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[[Fichier:Hey.diddle.diddle.jpeg|vignette|"And the Dish Ran Away with the Spoon", tiré de Hey Diddle Diddle et Bye, Baby Bunting]]
La '''prosopopée''' ([[Nom (grammaire)|substantif]] féminin), du [[grec (langue)|grec]] πρόσωπον ''prosôpon'' (face, figure) et ποιέω ''poiéô'' (faire, fabriquer) est une [[figure de style]] qui consiste à faire parler un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction<ref>{{lien web |titre=Prosopopée |url=http://www.lettres.org/files/prosopopee.html |site=lettres.org |consulté le=26-04-2023}}.</ref>. Elle est proche de la [[personnification]], du [[portrait]] et de l'[[éthopée]]. En [[rhétorique]], lorsqu'elle fait intervenir l'auteur, qui semble introduire les paroles de l'être fictif, on la nomme la [[wikt:sermocination|sermocination]].
== Exemples ==
Je suis la pipe d'un auteur ;
Elle me dit : « Je suis l'impassible théâtre▼
On voit, à contempler ma mine,
D’Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur.
|auteur=[[Charles Baudelaire]]}}
{{vers|texte=
Que ne peut remuer le pied de ses acteurs ;
Mes marches d'émeraude et mes parvis d'albâtre,
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Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs.
«
À côté des fourmis les populations ;
Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre,
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Mon printemps ne sent pas vos adorations.
«
J'abandonnais au vent mes cheveux tout entiers,
Je suivais dans les cieux ma route accoutumée,
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Après vous, traversant l'espace où tout s'élance,
J'irai seule et sereine, en un chaste silence
Je fendrai l'air du front et de mes seins altiers.
|auteur=[[Alfred de Vigny]]| ouvrage=Les Destinées|
== Définition ==
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Le terme de ''prosopopée'' est l'équivalent exact de celui de [[personnification]], en grec, néanmoins, en stylistique française, l'opposition entre les deux figures existe. Dans la prosopopée, le [[locuteur]] donne la parole au personnage fictif, qui peut même interagir avec l'émetteur ou le narrateur, alors que la personnification ne fait qu'attribuer des sentiments ou des comportements humains à des êtres inanimés ou à des abstractions. Duclos dans ses ''Œuvres'' la définit ainsi : {{Citation|Quand on anime les choses, et qu'on les regarde comme des personnes par une figure qu'on appelle prosopopée, on y peut employer les termes qui conviennent aux personnes.}}<ref>''t. IX, p. 101''</ref>
La figure est également, ''stricto sensu'', à distinguer de l'[[éthopée]], ou portrait moral d'un être, en cela qu'elle concerne la représentation physique alors que l'éthopée donne à voir une personne dans ses qualités morales et comportementales.
Pour [[Patrick Bacry]], la prosopopée est en réalité le stade ultime de la personnification<ref>Bacry, ''Les figures de style'', Belin, p. 74</ref>. Il en fait une variante de l'[[allégorie]] fondée sur le [[discours direct]]. L'auteur s'arrête alors de décrire ou de raconter, ouvre les guillemets et donne la parole à son personnage fictif. Son utilisation est donc à distinguer des dialogues donnés aux personnages du récit, inventés ou historiques, mais animés dans ce sens qu'ils ne sont ni morts, ni abstraits, ni mythologiques. Cependant, la frontière entre prosopopée et personnages romanesques est ténue : certains [[genre littéraire|genre]]s font de morts ou de divinités des ''dramatis personnae'', des [[actant]]s sans pour autant produire de prosopopée (cas du [[fantastique]] par exemple).
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{{vers|texte=Une ville est assise ès champs savoisiens,
[
Laquelle, en cependant que les Rois augmentaient
Mes
[
M'a fait comme tu vois chétive et misérable.
[
Ils ont rompu ma robe en rompant mes cités
[
Ont pillé mes cheveux en pillant mes
La prosopopée est souvent incluse dans une [[allégorie]] comme dans l'exemple précédent. Elle permet en définitive d'animer davantage l'allégorie, de la rendre vivante en la faisant parler comme un être doué de paroles. Le personnage fictif atteint à un niveau extrême d'humanité selon Bacry qui propose de parler de prosopopée {{Citation|chaque fois qu'un auteur prête parole à ce qui, ou à qui, ne peut pas — ou ne peut plus — parler}}, en cela il marque la capacité locutoire du personnage comme fondant la figure dans sa distinction d'avec la personnification ou l'allégorie.
On remarque cependant que la prosopopée peut exister sans allégorie descriptive. Elle consiste alors en un pur dialogue :
{{vers|texte=Ne m'appelez plus jamais France
La France, elle m'a laissé
[[Michel Sardou]] fait alors parler un bateau, sans le décrire outre mesure comme un être vivant. C'est aussi le cas des prosopopées de personnages historiques, maintes fois reprises en littérature et qui consiste à faire parler une figure connue qu'il n'est pas utile de décrire davantage. L'être décrit est alors un mort, ce sur quoi la figure se démarque de la personnification puisqu'il reste un animé. [[Jean-Jacques Rousseau]] donne ainsi la parole au héros romain Fabricius dans son ''Discours sur les Sciences et les Arts'' ; [[Paul Valéry]], lui, dans ''Eupalinos'' fait dialoguer l'ombre de [[Socrate]] avec celle de [[Phèdre (Athénien)|Phèdre]].
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=== Définition stylistique ===
La prosopopée apparaît souvent dans les œuvres de combat ou de débat. Elle a pour but d'apporter à l'[[argumentation]] une force de conviction plus grande : au lieu de prendre en charge soi-même le discours, on le prête à une autorité historique ou à une abstraction personnifiée comme la Nature, les Lois, la France, références marquées typographiquement par l'usage de la majuscule, qui par ailleurs renforce la contiguïté de la figure avec celle de l'[[allégorie]]. Dans ses ''Pensées'', [[Blaise Pascal]] fait par exemple parler la Sagesse de Dieu<ref>Pascal, ''Pensées'', édition Brunschvicg, p.
Cet usage a ainsi associé la figure, en langage populaire, à un discours véhément et emphatique : [[Dassoucy]] critique ainsi le style de son interlocuteur en clamant : {{Citation|Lorsqu'un noble plus gueux qu'[[Irus (mythologie)|Irus]], Plus larron que Rodilardus, Et plus valeureux que Pompée, Pour vous emprunter dix écus Sur sa noblesse de bibus, Vous fait une prosopopée}}<ref>in ''Aventures'', ch.
Enfin, au sein de la rhétorique, la
== Genres concernés ==
=== En philosophie ===
La [[philosophie]] a parfois fait usage de prosopopées afin d'illustrer un problème philosophique. Ainsi, dans le [[Criton (Platon)|''Criton'']] de [[Platon]], afin d'expliquer pourquoi il refuse de s'évader de prison, [[Socrate]] motive son refus en imaginant que les Lois de la Cité lui apparaissent, et qu'elles lui parlent ({{Citation|Socrate, est-ce là ce qui était convenu entre nous et toi ? […] Après que tu as été mis au monde, nourri, élevé par nous, pourrais-tu prétendre que tu n'étais pas à nous, issu de nous, toi-même et tes ascendants ? …}})<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jean-Jacques|nom1=Chevallier|titre=Histoire de la pensée politique|éditeur=Payot|date=1979-<1984>|isbn=9782228135306|oclc=6356697|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/6356697|consulté le=2022-12-10}}</ref>.
=== En littérature ===
La prosopopée est une figure fréquente de rédaction des textes juridiques (lois, constitutions) d'inspiration démocratique. La [[Constitution des États-Unis|Constitution américaine]] de 1787 commence par la formule : {{Citation|'''Nous, Peuple des États-Unis''', en vue de former une Union plus parfaite, d'établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d'assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d'Amérique.}}, faisant ainsi parler, d'une seule voix, le peuple américain libéré du joug britannique. La loi fondamentale allemande de 1949 commence elle par la formule : «
Les genres oratoires de l'[[Antiquité]] sont extrêmement pourvus de prosopopée. Ainsi on peut citer les exemples du ''Criton'' de [[Platon]] qui fait parler les Lois grecques, la première ''Catilinaire'' de [[Cicéron]] qui donne voix à la Patrie latine. Les premières prosopopées antiques faisaient parler les dieux et les [[Muses]]. [[Parménide]] dans son ''Poème'', [[Homère]] dans ''L'Iliade'' ou encore [[Hésiode]] dans sa ''Théogonie'', qui est une longue prosopopée d'une muse.
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Une célèbre prosopopée de la Nature se trouve dans [[Lucrèce]], ''[[De rerum natura]]'', Livre III (v. 931-962).
La poésie contemporaine y a également recours. [[Jules Supervielle]], par exemple, dans ''La Fable du monde'', donne la parole à Dieu
<poem><center>
La forêt dit : « C'est toujours moi la sacrifiée,
On me harcèle, on me traverse, on me brise à coups de hache,
On me cherche noise, on me tourmente sans raison,
On me lance des oiseaux à la tête ou des fourmis dans les jambes,
Et l'on me grave des noms auxquels je ne puis m'attacher.
</center></poem>
=== En musique ===
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Je vais bien finir par l'avoir
Cette danseuse ridicule
Est-ce que ce monde est sérieux ?
On retrouve d'autres d'interprètes faisant parler un animal. C'est le cas de [[Gérard Lenorman]] dans la chanson ''[[Gentil dauphin triste]]''. N'ayant pas apprécié l'utilisation du requin en tant que grand méchant dans [[Les Dents de la mer]], il prend le point de vue d'un dauphin afin de défendre cette cause animale
{{vers|texte=Moi le gentil dauphin
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Pour un poisson bidon
Un requin de carton
Allez, sois chouette envoie-moi ton
Parmi les autres exemples de prosopopées, on peut également citer ''[[Bébé requin]]'' de [[France Gall]], la ''Mouche'' de [[Michel Polnareff]] ou encore ''Je suis une larme'' d'[[Yves Duteil]].
=== Utilisation dans des devinettes ===
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De quoi l'écrire sans crayon.</poem>
Ici, c'est l'{{Citation|oiseau}}, solution de l'énigme, qui est le sujet de la phrase. La question «
<!-- == Historique de la notion ==
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=== Figures proches ===
Figure «
Figures «
[[Paronyme]]s :
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== Références ==
{{Références}}
{{Bibliographie des figures de style}}
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