit lui-même le feu au magasin de poudres, tuant assiégés et assiégeants{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=49}}{{,}}<ref group=N>Là encore, les chiffres varient. Brunet de Presle et Blanchet évoquent {{formatnum:2000}} assiégeants tués et Louis Lacroix {{formatnum:4000}}. Cependant, ils citent le même ouvrage de référence, celui d'A. Soutzo, ''Histoire de la Révolution grecque''. [[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''op. cit.'', {{p.|32}}, propose aussi {{formatnum:4000}} morts au total, assiégés et assiégeants. ''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'', plus récent ne donne de chiffres que pour les assaillants ottomans : {{formatnum:2000}}.</ref>.
 
Les rares Psariotes (et réfugiés) qui réussirent à survivre au massacre auraient profité de la confusion créée par l'explosion de Palaiokastro pour s'enfuir à bord d'une centaine de petites embarcations démâtées et sans [[gouvernail]]. Selon ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos, dix-neuf [[Brick (bateau)|bricks]], mouillés entre PsaraPsará et le petit îlot d'AntipsaraAntipsará, à l'ouest, auraient réussi à échapper à la flotte ottomane. Ils transportaient les principaux notables et les plus riches familles de l'île<ref name="Paparrego31"/>. Ils dérivèrent jusqu'à [[Tinos]], [[Syros (île)|Syros]], [[Mykonos]] et [[Naxos]] ; les navires rescapés prirent comme nouvelle base l'île d'[[Égine]], d'où ils participèrent aux combats ultérieurs. Après la fin de la guerre, les réfugiés émigrèrent vers l'[[Eubée]], où ils fondèrent la ville de [[Érétrie|Néa PsaraPsará]]<ref>''Ὶστορία τοῦ Ὲλληνικοῦ Ἔθνους.'', {{p.|353}}.</ref>{{,}}{{sfn|Lacroix|1978|p=295}}. La frégate [[France|française]] ''Isis'', qui croisait dans les parages aurait quant à elle recueilli 156 survivants<ref>Jurien de la Gravière, ''La station du Levant'', chapitre V, {{p.|61}}, in ''[[Revue des deux Mondes]]'', {{tome|105}}, 1873 ([http://fr.wikisource.org/wiki/La_Station_du_Levant/05 sur Wilisource]</ref>{{,}}<ref>[[Thomas Gordon (militaire britannique)|Gordon]], ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{p.|139}}.</ref>.
 
L'île aurait abrité {{formatnum:25000}} personnes avant l'attaque. Le bilan le plus courant est autour de {{formatnum:17000}} morts et vendus comme esclaves{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=527}}. Pour ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos, il y aurait eu {{formatnum:3600}} survivants<ref name="Paparrego31"/>. Le Capitan-Pacha pacha prit ou brûla une centaine de navires psariotes<ref>[[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''op. cit.'', {{p.|32}}.</ref>. L'île fut surtout totalement désertée. Les observateurs dans les quelques années suivantes évoquaient une île intégralement vide<ref group=N>Par exemple W. Black, ''Narrative of Cruises in the Mediterranean, during the Greek War of Independance.'', Londres, Simpkin & Marshall, 1900, {{p.|303}}, en 1826 : « pas une âme, pas un animal, pas un mât, pas même un semblant de navire ».</ref>. La flotte ottomane gagna ensuite sa base de Mytilène pour fêter sa victoire, laissant une garnison sur l'île et une escadre<ref>[[Thomas Gordon (militaire britannique)|Gordon]], ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{p.|140}}.</ref>.
 
=== La reconquête ===
Le massacre de PsaraPsará eut pour première conséquence la fin très provisoire des querelles intestines, voire des guerres civiles, entre insurgés grecs. Craignant de subir le même sort, les autres îles s'organisèrent. Le moindre mouvement de la flotte ottomane fut relayé à travers l'archipel{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=528}}.
 
Les premiers navires psariotes rescapés arrivèrent à Hydra la nuit du {{date-|4 juillet}}, provoquant la consternation et déclenchant une réaction rapide de la flotte grecque : Hydra et Spetses armèrent les vaisseaux encore au port (une première [[escadre]], partie secourir Kassos, était déjà en mer depuis le {{date-|29 juin}}) et les réunit aux navires survivants de PsaraPsará ; la [[flottille]] combinée (seize navires et quatre brûlots), commandée par l'amiral [[AndreasAndréas MiaoulisMiaoúlis]], appareilla les 6 et {{date-|7 juillet}}, espérant secourir les défenseurs de Palaiokastro. La première escadre grecque, commandée par Sachtouris, revenait de Kassos en direction d'Hydra quand elle reçut l'ordre de joindre le reste de la flotte. Les deux flottilles manquèrent cependant leur rendez-vous<ref>[[Thomas Gordon (militaire britannique)|Gordon]], ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{pp.|140-141}}.</ref>.
 
Le {{date-|15 juillet 1824}} <small>({{date-|3 juillet}} julien)</small>, MiaoulisMiaoúlis fit débarquer {{formatnum:1500}} [[Klephte|pallikare]]s grecs qui reconquirent l'île aux {{formatnum:1000}} soldats ottomans que Husrev Pacha avait laissés sur l'île. Les Ottomans furent traqués et égorgés dans les ruines de la ville et de Palaiokastron. Le dernier canon en état de fonctionner dans la citadelle fut récupéré<ref>[[William Martin Leake]], ''op. cit.'', {{p.|150}}.</ref>. Les Grecs donnèrent ensuite la chasse à la flottille ottomane restée sur place, l'engagèrent et, après un combat de cinq heures, coulèrent les vingt navires turcs qui la composaient{{sfn|Hellenic Army General Staff|1998|texte=''An Index of events in the military history of the greek nation''|p=49}} ; l'arrivée inopinée de la seconde division de Sachtouris, attirée par le bruit du canon, compléta la défaite ottomane<ref>[[Thomas Gordon (militaire britannique)|Gordon]], ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{p.|142}}.</ref>.
 
Informé de ces évènements le 18, Husrev quitta Lesbos avec le gros de la flotte ottomane et rencontra les Grecs au nord de Chios le matin du {{date-|19 juillet}}. Malgré l'ordre de Miaoulis d'attaquer, une partie des navires grecs refusa de combattre et quitta la flotte ; le manque de vent bloqua ensuite les manœuvres. Les deux flottes restèrent en vue jusqu'au {{date-|22 juillet}}, puis Miaoulis, dont les navires se dispersaient progressivement, donna l'ordre de rentrer et rejoignit Hydra le 28. PsaraPsará fut alors à nouveau occupée par Husrev ; il récupéra les derniers canons, fit raser les derniers bâtiments encore debout et combler le port, puis après un court passage à Lesbos se dirigea vers son objectif suivant, l'île de Samos<ref>[[Thomas Gordon (militaire britannique)|Gordon]], ''History of the Greek Revolution'', {{tome|2}}, {{pp.|142-143}}.</ref>.
 
Les flottes grecque et turque s'affrontèrent à nouveau à plusieurs reprises en août ; des navires turcs furent détruits par des brûlots, et les Ottomans finirent par se replier vers [[CosKos (Dodécanèse)|Cos]] à la fin du mois, épargnant ainsi [[Samos]]{{sfn|Brunet de Presle|Blanchet|1860|p=528}}.
 
Si l’[[guerre d'indépendance grecque|indépendance de la Grèce]] fut acquise en [[1830]], PsaraPsará ne rejoignit ce pays qu’en [[1912]]. À la fin du {{XIXe siècle}}, l'île comptait 932 habitants (dont 9 musulmans et 4 juifs)<ref>Kemal H. Karpat, « Ottoman Population Records and the Census of 1881/82-1893 », ''International Journal of Middle East Studies'', {{vol.|9}}, {{numéro|3}}, (octobre 1978), {{p.|263}}.</ref>.
 
== L'émotion face au massacre ==
=== Les effets du massacre de Chios ===
[[Fichier:EugèneScène Delacroixdes - Le Massacremassacres de Scio.jpg|thumb|alt=célèbre tableau XIXe : des corps agonisants au premier plan ; à droite un soldat moustachu sur un cheval cabré ; au loin des villages en flammes|''[[Scène des massacres de Scio]]'' par Eugène Delacroix.]]
 
L'indignation face au massacre de PsaraPsará fut bien souvent englobée dans celle ayant suivi le massacre de Chios. Le célèbre tableau d'[[Eugène Delacroix]], ''[[Scène des massacres de Scio]]'', fut en effet exposé au Salon de 1824, l'année du massacre de PsaraPsará. De même, la mort de [[Lord Byron]] lors du [[siège de Missolonghi]] avait dirigé les regards des [[Philhellénisme|philhellènes]] vers d'autres parties de la Grèce.
 
[[Pierre-Jean de Béranger|Béranger]] écrivit cependant un poème ''Psara'' où il critiquait l'inaction occidentale après les massacres à Chios et imaginait les soldats ottomans chantant en massacrant sur l'île :<br />
 
[[Pierre-Jean de Béranger|Béranger]] écrivit cependant un poème ''Psara'' où il critiquait l'inaction occidentale après les massacres à Chios et imaginait les soldats ottomans chantant en massacrant sur l'île :<br />
{{Citation|''Mais de Chios recommencent les fêtes ;''<br />
''Psara succombe, et voilà ses soutiens !'' [...]<br />
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=== Le souvenir en Grèce ===
Le peintrepoète [[NikolaosDionýsios GysisSolomós]] et le poètepeintre [[DionýsiosNikólaos SolomósGýzis]] ont réalisé des œuvres commémorant la chute de PsaraPsará.
 
[[Épitaphe]] de Dionýsios Solomós :
Solomos écrivit l'[[épitaphe]] suivante :
 
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| width="50%" valign="top" |
{{Citation|''Στῶν Ψαρῶν τὴν ὁλόμαυρη ράχη,''<br />
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''Ποὺ εἶχαν μείνει στὴν ἔρημη γῆ.''}}
| width="50%" valign="top" |
{{Citation|''Sur la crête toute noircie de Psara,''<br />
''La Gloire, marchant seule,''<br />
''Contemple les splendides pallikares,''<br />
''Et dans les cheveux, elle porte une couronne,''<br />
''Faite des quelques derniers brins d'herbe,''<br />
''Qui restaient encore sur cette terre désertée.''}}
|}
 
Œuvres de Nikólaos Gýzis :
== Annexes ==
 
<br>
<gallery widths="220" heights="200">
Fichier:Γύζης, Νικόλαος - Η Δόξα των Ψαρών, 1898.jpg|''La Gloire de Psara'', pastel sur papier, 1896
Fichier:Gysis Nikolaos After the destruction of Psara.jpg|''Après la destruction de Psara'', huile sur toile, 1896-1898
Fichier:DOXA-PSARON.jpg|''La Gloire de Psara'', huile sur toile, 1898
</gallery>
 
== Annexes ==
=== Article connexe ===
* [[Opérations navales durant la guerre d'indépendance grecque]]
* [[Massacre de Chios]]
* [[Psará|Île de Psará]]
* [[Guerre d'indépendance grecque]]
 
=== Lien externe ===
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=== Bibliographie ===
* Anonyme, « Psara et les Psariotes. », in ''Nouvelles annales des voyages, de la géographie et de l'histoire ou Recueil des relations originales inédites'', tome 23, 1824. [https://gallica.bnf.fr/document?O=N69788 Lire sur Gallica]
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = | nom1 = Hellenic Army General Staff | titre = An Index of events in the military history of the greek nation| éditeur = Hellenic Army General Staff, Army History Directorate | lieu = [[Athènes]] | année = 1998 | pages totales = 471 | isbn = 978-960-7897-27-5 }}
* {{Ouvrage | langue = el | nom1 = Collectif | titre = Ἱστορία τοῦ Ἐλληνικοῦ Ἔθνους | sous-titre = Ἡ Ἑλληνικὴ Ἐπανάσταση | éditeur = Ἐκδοτικὴ Ἀθηνῶν A.E | lieu = Athènes | année = 1975 | tome = 1 | volume = 2 | pages totales = 656 | isbn = 978-960-213-108-4 }}
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = David | nom1 = Brewer | titre = The Greek War of Independence | sous-titre = The Struggle for Freedom from Ottoman Oppression and the Birth of the Modern Greek Nation | éditeur = The Overlook Press | lieu = New York | année = 2001 | pages totales = 393 | isbn = 978-1-58567-395-7 | lccn = 2001036211 }}
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Wladimir | nom1 = Brunet de Presle | lien auteur1 = Wladimir Brunet de Presle |prénom2 = Alexandre | nom2 = Blanchet | titre = Grèce depuis la conquête romaine jusqu’à nos jours | lien éditeur = Firmin Didot | éditeur = Firmin Didot | lieu = Paris | année = 1860 | pages totales = 589 }}
* {{Ouvrage | langue = en | prénom1 = Richard | nom1 = Clogg | titre = A Concise History of Greece | lien éditeur = Cambridge University Press | éditeur = Cambridge U.P. | lieu = Cambridge | année = 1992 | pages totales = 257 | format = poche | isbn = 978-0-521-37830-7 | lccn = 91025872 | }}
* {{en}} John L. Comstock, ''History of the Greek Revolution compiled from official documents of the greek government.'', New York, W. Reed, 1828. [https://books.google.com/books?id=cQIMAAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=Greek+Revolution&hl=fr#PPA1,M1 Lire sur Google Books]
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Georges | nom1 = Contogeorgis | lien auteur1 = Georges Contogeorgis | titre = Histoire de la Grèce | lien éditeur = Hatier | éditeur = Hatier, coll. Nations d'Europe | lieu = Paris | année = 1992 | pages totales = 477 | isbn = 978-2-218-03841-9 }}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Louis|nom1=Lacroix |titre=Îles de la Grèce |éditeur=Firmin Didot |lieu=[[Paris]] |année première édition=1853 |réimpression=1978|pages totales=644 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307684.notice|isbn=2-7196-0012-1 }}
* {{en}} [[William Martin Leake]], ''An Historical Outline of the Greek Revolution. With a Few Remarks on the Present State of Affairs in that Country.'', Londres, J. Murray, 1826. [https://books.google.com/books?vid=0yBI5b_MSZUYMJQd&id=Y2kizBOlxxUC&printsec=titlepage&dq=historical+outline+of+the+Greek+Revolution Lire sur Google Books]
* [[ConstantinKonstantínos PaparregopoulosPaparrigópoulos]], ''Histoire de la Grèce moderne. Guerre de l'indépendance.'', traduit par Th. C. Tchocan, Athènes, Imprimerie de l'Espérance, 1858.
* {{en}} W. Alison Phillips, ''The War of Greek Independence. 1821 to 1833.'', New York, Charles Scribner's Sons, 1897.
* {{Ouvrage | langue = fr | prénom1 = Apostolos | nom1 = Vacalopoulos | titre = Histoire de la Grèce moderne | lien éditeur = Horvath | éditeur = Horvath | lieu = | année = 1975 | pages totales = 330 | isbn = 978-2-7171-0057-0 | lccn = 75507200 | passage = | lire en ligne = }}
 
=== Notes et références ===
==== Notes ====
{{Références|groupe=N}}
 
==== Références ====
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{{Palette|Guerre d'indépendance grecque}}
{{Portail|Grèce|histoireHistoire militaire|histoireHistoire|Empire ottoman|Droits de l'homme|XIXe siècle|esclavage}}
{{Article de qualité|oldid=23519074|date=3 décembre 2007}}